Souvent perçue comme une immense jungle, l’Amazonie est bien plus que forêt et animaux sauvages. Endroit fascinant, le poumon de la planète est trop souvent vu comme une région où il ne se passe pas grand-chose. Toutefois, une immense partie de la forêt appartient à l’État d’Amazonas, au nord du Brésil, État qui fut un temps était le centre de l’économie du caoutchouc. Sa capitale, Manaus, est d’ailleurs l’une des villes les plus importantes du pays. Un fait relativement méconnu, mais qui prouve que même dans les coins les plus reculés, la civilisation finit toujours par se faire une place.

Immense ville peuplée de 4 millions d’habitants, Manaus a su capitaliser sur sa situation géographique particulière. Au cœur de la forêt Amazonienne, cette ville du Nord du Brésil a réussi à attirer de milliers de personnes, qui souhaitaient profiter des trésors de la nature. Le succès est réel et très vite, la ville devient le centre mondial du caoutchouc. Toutefois, l’économie ne fait pas tout et les habitants réclament la construction d’un théâtre. Proposé en 1881, achevé en 1892, il aura fallu neuf ans à cet édifice pour sortir de terre.

Théâtre Amazonas, symbole de la Belle Époque

Une construction lente et difficile

Découverte de l'opéra de Manaus - Amazonie

Au début des années 1880, de nombreuses fortunes se sont faites grâce à l’exploitation du caoutchouc. Cette période dorée est appelée, la Belle Époque. Mais Antonio José Fernandes Junior, membre de la chambre des députés, voit plus grand et envisage de faire de Manaus, un centre économique et culturel. C’est lui-même qui, en 1881 propose alors la construction d’un théâtre au cœur de la ville, avec pour ambition de donner une nouvelle impulsion à cette capitale. Un projet qui sera rapidement approuvé. Malheureusement, si le oui l’emporte, les tractations vont bon train et les discussions autour du financement du projet empêchent d’aller aussi vite que prévu. Ce n’est qu’en 1882, lorsque le gouverneur de la province José Lustosa Paranagua approuve le plan de financement, que le projet débute enfin.

Le projet sera alors confié à l’architecte italien Celestial Sacardim, choisi par les autorités afin de mener à bien la construction du théâtre et superviser les travaux. Malheureusement, alors que l’édifice commence peu à peu à s’élever, l’avancée du chantier sera remise en question par de nombreux arrêts, retardant par la même occasion l’inauguration officielle. Des années durant, les ouvriers auront tenté de construire le théâtre mais des coups du sort liés aux conditions météorologiques extrêmes ainsi qu’au financement du projet, auront raison de la volonté de ces derniers. En outre, de nombreux matériaux ont été importés directement depuis l’Europe, rendant parfois, les délais un peu longs.

Le théâtre de Manaus respire l’Europe

Les matériaux utilisés lors de la construction du théâtre de Manaus proviennent, pour une grande partie, de l’Europe. La délicatesse des travaux des experts européens est réputée et dès lors, tous lorgnent dessus. Ainsi, les tuiles utilisées pour la toiture proviennent directement d’Alsace alors que le mobilier lui, est parisien. Le marbre, pour sa part, a été importé d’Italie. Ce dernier se retrouve dans les escaliers principaux ainsi que dans les colonnes et les statues trustant l’entrée et les couloirs du théâtre. Enfin, l’acier utilisé afin de solidifier l’intérieur des murs est anglais. À cela, s’ajoutent les quelque 198 lustres importés eux aussi d’Italie ainsi que de superbes rideaux signés de la main de Crispim do Aramal, artiste installé à Paris. Un travail d’orfèvre que les premiers visiteurs pourront découvrir au soir du 31 décembre 1896, lors de l’inauguration officielle du théâtre. Pour l’occasion, c’est la représentation de l’opéra italien, La Gioconda d’Amilcare Ponchielli qui a été jouée.

Le théâtre Amazonas, une histoire à rebondissements

Manaus, un histoire faite de haut et de bas

Manaus Opera House

Tout comme Manaus, le théâtre Amazonas aura traversé des périodes fastes, suivies de périodes plus sombres. La construction de cet édifice est d’ailleurs apparue comme le point d’orgue de la Belle Époque. Malheureusement, très vite, les premiers problèmes économiques vont se faire ressentir, les Britanniques commençant peu à peu à s’intéresser au marché du caoutchouc. Perdant le monopole au profit de cultures installées en Malaise, au Sri Lanka ainsi qu’en Afrique, les Brésiliens font face à une situation difficile accepter. La ville de Manaus elle, sombre, se vide, s’appauvrit. Face à la perte d’activité, la région perd peu à peu en attrait, poussant ainsi ce théâtre de 701 places, à fermer ses portes. Mais la situation finit par s’améliorer, les locaux faisant preuve d’adaptation et le théâtre rouvre ses portes au public.

Le théâtre aujourd’hui

Aujourd’hui, l’Amazonas est devenu un véritable symbole de la culture brésilienne. Plus qu’un théâtre, l’endroit est également devenu un musée dans lequel nous pouvons en apprendre bien plus sur l’histoire de Manaus, de son symbole culturel et de la région Amazone en général. Aujourd’hui très actif, ce lieu a été restauré en 1929, 1974 ainsi qu’en 1988 et 1990. Cependant, sans l’impulsion du gouverneur populiste Amazonino Mendes, nul ne sait ce qui serait advenu du théâtre Amazonas. En effet, lors de sa prise de fonctions, ce dernier décide de doter le théâtre d’un orchestre, d’un chœur et enfin, d’un corps de ballet. À cela, s’ajoute une aide financière estimée à 2 millions d’euros par an.

Une décision qui aura un impact fort sur la vie culturelle de la région. En effet, en fournissant au théâtre Amazonas les moyens de son ambition, le gouverneur Mendes entraîne une vague de migration totalement inattendue. Les meilleurs musiciens, danseur et chanteur européens décident de tenter l’aventure brésilienne et postulent à Manaus. Aujourd’hui, 38 des 54 membres de l’orchestre Philharmonique du théâtre de Manaus viennent d’Europe de l’Est (Bulgarie, Biélorussie et Russie). 

Découverte du Théâtre de Manaus en Amazonie

Aussi insolite soit-elle, l’histoire du théâtre Amazonas résonne aujourd’hui encore comme étant la preuve que la culture se doit d’être accessible à tous. Résistant aux problèmes socio-économiques, le théâtre de Manaus a su s’imposer comme étant l’un des lieux culturels les plus importants du Brésil, attirant des dizaines d’experts dans leurs domaines. Aujourd’hui encore, ces derniers prennent un malin plaisir à continuer d’écrire l’histoire débutée par les danseurs et chanteurs de l’opéra La Gioconda d’Amilcare Ponchielli, un soir de janvier 1896.

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