Élodie Marcheteau
Géologie
23 septembre
2 octobre 2024
Élodie Marcheteau
Géologie
Certaines photos d’illustrations ont été prises lors de précédents voyages. Lorsque le voyage sera terminé, nous publierons les photos de ce voyage.
Chaque voyage commence par un pas. Mais cette fois-ci, c’est plutôt un avion qui nous propulse vers l’aventure ! C’est depuis l’Europe que notre groupe se lance à la découverte de l’Afrique australe. Après une brève escale à Johannesburg, nous arrivons enfin à Kasane, une petite ville située au nord-est du Botswana, à un endroit unique au monde : là où se rejoignent les frontières de quatre pays — le Botswana, la Namibie, la Zambie, et le Zimbabwe.
Les formalités douanières vite réglées, nous entamons notre première immersion africaine avec une croisière sur le canal Kasaï, un bras sinueux du fleuve Chobé. Ce premier contact avec la faune locale nous offre un avant-goût de ce qui nous attend dans les jours à venir. Un crocodile se prélasse sur un îlot proche de la berge, tandis que, non loin de là, des anhingas, ces oiseaux aquatiques élégants, font sécher leurs ailes, rappelant par leur allure les cormorans.
Comme pour nous accueillir, quelques hippopotames pointent timidement le bout de leur nez hors de l’eau. Seules leurs petites oreilles, leurs yeux et leurs narines émergent, tandis qu’ils nous observent silencieusement passer.
Notre bateau effleure à peine la surface de l’eau que des oiseaux s’envolent, mais nous aurons bien l’occasion de les admirer plus en détail dans les jours à venir. Pour l’instant, après un long voyage, chacun retrouve le confort de sa chambre au Cascades Lodge, un établissement charmant niché en bordure du Zambèze. L’atmosphère y est apaisante, les couleurs douces du crépuscule enveloppant le paysage, invitant à la détente et à la contemplation.
Le dîner est l’occasion de mieux faire connaissance, autour d’un repas délicieux concocté par nos hôtes. Chacun savoure cet instant de convivialité et se prépare pour l’aventure du lendemain.
L’Afrique nous tend les bras, et notre périple commence maintenant !
Après une nuit paisible en bordure du Zambèze, nous nous réveillons doucement alors que le ciel s’illumine des premières lueurs pastel de l’aube. Le repos bien mérité de la veille nous a redonné de l’énergie, et nous sommes prêts à vivre pleinement notre première journée sur cette terre africaine.
Cette journée commence par un safari dans le parc national de Chobé. Une fois la frontière du Botswana franchie, nous grimpons dans notre 4×4, prêts à explorer ce parc immense, le troisième plus grand du pays, ouvert en 1967. S’étendant sur 11 740 km², il abrite une faune exceptionnelle, se déplaçant librement dans un environnement non clôturé. À Kasane, la ville voisine, il n’est pas rare d’apercevoir éléphants ou lions en liberté, raison pour laquelle il est fortement déconseillé de sortir seul une fois la nuit tombée.
Notre guide choisit de nous emmener explorer les rives du Chobé et la région de Serondela, une plaine inondable autrefois exploitée pour son bois précieux, comme le teck et l’acajou, jusqu’en 1975. Quelques instants après avoir pénétré dans le parc, nous croisons le regard calme et serein de plusieurs femelles de Grand Koudou. Leurs visages striés de blanc nous observent un moment, avant qu’elles ne se replongent dans leur quête de feuilles. Nous croisons plusieurs autres groupes de koudous durant notre safari, et admirons en particulier les mâles et leurs majestueuses cornes torsadées, impressionnantes tant par leur taille que leur esthétisme.
Puis, nos premières girafes apparaissent, timidement dissimulées près des arbres feuillus. Grâce à leur long cou pouvant atteindre trois mètres, elles sont les seules à pouvoir déguster les feuilles les plus hautes des acacias, épines comprises, sans se blesser ni s’intoxiquer. Fascinés, nous en apprenons plus sur leur physiologie unique : leur cœur de 12 kg et leurs vaisseaux sanguins particuliers leur permettent de réguler la pression sanguine dans leur long cou.
