Xavier Allard
Arctique
8 août
21 août 2025
Xavier Allard
Arctique
Sophie Tuchscherer
Guide
Christiane Drieux
Spécialiste Groenland et Culture Inuit
François Leloustre
Groenland
Mathieu Ramus
Histoire et Faune Arctique
Nicolas Garanger
Antarctique
Certaines photos photos d’illustrations ont été prises lors de précédentes croisières au Spitzberg. Le manque de connexion internet nous empêche de recevoir les photos en temps réel.
Après une courte nuit à Keflavík, une partie des passagers prend un vol matinal pour Ilulissat. Le ciel dégagé laisse entrevoir les premiers reliefs du Groenland. À l’arrivée, nous rejoignons le port et embarquons à bord de notre navire, l’Ocean Nova. Chacun découvre sa cabine, s’installe et prend ses repères à bord.
Peu après, un moment inattendu vient marquer cette première journée : une baleine à bosse évolue autour du bateau. Pendant plusieurs heures, elle offre un magnifique spectacle alternant plongées et remontées.
À 14h00, les passagers retournent à terre pour une visite libre d’Ilulissat, profitant à leur rythme de la ville et de ses alentours : maisons colorées, port animé et vues imprenables sur le fjord glacé.
En fin de journée, le reste des passagers, arrivé par un second vol, nous rejoint à bord. Après le dîner, l’équipage présente le briefing de sécurité. Nous levons ensuite l’ancre pour une navigation de nuit au milieu des icebergs, afin de poursuivre l’aventure vers de nouvelles découvertes polaires.
C’est une annonce de Xavier, notre chef d’expédition, qui termine de réveiller ceux qui ne le sont pas déjà : une baleine à bosse nage près du bateau et nous accompagne quelques instants sous les yeux ravis des photographes avant de s’éloigner. Quelle apparition et quel beau préambule pour une journée qui s’annonce déjà riche ! Des morceaux de glace jonchent notre route et se font de plus en plus denses et gros à mesure que nous avançons. Après un très bon petit-déjeuner, Yamila, notre cheffe hôtelière, nous donne quelques consignes et des informations sur l’équipage et la vie à bord, et puis nous voilà parés avec notre équipement pour une première sortie.
Nous commençons par un tour en zodiac entre les icebergs qui parsèment cette jolie baie, décor fantasmagorique où le brouillard enveloppe ces blocs de glace aux camaïeux de blanc et de bleu ; un phénomène qui apparaît régulièrement dans les régions polaires lorsque les masses d’air chaud rencontrent la glace. Beaucoup d’oiseaux volent autour de nous et nos guides nous parlent de leurs particularités, tels les fulmars, excellents planeurs qui possèdent des narines tubulaires capables de rejeter le sel de l’eau, des goélands ou mouettes tridactyles qui se reposent débonnairement sur des blocs de glace à la dérive. Des guillemots à miroir, au plumage noir et blanc, volent au ras de l’eau et nous distinguons même le rouge vif de leurs pattes lorsqu’ils décollent, seule couleur vive que la nature semble leur accorder. Nous avons même la chance de voir un juvénile au plumage différent, plus blanchâtre que ses congénères. Soudain, nos guides repèrent une baleine à bosse qui respire à la surface et nous arrivons à l’apercevoir, même si elle reste timide et ne se laisse approcher que de loin.
Après avoir navigué entre les icebergs et déjà photographié nombre d’entre eux, nous faisons halte dans le petit village de Qeqertaq, un hameau d’une centaine d’âmes vivant de la pêche. Le minuscule port est bordé de maisons colorées qui tranchent avec le blanc grisâtre de la baie, dont la lumière ne cesse de changer. Nous suivons nos guides Christiane et François, qui nous donnent de nombreuses explications sur ce village et la vie dans ces régions reculées du globe, telle la pêche et son développement, la vie moderne sous ces latitudes mais aussi celle d’antan, à l’époque des chasseurs et d’un peuple qui a toujours été solide et solidaire malgré la rudesse du climat. Ils nous racontent l’histoire de ces lieux, avant et après la colonisation par l’homme blanc, et les changements engendrés. Nous voyons la petite école du village prête pour la rentrée d’une poignée d’élèves, qui aura lieu le 15 août, et croisons d’ailleurs quelques enfants au sourire adorable. Nous entrons dans la charmante et accueillante église de bois et cheminons dans les rues du village, entre maisons de bois, chiens de traîneau et linaigrettes, ces fleurs duveteuses typiques des tourbières.
Nous avons la chance et le privilège d’avoir avec nous à bord les descendants de Jean Malaurie : son fils Guillaume, lui-même accompagné de ses trois fils. Revenus sur les traces de leur père et grand-père, ils sont aussi chargés d’un objectif, tel un pèlerinage émotionnel : déposer solennellement l’urne contenant ses cendres face aux icebergs et paysages englacés d’un petit village tout au nord de la côte nord-ouest si chère au coeur de leur aïeul. Une cérémonie sera organisée dans quelques jours en son honneur et la famille découvre lors de ce voyage les paysages traversés par l’ethno-historien cinquante ans auparavant. Comble du hasard, ils entament la conversation avec Uko, un habitant du village qui se souvient de Jean Malaurie venu pour un tournage il y a plus de cinquante ans alors qu’Uko n’avait que treize ans. Il ne cesse de répéter « What a surprise!! Quelle surprise! » et échange quelques mots avec la famille attendrie, se remémorant le passé devant la famille Malaurie. Un bel instant d’émotion avant que chacun ne reprenne sa route.
