
Samuel Blanc
Biologiste Polaire
14 août
23 août 2014
À bord de l’Ortelius, août 2014
Samuel Blanc
Biologiste Polaire
Marianne Duruel
Coordination et Photographie
Journal de bord
Bienvenue au Spitzberg et à bord de l’Ortelius !
Aujourd’hui, après une arrivée la veille au soir pour les passagers du départ de Genève, à midi pour les autres passagers, nous nous sommes tous retrouvés à 14h au coeur de Longyearbyen pour un premier contact avec le Spitzberg et la découverte de la vallée de l’Adventdal (Adventdalen). Commentée par Samuel et Agnès, la visite nous entraîne d’un point de vue sur le port avec un fond d’histoire charbonnière au passage, non loin de la petite église luthérienne, de l’école aux enfants « encagés »… par soucis de protection… contre les ours polaires… et l’évocation de la dure vie des mineurs illustrée, entre autres, par leur petit cimetière pour les morts de la peste…
La descente par le centre-ville de Longyearbyen (1500 h.) et son université nous ramène vers la perspective des sommets : peluches blanches des linaigrettes, chenils pour chiens de traineaux (surtout Husky d’Alaska), installations liées à l’étude des aurores boréales… Nous faisons nos premières rencontres : premiers rennes (un des plus petits qui existent par rapport au caribou ou au renne lapon)… Présages de nombreuses et belles rencontres ? …
Puis nous embarquons à bord de l’Ortelius. Bienvenue à bord ! Après la découverte de notre bateau suivie d’une réunion de sécurité, c’est l’exercice obligatoire d’abandon… Et puis l’appareillage ! Nous faisons route vers l’Ouest avec de bonnes conditions de mer, sous un beau soleil. Il s’en suit le cocktail de bienvenue avec présentation du Commandant et de l’équipe Grands Espaces.
Pour clore cette journée en beauté, après le dîner, certains voient quelques souffles de petits rorquals…
Une journée de Spitzberg comme on en rêve… :
Après un réveil réjouissant à l’entrée du Krossfjord, en route vers le glacier de Lilliehöök pour notre première croisière zodiac sur les eaux arctiques en pleine nature immaculée, sous un beau soleil… Nous naviguons bientôt face au fabuleux glacier de Lilliehöök et ses près de 10 kilomètres de front de glace… Un spectacle intense à 360° où l’émerveillement est tel qu’il est bien difficile d’en rendre toutes ses subtilités par l’image… Des cathédrales de glaces en marches gigantesques nous font face et nous nous sentons tout petits… La glace crépite gaiement autour de nous.
Nous passons quelques secteurs de brash (cette glace pillée provenant du vêlage du glacier) et croisons fulmars, mouettes tridactyles, guillemots à miroirs… Ils décollent, atterrissent, pêchent… À la sortie des chenaux sous-glaciaires, les mouettes tridactyles se nourrissent dans un véritable ballet. Leurs silhouettes dessinent des arabesques sur fond de glace, tantôt immaculée, tantôt d’un beau bleu intense… Un jeune phoque barbu est repéré, mais il se révèle timide et disparaît vers un lieu moins fréquenté…
Après cette grande première très réussie, l’Ortelius navigue vers le fjord de Tinayre où nous faisons notre seconde sortie. Cette fois répartis en 3 groupes : nous explorons à pied tout un secteur où chacun fait des découvertes selon ses centres d’intérêt : quelques rennes sont en plein repas, de multiples empreintes nous livrent des informations sur les visiteurs du coin, les botanistes étudient silènes, dryas, cassiopes… Le paysage sculpté par l’histoire glaciaire n’a bientôt plus de secrets pour nous. Bref, la sortie est passionnante et nous rentrons à bord le sourire aux lèvres… Bien belle journée de Spitzberg…
Premier contact avec la banquise :