Nous avançons, et voilà que des éléphants se rapprochent de nous, imposants par leur taille colossale. Un mâle adulte peut peser jusqu’à six tonnes, faisant de l’éléphant le plus grand mammifère terrestre. Ils détiennent aussi le record de la gestation la plus longue, environ 22 mois. Aujourd’hui, nous avons la chance de voir plusieurs groupes dirigés par une matriarche, se dirigeant vers les rives du Chobé pour se rafraîchir. Sous le soleil brûlant, ils plongent dans l’eau puis se recouvrent de poussière pour protéger leur peau délicate. Le parc de Chobé abrite la plus grande concentration d’éléphants en Afrique, avec environ 50 000 individus.
Tout au long de la matinée, nous croisons de nombreux autres animaux : zèbres, impalas, tsessebés, et même un chacal profitant de la fraîcheur des berges. Alors que nous nous aventurons dans une zone plus sèche à la recherche de lions, la chance nous sourit. Une lionne solitaire avance lentement vers le Chobé, s’arrêtant à l’ombre des arbres pour se reposer. Plus loin, ce sont six lions, dont trois jeunes mâles, qui somnolent sous un acacia, leurs crinières à peine visibles, indiquant leur jeunesse.
L’après-midi se poursuit avec une croisière sur le Chobé, où nous observons des buffles, des crocodiles, des ibis pourprés et des grandes aigrettes, tout en admirant les couleurs changeantes du paysage : le jaune des plages, le rouge des sables du Kalahari, et le gris de la savane créent un tableau magnifique. L’un des moments les plus marquants est sans doute celui où nous voyons des éléphants traverser le Chobé par groupes de 20 à 25, y compris les plus jeunes, leur bonheur d’être dans l’eau étant palpable.
Nous terminons notre journée par l’observation des hippopotames, dont seules les oreilles, les yeux et les narines émergent de l’eau. Leur adaptation à la vie semi-aquatique est fascinante, notamment leur capacité à voir sous l’eau grâce à une paupière transparente. Sur le chemin du retour, des oiseaux tels que les guêpiers carmins et les aigles pêcheurs ponctuent notre trajet.
Le dîner est animé, les discussions vont bon train, et chacun partage ses impressions. Fatigués mais ravis, nous regagnons nos chambres, prêts à nous reposer pour la journée qui s’annonce demain, avec d’autres rencontres inoubliables.
Le soleil a déjà entamé sa course à l’horizon lorsque nous ouvrons les yeux. Les teintes douces de mauve, typiques des matins d’Afrique australe, se fondent progressivement dans des nuances orangées, avant que l’astre ne monte haut dans le ciel.
Ce matin, nous partons non pas à la découverte de la faune sauvage, mais de la vie humaine qui anime l’île voisine de notre lodge : l’île Impalila. Située à l’extrémité de la bande de Caprivi, cette île de 12 kilomètres de long et 6 kilomètres de large est encerclée par trois rivières : au sud, le Chobé, qui trace la frontière naturelle entre la Namibie et le Botswana ; au nord, le Zambèze, quatrième plus long fleuve d’Afrique avec ses 2750 kilomètres ; et à l’ouest, le canal Kasai, avec ses méandres peuplés d’oiseaux, d’hippopotames et de crocodiles. À l’est, l’île s’étire jusqu’au point où le Chobé et le Zambèze se rejoignent, à proximité du « point des quatre frontières », l’unique endroit au monde où la Namibie, la Zambie, le Botswana et le Zimbabwe se rencontrent.
L’histoire de cette région est fascinante. En 1890, le chancelier allemand Leo von Caprivi signe le traité Heligoland-Zanzibar avec le Royaume-Uni, conférant à l’empire allemand une continuité territoriale jusqu’au nord du Botswana, alors colonie britannique, pour accéder à l’océan Indien. Ce que les Britanniques avaient omis de mentionner, c’est l’impossibilité de naviguer sur le Zambèze à cause des chutes Victoria, rendant les ambitions allemandes bien plus complexes. Après la Première Guerre mondiale, en 1919, l’Allemagne perd ses colonies, dont la Namibie, qui sera placée sous administration sud-africaine par la Société des Nations. Ce n’est qu’en 1990 que la Namibie deviendra indépendante, avec une économie aujourd’hui stable, fondée sur les mines (dont l’uranium), la pêche et le tourisme.
