Lorsqu’on pose son pied pour la première fois au Spitzberg, il est bien rare que ce soit pour faire de la botanique. Soyons honnêtes, si on voyage en Arctique, c’est davantage pour la glace et les animaux mythiques qui y vivent. Seulement ça, c’est avant d’avoir vu la toundra en fleur…

Ny London Spitzberg

La toundra – des plantes de l’extrême

A l’origine, le mot toundra, emprunté aux Sami, signifie « terres sans arbres ». Dans l’hémisphère Nord, au-delà de la limite de la forêt boréale appelée aussi taïga, la toundra s’étend sur plus de 10 millions de km2, formant un énorme cercle autour de l’océan arctique. Le Spitzberg situé à mi-chemin entre le cercle polaire arctique et le pôle nord n’échappe pas à la règle : il est certes constitué de roches et de glace mais il est aussi merveilleusement recouvert de toundra. Par extension, on retrouve de la même manière la toundra antarctique dans l’hémisphère sud et la toundra alpine en zone montagneuse.

La toundra arctique est composée d’une strate végétale unique, rase et d’un sol gelé en profondeur. Les espèces qui la composent doivent être adaptées à un milieu plutôt rude : faibles précipitations, vents violents, peu voire pas de lumière du soleil pendant plusieurs mois et une température moyenne hivernale avoisinant les -34°C. De ce fait, la diversité spécifique est faible et seules quelques milliers d’espèces ont réussi à s’adapter pour survivre dans ce milieu extrême.

S’adapter ou mourir

Les plantes ont développé différentes stratégies, parfois surprenantes, pour survivre à des environnements extrêmes en tout genre. Dans la toundra, il y a celles qui ont choisi la stratégie « Pour vivre heureux vivons caché ». Ramper le long du sol, pousser à l’horizontale ou carrément sous la surface offre d’une part une protection contre le froid en profitant de la chaleur du sol et d’autre part une protection contre le vent par le manteau neigeux. Selon une autre stratégie, « l’union fait la force », le développement en coussinet réduit l’évaporation et emprisonne la chaleur des rayons du soleil. Dans la toundra il faut aussi savoir se faire petit. Le nanisme, la présence de feuilles réduites, épaisses à surface cireuse empêchent la perte d’eau par les vents desséchants. D’autres plantes ont adopté une forte pilosité pour se prémunir du froid et du desséchement.

 

Pediculaire laineuse - SPitzberg

Pédiculaire laineuse – Pedicularis dasyantha – Saint Jonsfjord – Spitzberg

Les fleurs du Spitzberg

On trouve au Spitzberg près de 170 espèces de plantes à fleurs, sans compter les algues, les champignons, les mousses et les lichens. Le centre du Spitzberg ainsi que l’Ouest, bénéficiant de l’influence chaude du Golf Stream font partie du climat du moyen arctique. On y retrouve parfois des zones de toundra luxuriante. La terre de Nordensköld, partie centrale où se situe Longyearbyen réunit à elle seule 75 % des espèces de l’archipel. A l’inverse, les courants froids créent au Sud et à l’Est des zones de véritables déserts typiques de ce qu’on appelle le désert polaire. Néanmoins ces déserts ne sont pas dépourvus de végétation pour autant !

Pavot du Svalbard

Pavot du Svalbard – Palenderbukta – Terre du Nord-Est – Spitzberg

  • La linaigrette arctique

Lorsqu’on arrive à Longyearbyen, difficile de passer à côté du tapis de coton que nous offre, en période estivale, la linaigrette de scheuchzeri ou linaigrette arctique Eriophorum scheuchzeri spp. arcticum. Les linaigrettes sont des petites plantes duveteuses que l’on retrouve généralement dans les tourbières et les zones humides à tendance acide.

Linaigrette arctique Spitzberg

Linaigrette arctique – Eriophorum sheuchzeri spp. arcticum – Longyearbyen – Spitzberg

  • La cassiope tétragone

Plus au Nord, en arpentant les fjord du Nord-Ouest, il est deux plantes que l’on retrouve en abondance. La première, la cassiope tétragone, Cassiope tetragona est reconnaissable entre mille. Ses petites fleurs en forme de clochettes blanches peuvent tapisser le sol à perte de vue. C’est une plante utilisée par les peuples du Nord comme combustible car elle est très ligneuse.

Cassiope tétragone – Cassiope tetragona – Saint Jonsfjord – Spitzberg

  • La dryade à huit pétales

Avec la cassiope tétragone, la dryade à huit pétales, Dryas octopetala est la deuxième plante que l’on retrouve en abondance dans les fjords du Nord-Ouest du Spitzberg. Elle est si abondante par endroit, que sous la lumière rasante du soleil, la toundra semble vêtue d’une couverture argentée. Petite plante ligneuse, elle est largement répandue à travers le nord de l’hémisphère nord. On la retrouve en effet dans les Alpes, les Pyrénées, le Jura, en Europe centrale, jusqu’en Alaska et au Canada. Elle est l’emblème végétal de l’Islande. On utilisait autrefois ses feuilles pour faire une tisane d’où son autre nom de « thé des Alpes ».
Des analyses de pollens dans des tourbières anciennes ont montré que la Dryade à huit pétales était l’une des premières plantes à fleurs à recoloniser les éboulis et les substrats libérés par les glaciers à la dernière glaciation. C’est ce qu’on appelle une plante pionnière.