Cela tombe bien, car une sortie en zodiac est prévue dès la fin du café et nous partons à la découverte d’un endroit fabuleux : un cimetière d’icebergs ! Ces énormes blocs, dont la partie immergée est bien supérieure à celle à l’air libre (qui est déjà impressionnante), sont en effet coincés au sol et condamnés à rester figés dans la baie, d’où le nom de cimetière. Nous partons en zodiac pour une belle expédition et louvoyons entre ces blocs gelés pour le plus grand plaisir de nos yeux. Un régal pour les photographes ! Une baleine à bosse est à nouveau aperçue mais joue au chat et à la souris, et nous la laissons en paix, profitant du splendide panorama qui s’offre à nous. Les couleurs et les formes des icebergs sont incroyables et nos imaginations fertiles y voient de multiples formes : gâteaux à la chantilly, profils de trolls, tours de guet, figures de proue, tortues et pélicans ou châteaux forts ; un petit jeu auquel nous nous livrons en riant. Cela dit, les mots nous manquent pour décrire la poésie de l’instant et une véritable émotion nous saisit face à ces géants de glace.
Nous avons l’occasion de descendre à terre pour un petit débarquement et c’est agréable de marcher un peu sur les hauteurs où une végétation rase (mais riche !) abonde : fleurs, mousses, baies, champignons et lichens sont innombrables, et nous voyons même une forêt miniature puisque les saules et bouleaux ne font ici que quelques centimètres de haut ! Mais ne les offensons pas, ce sont bien des arbres. Notre guide Sophie nous décrit quelques espèces ainsi que leurs propriétés, comme la camarine noire, aux baies qui portent bien leur nom, ou le thé du Labrador, aux effluves mentholés, les lichens aux formes aussi diverses que originales, en crêpes ou en trompettes… La toundra est un vrai laboratoire botanique à ciel ouvert et les couleurs, là encore, sont incroyables. Un plaisir pour les yeux.
Après les manœuvres pour rembarquer dans les zodiacs, nous rentrons tout schuss au bateau et profitons de notre soirée. Nous nous rejoignons tous au salon panoramique pour un verre de bienvenue en présence d’Ender, le second capitaine, et trinquons à la santé de notre voyage avant le point récap présenté par Xavier, notre chef d’expédition où notre équipe de guides, Laurent le médecin et Emma notre directrice de croisière nous sont présentés. La parole est aussi donnée à Guillaume Malaurie qui expose les raisons de sa venue ici avec ses fils et évoque la mémoire de son père dont le souhait était de reposer ici, au Groenland, au plus près du peuple Inuit cher à son souvenir. Ses dernières volontés seront respectées et c’est un honneur pour Grands Espaces de participer à la destinée de l’ultime voyage du grand homme.
L’itinéraire et le programme du lendemain nous sont ensuite présentés et après cette journée plus que complète, il est temps de passer à table et c’est avec appétit que nous dînons dans la belle lumière du soir qui se fait éternel maintenant que nous sommes sous les latitudes du pays du soleil de minuit…
Après le petit déjeuner toujours aussi foisonnant, Laurent nous convie au salon d’observation pour nous livrer quelques astuces techniques de la photographie en milieu polaire. Nous voilà maintenant bien armés pour maitriser le trio infernal : Iso/vitesse/ouverture et rapporter des images à la hauteur de nos émotions.
Puis François nous propose de porter « trois regards » sur le Groenland, l’un cartographique, l’autre politique et le troisième artistique. De Pythéas à nos jours, avec de magnifiques illustrations, il nous retrace l’apparition du Groenland sur les cartes. En quelques chiffres, nous nous familiarisons avec l’immensité de ce territoire quatre fois plus grand que la France mais sans aucuns autres moyens de communication que le bateau, l’avion ou l’hélicoptère. Pas de route ! Le chemin vers l’indépendance est quant à lui jalonné de dates décisives : 1953, passage du statut de colonie du Danemark à celui de province, 1979, autonomie interne et 2009, autonomie élargie rendant au Groenland la propriété de son sol. Les artistes ont eux aussi participé à l’émancipation du pays. Les lumineuses œuvres d’Aka Hoegh, Pia Arke ou Emanuel Petersen sont de véritables merveilles.
Après le généreux buffet du déjeuner, nous débarquons à Appilattoq, un petit village de pêcheurs, accroché à des parois rocheuses au nord-est d’Upernavik. Appilattoq, dont le nom signifie montagne rouge, a été fondé en 1805. L’activité principale est la pêche au flétan avec de longues lignes pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres.
Une courte navigation, et l’Ocean Nova pénètre dans le cœur de l’Allée des Icebergs. Nous embarquons dans les Zodiacs pour une croisière époustouflante ! D’indescriptibles montagnes de glace nous entourent. Nous nous faufilons dans un dédale de d’icebergs aux dimensions vertigineuses. Le sommet de l’un d’entre eux est mesuré à plus de 150 mètres de hauteur ! Une demie Tour Eiffel !
De retour au bateau, c’est le moment d’une brève « récap » par Nicolas, sur les baleines à bosse qui nous ont accompagnés dans ce début de voyage. Nous avons progressé en latitude, le soleil tarde à se coucher, et nous incite à profiter jusque tard dans la soirée du spectacle féérique de la glace dans tous ses états.
Nous naviguons dans la baie de Melville ainsi nommée par le capitaine John Ross en 1818 en l’honneur du Vicomte Robert Dundas Premier Lord de l’Amirauté. Les Inuits nommaient cette grande baie, Qimusseriarsuaq, la grande traversée en traîneau à chiens (nous retrouvons le suffixe suaq qui signifie grand ). Des icebergs majestueux nous invitent vers le Nord, vers Thulé, Ultima Thulé.
C’est le moment où Christiane nous explique le peuplement du Groenland; toutes les migrations, des Saqqaq aux Thuléens en passant par les Dorset, sont toujours passées par Thulé ou plus exactement par Etah où la distance avec le Canada et l’île Ellesmere est la plus réduite. Seuls les Islandais, descendants des Vikings, sont arrivés par l’Est et se sont évanouis au XVième siècle. Si le mode de vie et l’habitat ne sont plus les mêmes aujourd’hui, l’usage du kayak et du harpon à propulseur perdurent dans l’extrême nord-ouest où nous serons les jours prochains.
À 11h, nous partons en zodiac pour naviguer dans cette baie, dominée par la Tête Rouge, Red Head comme l’avaient appelée les premiers explorateurs anglais, Naserssorfik comme la nomme depuis toujours les Groenlandais. L’excursion est si magique que le déjeuner est retardé pour nous permettre de profiter davantage de cette ambiance polaire.