Au réveil, nous naviguons dans une ambiance cotonneuse. Les plaques de banquise deviennent de plus en plus nombreuses. Le froid est palpable dans un univers fantomatique. Nous sommes bien dans le Grand Nord ! Un peu plus tard, nous fêtons notre point le plus au Nord : 80°44 de latitude Nord, nous avons donc passé le mythique 80° de latitude Nord et sommes le bateau monté le plus au Nord de cette année ! Nous sommes alors à un peu plus de 1000 km du Pôle Nord…
La navigation se poursuit dans une très belle ambiance de banquise. Les 7 îles sortent tour à tour leurs silhouettes sombres des brumes et brouillards tandis que le soleil darde ses rayons en spots, éclairant tel ou tel secteur de banquise. Les plaques dessinent des arabesques, des hummocks ou crêtes de compression ponctuent l’ensemble de silhouettes chaotiques dont la base présente souvent des dégradés bleutés… Des phoques s’ébattent dans l’eau, quelques mergules ou guillemots s’envolent à notre approche, les fulmars accompagnent le bateau…
À 21h, les conditions météorologiques sont bonnes et nous embarquons avec enthousiasme dans les zodiacs0 car la lumière est très belle. Les perspectives des 7 îles se superposent et le soleil joue et se joue de la brume dont les écharpes n’enserrent plus que les sommets… Un ours a laissé de belles empreintes ainsi qu’un renard polaire… le contraste entre les deux est saisissant… Un chaos inextricable de plaques de banquise s’est trouvé bloqué entre deux îles, c’est l’occasion rêvée de descendre sur la glace. Et, nous le faisons, sous bonne garde évidemment. Les blocs qui se chevauchent sont souvent « ornés » de stalactites qui se reflètent dans l’eau, en bordure la glace prend parfois des aspects de dentelle, de sculpture…
Et nous rentrons au bateau joyeux après un si beau spectacle !
Ours, phoques et baleines !
L’ours de 8h : Appel de Christian à tous en plein petit-déjeuner, Fabrice a repéré un ours ! Il est à environ 200 m du bateau. C’est la ruée vers les appareils photos… Il est là : superbe seigneur de la banquise, curieux et calme. Il vient observer cette étrange chose pleine d’odeurs puis s’en va tranquillement. L’Ortelius recule doucement…
Nous reprenons le petit-déjeuner, mais nos stratèges à la passerelle repositionnent le bateau de manière à se trouver sur la route du bel animal. Réussite totale ! Sa curiosité est la plus forte et il revient nous voir et cette fois encore plus près… Son long museau tendu vers la proue, puis il marche un peu vers bâbord et revient vers l’avant avant de poursuivre sa route paisiblement. Tout le monde a pu parfaitement observer cet ours à la belle fourrure claire. Sa grande silhouette se détache sur la banquise et nous le regardons, pleins d’admiration, s’éloigner de sa démarche chaloupée entrecoupée d’un petit saut pour éviter l’eau… Un véritable cas d’école du biotope de l’ours polaire…
Le barbu de 10h : Nouvel appel à la passerelle, un phoque barbu de belle taille est aperçu sur la bordure de la banquise à bâbord. L’Ortelius fait une marche arrière en douceur et longe lentement la glace sur laquelle le grand phoque se repose. Il nous laisse approcher sans se départir de son calme et, une fois que tout le monde a largement eu le temps de lui tirer le portrait, prend sa décision… Il rampe dans un mouvement tout à fait similaire à celui d’un reptile et se laisse glisser avec aisance dans l’eau… Belle matinée !
Et pour finir la journée en beauté : les rorquals communs font le « show »… C’est un superbe spectacle auquel nous assistons quand deux adultes et un jeune viennent se nourrir tout près du bateau. Sous un éclairage superbe, des nuées de mouettes tridactyles suivent leur pêche. Elles tourbillonnent, vont et viennent pour finalement se précipiter là où elles remontent. C’est un ballet de souffles, de dos luisants et d’ailerons… Avec le petit dos du baleineau, c’est l’avenir de l’espèce que nous avons sous les yeux. Un pied de nez émouvant après notre débarquement de l’après-midi sur un site baleinier…
Pour une meilleure expérience, nous vous conseillons de tourner votre tablette en paysage