Dryade à 8 pétales Spitzberg

Dryade à huit pétales, Dryas octopetala – Spitzberg

  • Le silène acaule

Incontournable quand on fait de la botanique au Spitzberg, le silène acaule, Silene acaulis fait partie de ces plantes qui se développent en touffes extrêmement compactes. Sa croissance est lente ; sa longévité est considérable pour une plante herbacée. Un coussinet de silène acaule de 20 cm de diamètre peut déjà avoir plusieurs décennies. De même un coussinet de 1 mètre de diamètre peut-être plus que centenaire, ce qui fait du silène acaule un monument végétal plus que vénérable. On l’appelle également la plante boussole car ses premières fleurs, avides de soleil, indiquent le sud ! Une plante remarquablement adaptée aux climats extrêmes qu’elle fréquente.

Silene Acaule Spitzberg

Silène acaule – Silene acaulis – Fjords du Nord-Ouest – Spitzberg

  • Les saxifrages

Leur nom signifie « casse pierre » ou « perce pierre ». Loin d’en avoir en réalité la capacité, les saxifrages sont des plantes dites « rupicoles » c’est-à-dire qui poussent sur un substrat rocheux. Elles s’installent notamment dans des fissures de rochers éclatés par le gel. Au Spitzberg, on retrouve plusieurs espèces de saxifrages. Contrairement aux cassiopes tétragones ou aux dryades à huit pétales, elles ne forment pas de tapis de végétation à perte de vue mais apportent par leurs formes ou leurs couleurs des touches d’originalité sur la toundra. Nous décrirons deux des espèces pouvant être rencontrées sur nos voyages.

La saxifrage à feuilles opposées, Saxifraga oppositifolia est une plante qui passe inaperçue en dehors de sa période de floraison. Mais, au début de l’été, elle se pare de magnifiques fleurs rose vif qui recouvrent quasiment toute la plante. Elle est largement répandue sur tout l’archipel et plus largement à travers l’Arctique et dans les régions montagneuses de l’Europe.

Saxifrage à feuilles opposée – Saxifraga oppositifolia – Saint Jonsfjord – Spitzberg

La saxifrage araignée ou saxifrage à flagelle, Saxifraga flagellaris n’est pas abondante au Spitzberg mais elle est inoubliable. Sa petite tige est surmontée d’une fleur solitaire jaune d’or. Pour pallier au manque d’insectes, elle se reproduit par rejet. Une technique utilisée par d’autres certes, mais chez elle, les stolons sont visibles, d’un rouge intense et parcours le sol à la manière de pattes d’araignées.

Saxifrage araignée -Saxifraga flagellaris – Rijpfjord – Terre du Nord Est – Spitzberg

  • Le saule polaire

Il existe bien des forêts au Spitzberg mais elles sont très différentes de la définition qu’on en a habituellement. Le saule polaire, Salix polaris est le plus répandu des 5 espèces d’arbres nains du Spitzberg. Cet arbre ne pousse que de quelques millimètres par an seulement, pour atteindre la taille démentielle de 3 cm de haut après plusieurs décennies. Vous comprendrez donc que personne, pas même une souris, ne peut se perdre dans les forêts de saules polaires du Spitzberg. Ce petit saule réparti sur tout l’archipel est reconnaissable à ses petites feuilles rondes et cireuses qui lui donne un aspect brillant.

Saule polaire, Salix polaris – Spitzberg

  • Le pavot du Svalbard

Le pavot du Svalbard, Papaver dahlianum est parfois nommée « fleur nationale », on la retrouve pourtant au Groenland et au nord de la Scandinavie. Emblème du Spitzberg, ce petit coquelicot crème est présent sur tout l’archipel mais avec une préférence pour les sols secs et rocheux. C’est la plante type du désert polaire et de la Terre du Nord-Est. Aucune autre plante n’est présente si haute en altitude que cette petite plante à la fleur dressée, on la retrouve en effet jusqu’à 1000 mètres d’altitude !

Pavot du Svalbard - 2

Pavot du Svalbard – Papaver dahlianum – Fjord de Wahlenberg – Terre du Nord-Est – Spitzberg

  • Et les autres…

Beaucoup d’autres plantes à fleurs sont présentes au Spitzberg telles que l’oxyria digyna de la famille de l’oseille, le très rare bouleau nain, la renouée vivipare, ou encore le céraiste arctique, les différentes espèces de renoncules, le cranson arctique… Si vous avez envie de les photographier, d’en connaitre davantage ou juste de les admirer, embarquez avec nous ! Mais sachez que la toundra ne se dévoile qu’à ceux qui savent s’y agenouiller…

Un guide passionné penché sur une pédiculaire laineuse – Woodfjord – Spitzberg

Menace sur la toundra

En 2018, une équipe internationale de chercheurs a analysé plus de 60 000 données provenant de centaines de sites situés autour du cercle polaire arctique de l’Alaska à la Sibérie en passant par le Canada, l’Islande et la Scandinavie. Leur conclusion est sans équivoque et montre que la végétation de l’Arctique se modifie. De toute part, le réchauffement et l’humidité dû à la fonte du pergélisol entraînent l’augmentation de la taille de la végétation et l’arrivée de nouvelles plantes plus grandes. Les petits arbustes en particulier se mettent à croître et à se multiplier à un rythme effréné. Selon les chercheurs, si les végétaux continuent d’augmenter au rythme actuel, leur hauteur pourrait gagner 20% à 60% d’ici la fin du siècle. Et la toundra ne sera plus la toundra…

 

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