Après le déjeuner, nous remettons vite les bottes et les bonnets pour une nouvelle sortie en zodiac, en direction de la calotte que nous apercevons au loin. Cette calotte est la deuxième plus grande masse de glace sur Terre après l’inlandsis de l’Antarctique. Avant de regagner l’Ocean Nova, Xavier nous propose un débarquement et une courte marche jusqu’à un point de vue toujours aussi magique.
Juste quand commence la «récap» quotidienne, nous dépassons le soixante-quinzième parallèle. Suite aux observations faites dans la journée, Laurent nous parle des laminaires et de leur usage en obstétrique. Puis, c’est au tour de Sophie de nous exposer les différentes espèces d’oiseaux arctiques aperçus aujourd’hui, comme la mouette tridactyle, le guillemot à miroir (certains avec plumage internuptial), la sterne arctique ou l’eider à duvet. Enfin, Xavier nous présente le programme de demain. Enfin, nous serons chez les Esquimaux Polaires, les Inughuit ou, comme les a appelés Jean Malaurie, les Derniers Rois de Thulé.
À 7 heures du matin, Xavier est sorti en Zodiac pour explorer les côtes à la recherche de bêtes à poils, ours surtout, et éventuellement de bœufs musqués. Malgré sa vue perçante, il n’a rien remarqué qui aurait pu susciter un intérêt certain. Ce n’est que partie remise.
Après le petit-déjeuner, une sortie vers le village de Savissivik est prévue. Après vingt minutes de Zodiac, nous accostons sur la plage du village. Christiane nous donne des explications sur ce village de chasseurs d’ours, mais malheureusement une partie des habitants est à Qaanaaq pour certaines festivités. C’est ici qu’est tombée, il y a bien longtemps, une météorite, ce qui a permis à ces chasseurs de fabriquer, bien avant les autres communautés, des outils en fer en le martelant.
Nous avons la chance de rencontrer un couple en costume traditionnel. L’homme est habillé d’un pantalon en peau d’ours, dont la ceinture est en peau de phoque avec des boutons taillés dans une dent de narval. Il porte des kamiks en peau de phoque, dont la semelle est en peau de phoque barbu, car plus résistante. Il porte un anorak et enfile par-dessus un habit en fourrure de chiens de traîneau. Il nous fait une démonstration de maniement du fouet, qui ne sert jamais à frapper les chiens, mais à appuyer les ordres donnés. Christiane nous traduit les explications : traîneau vers la gauche, coup de fouet à droite avec l’ordre d’aller à gauche ; encourager les chiens ; les faire se calmer… tout un langage longuement appris qui permet une symbiose entre l’attelage des chiens et l’humain. Certains passagers se sont essayés à l’exercice, le fouet ayant plus souvent fini sur les oreilles, les bonnets ou les bottes que vers l’avant.
Puis, visite de la tente montée sur un traîneau et petite leçon d’allumage du réchaud pour faire chauffer l’eau et préparer un café dont la bonne odeur se répand autour de nous. Ce même réchaud sert également à réchauffer la tente. Enfin, démonstration de la chasse au mergule pour préparer le fameux plat traditionnel, le kiviak : mergules entiers (oui, oui, avec les plumes) mis dans une peau de phoque et laissés à fermenter.
La femme, habillée de kamiks en peau de phoque, d’un chemisier et ornée d’un collier de perles traditionnel, nous montre le kayak avec tous ses accessoires : lance, harpons, rame… Nous avons pu visiter ensuite l’église, d’architecture différente, avec un plafond et non une carène de bateau retournée comme c’est souvent le cas, offrant une vue sur la baie et les icebergs échoués devant le village.
Enfin, nous avons pu voir l’école, avec à l’entrée des posters d’animaux, de plantes, de mammifères et d’oiseaux des régions arctiques. Au tableau, les jours de la semaine sont inscrits en trois langues : la langue régionale, l’anglais et le danois. Dans une petite pièce à part se trouve l’atelier des activités manuelles, afin de ne pas perdre les savoirs ancestraux. Après plus de deux heures d’approfondissement des rites et coutumes inuits, il est temps de retourner au bateau.
Après le repas, et le temps que l’Ocean Nova se repositionne, il est 15 heures et nous sommes arrivés au Cap York. Le brouillard sur les hauteurs nous empêche de voir le monument de Peary. Malgré une houle quelque peu formée, rendant la sortie du bateau plus difficile, nous allons suivre la partie sud du cap, abritée du vent. Nous apercevons une baraque moderne rouge, lieu des explorations archéologiques. En effet, nous distinguons depuis les Zodiacs les restes d’une maison thuléenne avec son tunnel d’entrée caractéristique. Nous partons ensuite en direction de deux glaciers qui, malheureusement, ont déjà souffert des changements climatiques et qui s’éteignent lentement.
Nous traversons un magnifique champ d’icebergs, aux reflets changeants et aux formes toutes plus évocatrices les unes que les autres. Nous apercevons beaucoup de mergules, sur l’eau et dans les airs, ainsi que quelques guillemots à miroir. Un phoque peu curieux nous observe, mais reste à distance raisonnable de nos embarcations. Nous rentrons pour nous réchauffer à bord de notre hôtel flottant.
Avant le repas, c’est le moment de revenir sur les temps forts de notre journée. Nicolas nous apprend tout sur les icebergs tabulaires, François nous raconte l’histoire de Ross en 1818, venu cartographier la baie de Melville et encore plus au nord, et Christiane nous explique la différence entre Eskimos, Inuits et Inughuit. Xavier termine par le programme prévisionnel de demain.
Il est l’heure du repas, puis des discussions au salon panoramique sur cette belle journée pleine de richesses et de rencontres. La soirée s’achève tranquillement lorsque Xavier, scrutant l’horizon avec ses jumelles, repère huit bœufs musqués à Parker Snow. L’annonce est faite à bord et, rapidement, plusieurs passagers se rassemblent sur le pont pour les observer.
