Ce 1er avril se courait l’ « Ultimate Man » avec 160 coureurs dont 28 femmes dans le vignoble bourguignon. Ce concept de course à pied ouvert à tous demande aux participants de réaliser des boucles dans des sites naturels sur sentiers ou chemins. La côte de Pernand-Vergelesses, en Côte d’Or et les sites inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO donnaient ainsi ce samedi et malgré vents et pluies, le cadre d’une course exceptionnelle. Ce format est en plein essor en France et certaines éditions ont déjà été organisées à Marseille, Sens, dans le Morvan ou encore autour du Lac de Narlay.

A Beaune, l’équipe Grands Espaces de 15 personnes suivait leur collègue, Justine Forest, 27 ans. Elle se préparait, physiquement et mentalement depuis quelques mois. Justine fait de nombreux trails courtes distances dans la région et a déjà fait des semi-marathons (21 km). Néanmoins, elle ne partait pas favorite de cette course, qui consiste à réaliser un maximum de boucles de 6,7 km en une heure et donc une distance bien plus longue que celle qu’elle avait déjà effectuée.

Elle pensait en réaliser 6. L’objectif de Justine était de courir environ 40 kilomètres soit le double en distance des trails déjà effectués. Un vrai challenge.

Il fut long, ce samedi…

Partie à 7h00 du matin, les heures défilent, le ravitaillement devient une habitude et les encouragements de proches de plus en plus précieux. Le courage se construit aussi à l’aune des autres. Il se renforce dans les applaudissements, les paroles bienveillantes. Chaque attention permet d’avancer et dessine cette journée d’effort.

14h00. Tour 8, quelques douleurs au pied gauche, un changement de chaussure s’impose.

15h00. Tour 9, on relance le rythme, plus aucune douleur, alors pourquoi s’arrêter ? Elle continue. En revanche, les arrêts des coureurs s’enchaînent entre crampes persistantes, ampoules gênantes, système digestif dérangé.

D’un pas de course, tard le soir, crânement, elle court encore… Chacun sa technique, certains partent vite pour avoir une vingtaine de minutes pour se ravitailler alors que d’autres « s’économisent » mais le temps de pause est donc plus court. Justine a toujours entre 5 et 10 min seulement pour se ravitailler, ainsi son corps se refroidit très peu. Régularité.

20h00. La nuit tombe sur le vignoble, un autre monde, celui de la course de nuit, de la course des endurants, de la course des héros. Frontal en place, c’est un autre cadre mystérieux qui doit les tenir en haleine, redécouvrant les sentiers dans la pénombre. D’autres sensations, d’autres bruits. La lune illumine timidement les pas des coureurs et les lumières de Pernand les laissent maître d’eux-mêmes, face à leurs propres limites. Au point de contrôle, les organisateurs préparent leur futur départ.

Tour 14, elle prend conscience qu’elle a couvert 93,8 km. Elle demande combien d’autres participantes sont encore en lice à un ami. Justine n’a pas souhaité courir avec une montre et n’a pas non plus le temps d’étudier la concurrence avec son temps de pause très réduit. Son ami lui répond « Il reste une femme mais fais le pour toi, pour atteindre les 100 km si tu as encore de l’énergie ». Elle enchaîne donc ce tour 15 afin d’atteindre ce nouvel objectif. La majorité des participantes féminines ont arrêté ou abandonné après le 8ème tour.

21h00. Tour 15, Justine compte s’arrêter et on lui annonce que la favorite de la course s’est elle-même arrêtée, épuisée, elle ne repartira pas. Si Justine boucle un dernier tour, le 16, elle remporte cette édition et si elle ne repart pas ou n’arrive pas dans l’heure, pas de gagnante féminine. Elle réfléchit quelques secondes pendant son ravitaillement et évidemment repart. Elle part aux côtés de 9 hommes dont le gagnant masculin qui courra jusqu’à 7h du matin (160 km – 24 h de course).

21h55. On aperçoit deux frontales, celle de Richard « son lièvre » comme elle l’a appelé pour ce dernier tour et Justine. Elle boucle donc dans les temps ce 16ème tour. La gratitude s’impose, l’urgence s’apaise, le cercle vertueux se ferme, la reconnaissance est là.

Epuisée, mais souriante, elle franchit la ligne, enlace ses proches, elle avait couru 16 heures de suite et couvert 107,2 km !

Incroyable record ! Un exploit.

Certes, en 2021, l’Américaine Camille Herron a couru 435 km en 48 heures mais avec une année de préparation, et non entre deux navigations à bord de l’Ocean Nova en Arctique et en Antarctique, et à bord de la Jangada en Amazonie !

Justine est allée au bout de son corps, avec un mental d’acier.

Le soir même, quelques ampoules se distinguent. Ce lundi, elle est venue prendre vos appels au bureau, pieds gonflés malgré les massages mais heureuse d’être allée au bout d’elle même, comme elle l’écrit :

« Je le dis souvent à Thibault mon ami, mais l’épanouissement dans la vie quotidienne donc au travail et le bien-être mental jouent énormément et en ce moment cet équilibre est à son maximum. Savoir pourquoi on se lève chaque jour, aimer ce que l’on fait du fond du cœur, avoir ses plaisirs le matin, la journée, le soir, croire en ses rêves les plus fous pour atteindre ses objectifs, c’est ce qui compte vraiment. Je vis ma meilleure vie. L’étonnement, le dépassement, l’imprévu, n’est-ce pas cela vivre ? »

Justine, merci, tu nous montres à l’instar des plus grands que la persévérance fait gagner, la préparation engendre l’excellence, prenant pour toi la devise olympique, toujours « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble ».

Nous saluons toutes, tout ton exploit, et te témoignons notre reconnaissance.

L’Équipe de Grands Espaces

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