La pêche est justement au cœur de la vie des habitants de l’île Impalila. Les villages, qui regroupent des familles étendues dirigées par un chef élu, vivent principalement de la pêche, tant pour leur propre consommation que pour le commerce avec les pays voisins. Lors de notre visite de deux villages, nous découvrons les maisons traditionnelles, bâties de piliers en bois de mopane et de terre de termitière mélangée à de la boue. Si certaines maisons sont encore coiffées de chaume, la tôle est de plus en plus utilisée, bien qu’elle demande moins d’entretien. Les maisons de terre sont éphémères, leur structure se dégradant avec les premières pluies, nécessitant des réparations ou reconstructions régulières. Les maisons en pierres volcaniques et ciment, quant à elles, sont permanentes mais coûteuses à ériger.
Chaque village nous accueille avec des chants et des danses. Les femmes, vêtues de ceintures en roseau et de jupons superposés, chantent tandis que les hommes jouent des percussions. La richesse de leur culture est partagée avec une humilité touchante, et nous repartons, les rythmes encore en tête, vers l’école de l’île. Depuis 1966, cette école accueille environ 370 élèves de 6 à 17 ans. Ici, pas de bus scolaire ni de voiture personnelle : les enfants parcourent parfois jusqu’à 15 kilomètres à pied, chaque jour. L’école est gratuite, mais le coût des uniformes reste un frein pour certaines familles. Les élèves plus âgés poursuivent leur scolarité à Katima Mulilo, à 180 kilomètres, ou dans d’autres villes universitaires du pays.
Impalila dispose aussi d’un dispensaire, géré par trois infirmières, qui traitent les affections bénignes ; les cas plus graves sont transférés à Kasane, au Botswana.
La simplicité et la solidarité de ces communautés contrastent profondément avec nos modes de vie européens. Nous rentrons au lodge, légèrement transformés, après cette matinée riche en découvertes.
L’après-midi, certains d’entre nous tentent leur chance à la pêche sur le canal, peuplé de brèmes, poissons-chats, tilapias et poissons-tigres. Malgré l’attention portée aux conseils de notre guide, nos efforts ne sont pas récompensés, mais la soirée promet un dîner de poisson tout de même !
En fin de journée, nous embarquons pour une ultime sortie sur le Zambèze, où les maisons de pêcheurs, faites de roseaux et d’herbes séchées, attendent la saison des pluies. Dès novembre, lorsque les eaux monteront de trois mètres, les familles et leur bétail regagneront les terres intérieures.
Alors que le soleil décline, nous accostons pour profiter d’un somptueux coucher de soleil, un verre à la main, en trinquant à cette première partie de voyage riche en rencontres et en émotions. L’ombre des anhingas se découpe sur un ciel violet et rose, et le bruissement des roseaux dans le vent accompagne nos pensées.
La soirée se termine sur une note festive, avec un groupe de danseurs qui vient animer le lodge de leurs chants et de leurs rythmes envoûtants. Une merveilleuse façon de clore notre séjour !
Lorsque le silence revient, ponctué par les coassements des crapauds et les stridulations des cigales, nous savons que le repos est bien mérité avant une nouvelle journée de transfert, pleine de surprises.
Notre dernière nuit au Cascades Lodge a été douce, bercée par le murmure du Zambèze et les chants des oiseaux nocturnes. À l’aube, les valises prêtes, nous disons au revoir à l’équipe qui a pris soin de nous tout au long de notre séjour, avant de monter à bord de notre bateau pour une ultime balade sur le canal Kasai puis sur la rivière Chobé.