Ce matin, nous nous réveillons avec une vue unique : d’un côté, le site mythique de Dundas, l’ancienne Thulé, et de l’autre, la base aérienne américaine de Pituffik, connue internationalement sous le nom de base de Thulé. Un lieu chargé d’histoire…
Vers 9h, nous débarquons sur cet ancien village inuit, qui fut aussi un comptoir établi par Knud Rasmussen en 1910, au cœur de la région des Inughuit. Le ciel est encore voilé, mais la visibilité est bonne. Le village est bien entretenu, et le panorama est spectaculaire : en face, le mont Dundas domine le paysage et veille sur les habitations abandonnées.
Le groupe se sépare : certains partent pour une marche un peu plus longue afin de prendre de la hauteur et découvrir l’autre versant du fjord ; les autres flânent parmi les maisons et bâtiments historiques de l’ancien comptoir. Christiane nous captive avec le récit de l’histoire de ce lieu : les premiers peuplements inuits, l’installation des Inughuit, puis la fondation du poste de commerce par Rasmussen.
Elle évoque aussi un épisode plus récent et marquant : en 1953, la construction et l’agrandissement de la base américaine de Thulé entraînèrent le déplacement forcé de la population de Dundas vers Qaanaaq, à plus de 100 kilomètres au nord. Un événement traumatisant pour les populations locales.
Au détour d’un sentier, quelques lièvres arctiques se laissent observer. Puis, soudain, une petite troupe de bœufs musqués traverse le village, offrant une scène magnifique. Dans cet endroit chargé d’histoire, aujourd’hui inhabité mais entretenu, la nature a repris ses droits.
Peu à peu, nous rejoignons les zodiacs pour regagner l’Ocean Nova, où nous attend un excellent déjeuner. Pendant que le navire se repositionne vers la baie de Booth, Christiane nous propose une conférence passionnante sur Knud Rasmussen, figure incontournable de l’exploration arctique.
Arrivés dans la baie de Booth, notre objectif est clair : partir en zodiac à la recherche de faune. L’équipe d’expédition a appris, par ses contacts locaux, qu’un ours pourrait se trouver dans les environs. Le ciel, gris depuis plusieurs jours, s’ouvre par moments, laissant passer quelques rayons de soleil, comme un bon présage.
Et le miracle se produit : un ours polaire est repéré. Après les bœufs musqués de ce matin, la journée prend des allures de rêve. Nous approchons lentement. L’ours est allongé sur des rochers au-dessus de la plage, l’air paisible. Il nous observe distraitement, éclairé par le soleil qui souligne la blancheur de son pelage. Pas très grand, probablement un jeune d’environ trois ans. Nous restons quelques minutes à ses côtés, le temps de capturer photos et souvenirs, puis repartons, soucieux de ne pas abuser de sa patience.
De retour à bord, c’est l’heure du traditionnel récapitulatif. Sophie nous parle des bœufs musqués avec la passion qu’on lui connaît. Puis Mathieu évoque Robert Peary, revenant sur l’histoire de la météorite de Savissivik et sur l’expédition menée par Peary pour en récupérer les fragments. Un épisode révélateur d’un personnage déterminé, mais qui soulève aussi la question de l’appropriation de ressources appartenant aux populations locales. Enfin, Xavier, notre chef d’expédition, analyse les photos de l’ours pour estimer son âge et déterminer son sexe : probablement un jeune mâle.
Le dîner, toujours aussi généreux, clôt cette séquence… ou presque : pour les plus motivés, une dernière sortie est proposée, dans la baie de Barben , sur un site exceptionnel où subsistent encore de nombreux vestiges de maisons thuléennes. La température est douce, le ciel reste couvert, mais l’atmosphère est particulière. Nous marchons sur la terre d’anciens peuplements, seuls dans ce fjord immense. La sensation d’être minuscule au cœur de cette immensité géographique et historique est saisissante.
La journée se termine sur cette note forte. L’Ocean Nova reprend sa route vers Etah. Une journée dense, belle, pleine de surprises, de découvertes, à la croisée de l’histoire et de la nature.
L’Ocean nova s’éveille ce jeudi 14 août au milieu de petites plaques de banquise éparses. Au fil de notre progression vers le nord, elles se font plus nombreuses, plus vastes. Le ciel reste maussade, un léger crachin breton accompagne notre route, mais le spectacle est superbe. À l’ouest, les reliefs de la Terre d’Ellesmere se devinent dans la brume.
La première activité du jour est naturellement une croisière en zodiac parmi les plaques de glace, suivie d’un débarquement sur l’une d’elles. Marcher sur ces étendues glacées procure toujours la sensation de voyager hors du temps.
De retour à bord, nous mettons le cap sur le fjord d’Etah, haut lieu des expéditions polaires du XXe siècle. Les rives portent aussi les traces de la civilisation de Thulé : vestiges épars au milieu des colonies de mergules. Nous reprenons les zodiacs pour explorer ce fjord, espérant croiser quelques figures emblématiques de l’Arctique… et nous ne serons pas déçus.
En moins de vingt minutes, Xavier, notre chef d’expédition repère successivement un renard polaire occupé à crapahuter dans les éboulis, un petit groupe d’une dizaine de bœufs musqués, paisiblement couchés dans la toundra humide, et enfin, plus exceptionnelle encore, une apparition qui fait frissonner : un authentique loup arctique !
L’animal nous observe à plusieurs reprises, semblant s’interroger sur ces étranges mammifères marins multicolores. Puis, avec une agilité déconcertante, il gravit les pentes rocheuses du fjord. Désormais, pour Grands Espaces, Etah ne sera plus seulement un lieu chargé d’histoire : ce sera aussi celui de la rencontre avec un animal légendaire de l’Arctique, le loup blanc.
De retour à bord, sur une mer formée, vient l’heure du dîner, suivie d’une conférence consacrée à Jean Malaurie, qui viendra clore en beauté cette journée riche en émotions.
C’est sous un soleil resplendissant que nous arrivons devant la vallée des fleurs de Atikerdluk. Une houle bien formée rend la traversée vers la vallée des fleurs plutôt houleuse, mais nous sommes bien équipés pour cette sortie pédestre dans cette jolie vallée qui porte bien son nom.
Nous faisons escale au matin sur une plage de sable fin, rare décor de ces terres boréales. Si les températures et le vent n’étaient pas aussi forts, nous nous sentirions sous d’autres latitudes. Nous suivons nos guides pour une balade depuis le lit de la rivière glaciaire jusqu’aux sommets des collines avoisinantes, couvertes de mousses, de fleurs et de lichens. Les cris des mergules nains nous accompagnent, tels des ricanements insolents dans les airs. Plusieurs bruants des neiges volent parfois tout près de nous, jusqu’au ras de nos têtes, comme surpris par notre visite. Deux d’entre eux, empêtrés dans un filet de pêche à l’abandon, sont heureusement sauvés par nos guides Nicolas et Laurent et s’enfuient à tire-d’ailes, virevoltant de gratitude.
Des ruines thuléennes sont encore bien visibles, avec les caches à viande de ce peuple si bien préparé aux rigueurs du climat et qui a laissé ici les traces de son passage. Nos guides nous parlent du site : François et Christiane évoquent les civilisations d’antan, Xavier, Mathieu et Nicolas la faune et la montagne, et Sophie nous offre un petit point botanique. Nous voyons plusieurs lièvres arctiques, certains très proches, redressés sur leurs pattes arrières, d’autres détalant à toute allure, le blanc de leur pelage contrastant avec les couleurs vives de ce paysage d’une beauté grandiose.
Nous continuons notre route sur d’épais tapis de mousse et avons presque mal au cœur de fouler ces coussins végétaux dans lesquels nos pieds s’enfoncent, comme dans un conte de fées ou un roman d’aventure. La vue aussi est étourdissante et nous immortalisons l’instant en photos. Quelques cabanes encore bien conservées donnent une échelle à nos clichés de ces hautes montagnes bordant le fjord. Nous contemplons la vue tout au long de notre marche.
De retour à bord, nous déjeunons avant de poursuivre la journée par un retour à terre, dans le village de Siorapaluk, cette fois dans une ambiance plus solennelle. En effet, la famille de Jean Malaurie (son fils et ses trois petits-fils) est venue déposer l’urne contenant les cendres du grand homme sur la terre qu’il a foulée plusieurs décennies auparavant. Les Groenlandais du village sont conviés à la cérémonie. Sur une pierre du cimetière est placée une plaque commémorative portant l’inscription en français, groenlandais, anglais et danois : « Jean Malaurie 1922-2024, Explorateur et ami indéfectible des Inuits. »
L’atmosphère est au recueillement. Derrière la famille et les locaux, amis de l’écrivain et savant venus lui rendre hommage, nous sommes aussi présents pour un dernier au revoir au géographe, sur ces terres qui ont vu naître sa passion. La cérémonie, simple et sincère, est marquée par la lecture de Jan Borm, professeur et directeur de l’institut Jean Malaurie, d’une lettre du Prince Albert II de Monaco à son ami de longue date. Quelques mots lus par Guillaume Malaurie, là encore en plusieurs langues dont l’Inughuit, accompagnent l’ultime révérence de son fils au passionné du nord : « Repose en paix mon père. Tu es chez toi et tu restes proche de nous. »
Nous laissons à la famille l’intimité de ces derniers instants et cheminons dans ce charmant village où les maisons colorées bordent une plage de sable, au bout de laquelle se jette un imposant front glaciaire. Nous découvrons l’école, la petite église au sommet d’une colline et passons devant les impressionnants trophées de chasse d’Ikuo Oshima, l’un des meilleurs chasseurs de la région. Doubles dents de narval, crânes d’ours, de bœufs musqués et morceaux de morse, prochain repas des chiens, côtoient des objets hétéroclites tels que tricycles, balançoire ou baculums de morse. Pas de doute, nous sommes bien dans le Far North.
Nous faisons connaissance avec plusieurs locaux et sommes même conviés à partager quelques instants dans la famille d’amis de Christiane Drieux, qui a créé ici des liens forts : Padlok et son mari Nukapiannguak nous ouvrent leur maison. Ils nous accueillent chaleureusement, ainsi que la famille Malaurie, pour un café accompagné de chants et de tambour traditionnel. Les descendants de Kutsikitsoq, grand ami et guide groenlandais de Jean Malaurie depuis les années 50, sont rassemblés et évoquent les souvenirs que les générations tendent à estomper. Les petits-enfants du clan Malaurie portent les mêmes deuxièmes prénoms que ceux de nos hôtes locaux, resserrant encore le lien entre les familles.
Un peu plus tard, c’est à nous de rendre la pareille : un kaffemik est proposé aux habitants sur la plage du village. Nous partageons entre passagers et locaux des petits gâteaux et un café réconfortant, plus chaleureux encore que le soleil éclatant qui baigne la baie. Le moment est aux échanges : quelques mots de groenlandais ou de français, des photos, des sourires, tandis que d’autres tâtent les fourrures ou les harpons des habitants. Nous avons une fois de plus l’impression d’être seuls au monde (ce qui est vrai : l’Ocean Nova est le seul navire à des centaines de kilomètres), une sensation divine, un sentiment de grâce et d’absolu.
Revenus à bord, nous profitons d’un court instant avant le récapitulatif du jour présenté par nos guides. Laurent, le médecin, nous rappelle les intitulés du concours photo à venir. Nicolas, guide et vétérinaire, nous présente le renard polaire et son incroyable adaptation au grand froid. Puis Mathieu revient sur l’observation exceptionnelle d’hier : le loup arctique, seigneur de ces terres hostiles. Personne, en plus de vingt ans chez Grands Espaces, n’avait eu cette chance. Nous nous sentons privilégiés d’avoir vécu ce moment rare et mystérieux, immortalisé par nos photos et vidéos.
Enfin, une jolie surprise nous attend sur le pont : un barbecue est organisé pour tous. Nos amis Groenlandais se joignent à nous pour profiter de cet instant de convivialité. La musique résonne, les saucisses grillent, le vin chaud réchauffe les cœurs et le soleil encore haut vient couronner ce moment de partage dans un décor de rêve. Pour ceux qui préfèrent, le film documentaire de Jean Malaurie Les derniers Rois de Thulé est projeté au salon panoramique. Plusieurs locaux reconnaissent l’ethno-historien et se souviennent de ses passages dans ces latitudes lointaines, auprès de ceux qu’il appelait, comme son fils l’a rappelé aujourd’hui : « Tes amis. Tes parrains. Tes frères. »
Cette nuit encore, le soleil ne s’est pas couché. Il s’est seulement caché derrière la colline qui domine Qaanaaq.
07h00, Il réapparaît, face à nous. Qaanaaq, en total contre-jour, est difficile à distinguer. L’Ocean Nova s’approche au plus près et, après le petit-déjeuner, nous montons dans les zodiacs avant d’atteindre la jetée, construite il y a 4 ans.
09h30, Nous sommes tous réunis dans le grand hall des sports, qui sert de salle commune. L’accueil est chaleureux. Inukitsoq et son épouse, Genova, en habits traditionnels : bottes en peau de phoque et pantalon en peau d’ours – interprètent des chants de tambour. Nous assistons ensuite à une démonstration des armes utilisées lors de la chasse au narval en kayak, en particulier le harpon à tête détachable lancé à l’aide d’un propulseur.
Avant de quitter le hall, nous pouvons admirer et acheter l’artisanat local présenté par les habitants.
Nous nous répartissons ensuite en plusieurs groupes pour visiter successivement l’église, le musée – dont le bâtiment est l’ancien comptoir créé par Knud Rasmussen et Peter Freuchen en 1910 à Dundas, puis reconstruit à Qaanaaq après le déménagement forcé des Inughuit en 1953.
Dans la « Maison des Femmes », nous pouvons enfiler un anorak en peau de renne, un pantalon en peau d’ours et des kamiks en peau de phoque, tandis que les femmes qui les ont réalisés nous expliquent leur technique de fabrication.
Nous visitons également le Pilersuisoq, le supermarché qui, comme le souligne Christiane, n’est approvisionné que deux fois par an : début juillet, quand la banquise a disparu, et début septembre avant qu’elle ne se reforme.
Enfin, après une dernière déambulation dans les rues, il nous faut regagner le navire.
Après le déjeuner, un appel résonne dans les hauts-parleurs : « Narvals devant nous ! ». Quelques souffles de respiration sont aperçus, ainsi que des dos tachetés sans nageoire dorsale, caractéristique de l’espèce. L’observation est répétée plusieurs fois. Quelle croisière ! Phoques, ours, renard, bœufs musqués, loup… et maintenant narvals !
Cette observation rare est suivie par une conférence de Xavier sur l’univers fascinant de l’eau dans tous ses états : banquise, glaciers, icebergs, neige. Il nous explique le rôle capital de la banquise pour la biodiversité arctique et antarctique. Elle joue un rôle crucial dans la chaîne alimentaire, sert d’habitat à de nombreuses espèces et contribue à l’équilibre climatique mondial. Sa fonte, due au réchauffement actuel, menace gravement la vie marine et terrestre de ces régions.
Après le goûter, toujours aussi généreux, Christiane nous détaille la « gastronomie groenlandaise » : les différents gibiers marins et terrestres, les oiseaux, les œufs, les baies ; leurs modes de conservation (cache à viande, séchage, faisandage, macération) et les différentes préparations (cru, cuit, bouilli).
Elle se régale à nous présenter la recette du kiviak que nous n’osons pas reproduire ici. Nous comprenons que cette alimentation est parfaitement adaptée aux contraintes environnementales : froid, nuit polaire, jour continu, absence de fruits et légumes. Il faut un apport calorique important et des nutriments essentiels comme la vitamine C contenue dans le mattak.
Christiane termine en rappelant les risques créés par une pollution envahissante et silencieuse qui, venant des océans et des airs, se retrouve dans l’alimentation des Inughuit.
18h45, C’est l’heure de la récapitulation quotidienne. Nicolas et Matthieu nous décrivent, vidéos à l’appui, le Monodon Monoceros, le narval, jadis appelée la licorne des mers. Ils expliquent que l’absence de nageoire dorsale permet aux narvals de circuler sans difficulté sous la banquise parfois pour échapper aux orques, parfois pour rejoindre une polynie.
Tandis que nous retraversons le 77e degré de latitude, vers le sud cette fois, Sophie nous présente les différentes sortes de plantes du Groenland : mousses, arbustes, champignons, lichens et fleurs.
Parmi les fleurs souvent photographiées pendant les sorties à terre : la linaigrette, le pavot arctique, la céraiste, la stellaire, la renoncule des glaciers et les saxifrages. Sophie détaille davantage les fleurs emblématiques du Groenland, comme l’épilobe et l’angélique.
Xavier termine en nous exposant les conditions météo et le programme de demain.
Après le dîner, Christiane nous présente le film qu’elle a réalisé, décrivant ses voyages en traîneau à chiens sur la banquise, au printemps 2009, autour de Qaanaaq, de Siorapaluk à Qeqertarssuaq en passant par Qeqertat et ses 26 habitants, tout au fond du fjord Inglefield.
Après notre passage, hier, à Siorapaluk, nous retrouvons des visages connus qui, peut-être, se retrouveront cette nuit dans nos rêves d’explorateurs polaires.
À notre réveil, la calotte de l’inlandsis s’étend à l’horizon. Lumières diaphanes, icebergs gigantesques, l’ambiance est polaire. Après le petit déjeuner, Xavier décide de mettre les Zodiacs à l’eau pour aller explorer Dode Bay, un cimetière d’icebergs au nord d’Upernavik. Pendant toute la matinée, nous zigzaguons dans un dédale de colosses aux formes fantasmagoriques, œuvres d’art de la nature. Ultime avancée des langues de glace issues de la calotte, ils forment un labyrinthe d’une blancheur éclatante, zébrée de rubans turquoise. Quelques rayons de soleil percent la brume légère et nous découvrent une presqu’île sur laquelle nous accostons. Spectacle fascinant d’un amas de glaces empilées, ultimes vestiges de fiers icebergs venus expirer dans cette petite crique, sans espoir d’évasion vers le large. Éblouis, émerveillés par la gamme infinie de leurs formes, de leurs couleurs, de leurs nuances, escortés par des vols de mergules, nous rejoignons l’Ocean Nova où Jamila nous attend pour le déjeuner.
Le capitaine met cap au sud. Nous entamons la traversée de la baie de Melville en direction d’Upernavik.
En début d’après-midi, le film « Les noces de Palo » nous est présenté par Christiane. Ce film, scénarisé par Knud Rasmussen lors de sa dernière expédition sur la côte Est, met en scène des autochtones de la région de Tasiilaq. La trame est ténue (une histoire de jalousie entre deux prétendants de la douce Navarana). Mais il offre un large panorama des activités traditionnelles d’une communauté inuit au milieu du siècle dernier. Des scènes intimes comme le grattage des peaux de phoques, un rituel de guérison, des jeux d’enfants, et des scènes collectives comme la pêche aux chars arctiques, la construction d’une maison de tourbe, nous plongent dans des temps révolus.
C’est ensuite au tour de Mathieu de nous raconter les péripéties qui ont jalonné la conquête du Pôle Nord. Peary, Cook, Nansen… des personnages au caractère bien trempé se sont lancés dans cette aventure folle pour réaliser leur rêve : être le premier à atteindre le Pôle Nord. Chacun avait un plan et une stratégie personnelle à la hauteur de ses ambitions. Cook opta pour une expédition légère : peu de matériel, cent chiens, deux Inughuit et son ami Rudolph Franck. Après un hivernage à Anoartoq, ils prirent la direction du Pôle Nord en passant par la Terre d’Ellesmere et atteignirent 89°57 Nord. La dérive de la banquise rendit leur retour à Anoartoq très compliqué.
Robert Peary, quant à lui, est un personnage bien différent de Cook. Après plusieurs tentatives infructueuses, il recourut à des moyens colossaux pour réaliser son ambition : 50 hommes, 246 chiens, 70 tonnes de nourriture devaient, selon lui, lui permettre d’avancer de 64 kilomètres par jour. Sa stratégie consistait à envoyer des hommes en amont pour ouvrir la trace vers le Pôle Nord. Proche du but, il en renvoya la plupart, ne gardant pour l’assaut final que Matthew Henson et quatre Inughuit. Le 6 avril 1909, Peary planta la bannière étoilée des États-Unis au Pôle Nord. Il redescendit en cinq mois vers le sud d’où il put envoyer un télégramme annonçant sa victoire. C’est alors qu’il apprit que Cook avait réussi avant lui. Il s’ensuivit une guerre médiatique à l’issue de laquelle Peary fut déclaré vainqueur. Mais des soupçons vont entacher son exploit. En 1989, Wallis Herbert montra que la vitesse annoncée par Peary était largement surestimée et que ses instruments de mesure n’étaient que d’une fiabilité relative. Finalement, les premiers hommes à atteindre le Pôle Nord, n’étaient-ils pas que d’humbles chasseurs de phoques ?
Le goûter avec café, petits gâteaux secs et délicieuse forêt noire ponctue cet après-midi riche en enseignements. Vient l’heure de la « Récap ». Nicolas nous explique, croquis à l’appui, la menace que fait peser sur le pergélisol le réchauffement climatique. Vingt-cinq millions de kilomètres carrés, soit 20 % de la surface de la Terre, sont occupés par le pergélisol. Le réchauffement de l’atmosphère provoque la fonte du pergélisol qui libère des gaz à effet de serre, entraînant l’établissement d’une boucle à rétroaction auto-entretenue, qui pourrait induire prochainement un bouleversement climatique avec des conséquences pour les populations, telles que des affaissements ou des fissures du sol.
Christiane prend ensuite le micro pour nous raconter la légende de Sedna, protectrice des mammifères marins. Lors de sa Vᵉ expédition, Knud Rasmussen avait noté la présence de ce mythe dans toutes les communautés inuites, du Groenland à la Tchoukotka. Récemment, Air Greenland a choisi Sedna comme logo sur ses lignes internationales.
Xavier nous présente ensuite le programme et la météo de demain. Déjà, Jamila et sa souriante équipe nous convient pour le dîner. Les conversations vont bon train, encore une journée bien remplie dans le monde fascinant de l’Allée des Icebergs !
La nuit fut doucement bercée par une très légère houle. À 7 h 45, Xavier nous réveille, le temps est calme, le plafond assez haut et la visibilité excellente.
Après le petit déjeuner, Christiane doit nous faire une conférence sur les chiens de traîneau. Mais l’actualité extérieure va nous faire décaler la conférence. En effet, nous allons traverser un champ d’énormes icebergs échoués. Des monstres de glace se découpent devant nous. Xavier nous informe que ces icebergs sont échoués et que la profondeur du fjord est de 700 mètres, ce qui rend encore plus extraordinaires ces cathédrales de glace.
À 10 heures, Christiane nous conte l’histoire des chiens arctiques. La symbiose entre le chien et l’homme est primordiale dans la vie et la survie des chasseurs. Ils tirent les traîneaux mais aussi aident à la chasse. L’attelage en éventail permet un travail équivalent des chiens, permet de mieux éviter les obstacles, d’éviter de tomber dans un trou. Christiane nous explique la différence entre la meute et l’attelage, les soins (des coussinets, alimentation, démêlage de l’attelage). Le chien associé au chasseur constitue une unité effective et élective : l’homme aide les chiens et les chiens aident l’homme. La communication se fait par des hochements, le fouet et des chants rythment les ordres, les félicitations, les encouragements. Les variations climatiques réduisent le temps d’emploi des chiens et les itinéraires. Le nourrissage traditionnel est un moment de grand contact avec le chasseur : il regarde chaque chien avant de lui lancer sa part de phoque, renforçant ainsi la relation. Les autres chiens attendent patiemment leur tour. L’utilisation des motoneiges et le nombre décroissant de chasseurs réduisent le nombre de chiens, qui décroît année après année sur le sol groenlandais. La culture inughuit est entièrement liée aux chiens et risque de se voir profondément modifiée avec leur disparition.
Xavier décide ensuite de changer de programme : plutôt que la conférence sur l’ours, nous allons faire une croisière en zodiac entre les îlots. Tout d’abord, nous approchons un petit hameau qui paraît inhabité. Xavier explique l’exode rural dans les communautés au Groenland en parallèle de ce que l’on voit dans d’autres pays comme la France. Comment vivre, pour les plus jeunes, dans un univers sans électricité, eau courante, internet ? Les plus jeunes préfèrent aller dans des communautés plus grandes où ils peuvent trouver tout ce confort « moderne ».
Puis, après avoir quitté ce petit hameau, nous naviguons entre les îlots et les icebergs. Tout à coup, Xavier annonce à la radio : « Baleine à bosse devant mon Zodiac ! ». Nous filons tous aussitôt en sa direction et nous voyons effectivement le souffle et, une fois, la nageoire caudale du cétacé. Celui-ci, un peu farouche, s’éloigne de nous et nous pouvons l’apercevoir au loin, continuant sa chasse aux crustacés, poissons et autres planctons. Il est 13 heures, il nous faut rentrer sur l’Ocean Nova.
Après le repas comme prévu, c’est la visite d’Upernavik. Le village et les hameaux environnants comptent environ 1 100 personnes. Le village principal est blotti à flanc de colline et nous expose ses maisons colorées. Nous partons d’abord en direction du musée. Chemin faisant, nous voyons des peaux d’ours séchant… Vers le musée, nous pouvons visiter l’ancienne église, qui semble avoir été reconvertie en salle du « conseil municipal ». Dans le musée, de nombreux objets illustrent la culture inuit : traîneaux, kamik, anorak, outils, peaux de phoques. À l’étage, nous pouvons admirer des kayak et des ummiak.
Non loin du musée se dresse la tombe de Navarana. Cette jeune femme inughuit s’est beaucoup investie dans les expéditions de Thulé auprès de son mari Peter Freuchen. Elle décéda de la grippe espagnole en 1921 à l’âge de 23 ans. Son mari voulait la faire enterrer dans le cimetière du village mais le pasteur, sous prétexte qu’elle n’était pas baptisée, refusa. Peter Freuchen alla alors voir l’administrateur du village et, avec quelques amis, enterra son épouse dans le cimetière du village.
Après cette visite, un temps libre nous est laissé. Nous en profitons pour parcourir les ruelles escarpées du village, serpenter entre les maisons, aller voir la nouvelle église ou encore poster des cartes postales. Puis vient l’heure du retour.
À 18 h 45 vient l’heure du récapitulatif du soir. François nous conte l’histoire de Navarana avec de nombreux détails. Sophie nous informe sur la découverte, dans ces îles, d’une pierre de runes, confirmant le passage des Vikings dans ces eaux aux alentours de l’an 1000. Xavier, enfin, nous parle du programme prévisionnel de demain.
Après cette journée extraordinairement bien remplie, le repas puis le temps libre sont les bienvenus. Rendez-vous demain pour la suite de nos aventures.
Mercredi 20 août
Ce matin, nous arrivons dans le fjord d’Uummannaq. Le ciel est grisâtre, mais avec quelques éclaircies ça et là.
Une brise nous accompagne pour une navigation tranquille dans les chenaux, aux abords du village. Nous avançons à petite allure dans ces décors spectaculaires : des falaises abruptes de plus de 1500 mètres qui plongent dans l’eau, des glaciers presque verticaux qui se découpent dans la roche. Une magnifique découverte, à la fois impressionnante et apaisante.
Pendant cette navigation, un grand rorqual surgit et nous gratifie de sa présence. Le voir glisser dans ces eaux entourées de montagnes rend l’instant encore plus magique.
C’est la deuxième plus grande baleine, après la baleine bleue. Elle peut atteindre jusqu’à 25 mètres ! L’observation reste assez lointaine, mais on voit bien ses
souffles.
À bord, l’ambiance est studieuse et conviviale. Emma organise la traditionnelle vente de livres, tandis que Mathieu propose un atelier autour du traitement photo, l’occasion pour chacun d’échanger et de perfectionner ses images de voyage. Dans l’après-midi, nous atteignons Uummannaq, superbe petite ville dominée par sa célèbre montagne en forme de cœur. La visite commence par le musée et la découverte du centre marqué par l’époque coloniale. Ensuite, nous nous séparons : les plus courageux partent pour une grande marche, prenant de la hauteur pour profiter de panoramas spectaculaires, tandis qu’un autre groupe suit la route qui longe les côtes, enchaînant les points de vue sur la mer, les maisons colorées, les
icebergs et la fameuse montagne qui veille sur le village. En fin de journée, retour à bord. L’Ocean Nova reprend sa navigation, cap sur Ilulissat.
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Une belle aventure, beau programme riche en découvertes. Ce qui passionne le plus, c’est la partie historique, les animaux un peu moins.
Je lis tranquillement le compte-rendu de vos journées et je m’évade, je fais partie des sorties en zodiacs.
J’attends la suite du voyage. Merci de nous faire partager cet belle croisière.
Un gros bisou à ma sœur Brigitte et à mon beau-frère Jean-Yves.
Merveilleux voyage !!!!!!!! Comme je regrette de ne pas être avec vous : mireille et jean pierre.
Un loup Arctique ?????? Mireille, j’attends de voir tes photos pour les comparer à celles de Vincent Munier !!!!!
Et comme cela doit être impressionnant de côtoyer le fils et les petits fils de Jean Malaurie
Bonne fin de voyage et grosses bises à partager avec Xavier
Merci des très beaux récits de votre voyage que nous consultons tous les soirs et nous font rêver.
A NICOLE et JEAN MARIE, profitez bien de la fin de votre séjour.
A bientôt. Bises