Ce matin, la faune semble s’être rassemblée pour un dernier salut. Les aigles pêcheurs prennent leur envol majestueux, leurs ailes déployées sur près de deux mètres captent notre attention jusqu’à disparaître au loin. Peu après, plusieurs jeunes crocodiles du Nil, âgés de quatre à cinq ans, se faufilent sous l’eau, tandis qu’un autre, étendu sur une plage, profite des rayons du soleil. Ce grand prédateur, avec son museau en V et ses dents apparentes même gueule fermée, reste immobile, absorbant la chaleur pour réguler sa température interne et améliorer sa digestion. Le moindre clignement d’yeux nous rappelle qu’il est bien vivant, malgré son apparente torpeur.
Sur les berges, la vie se poursuit sans inquiétude : des ibis sacrés, des aigrettes et des falcifelles avancent d’un pas lent, pendant que les vanneaux et jacanas s’activent dans le sable et les herbes. Auréolées de roseaux, ces scènes typiques des rives du Chobé nous plongent dans une atmosphère de sérénité, propre à cette fin de saison sèche. Lorsque les pluies arriveront dans quelques mois, l’eau montera de plusieurs mètres, forçant une partie de la faune à migrer.
Pour l’instant, les oiseaux se perchent paisiblement, comme le guêpier carmin, flamboyant avec ses couleurs rose et bleu cyan, ou le martin-pêcheur pie, gracieux avec sa crête noire et son bec imposant. Leur beauté nous captive tandis que le bateau poursuit sa route.
Avant de faire demi-tour, nous avons la chance d’observer des hardes d’éléphants sur les îles du Chobé. Les plus jeunes, parfois âgés de quelques mois, imitent maladroitement les gestes des adultes, apprenant par l’observation et les infrasons émis par leurs aînés. Ces moments de tendresse entre les éléphants sont émouvants.
Plus loin, quelques hippopotames émergent des eaux, leurs oreilles et yeux pointant à peine au-dessus de la surface. Notre bateau effectue quelques détours pour éviter ces géants territoriaux, qui peuvent se montrer extrêmement agressifs. C’est l’animal le plus redoutable d’Afrique, responsable de près de 200 morts par an. Un rappel que, malgré leur allure débonnaire, ils règnent en maîtres sur ces eaux, tout comme les crocodiles.
Le cœur serré, nous quittons ce paradis et rejoignons l’aéroport de Kasane. De là, un petit avion nous transporte en moins de deux heures à Kariba, notre prochaine destination. Depuis les airs, nous apercevons le point des quatre frontières, clairement visible avec le pont qui enjambe le Zambèze, puis les majestueuses chutes Victoria, que nous visiterons plus tard dans notre voyage. Les gorges de Batoka défilent sous nos yeux, creusées dans le basalte, avant que le lac Kariba et ses 300 îles ne se dévoilent, offrant une vue splendide.
À l’atterrissage, la chaleur nous enveloppe tandis que notre guide nous accueille. Après les formalités d’immigration, nous rejoignons notre demeure pour les prochains jours : l’African Dream. Ce navire, construit en 2018 à Harare, a été transporté par les routes longeant le Zambèze avant d’être assemblé sur le lac Kariba. Une véritable prouesse technique, rendant notre séjour ici encore plus spécial.
Dès notre arrivée à bord, après un briefing sur la sécurité, nous nous installons dans nos cabines confortables. Le navire quitte le port et se dirige vers la baie de Changa, dans le sud-est du lac. Alors que le soleil commence à descendre, il nous offre un spectacle magnifique : des teintes orange, rose et violet se reflètent sur les eaux paisibles du lac.
Nous arrivons à destination sous un ciel étoilé, le navire s’amarrant aux troncs d’arbres bordant la rive. La soirée se déroule dans une ambiance conviviale, chacun savourant la magie de l’instant et la chance de pouvoir vivre ces moments uniques dans un cadre si exceptionnel.
La nuit est déjà bien avancée lorsqu’il est temps pour nous de regagner nos cabines. Demain s’annonce encore une journée riche en découvertes, et un repos bien mérité nous attend.
Dès les premières lueurs de l’aube, le lac Kariba se pare de couleurs douces, allant du rose à l’orange, tandis que le soleil, encore caché, annonce sa venue. L’atmosphère paisible et envoûtante de ce lieu semble suspendue dans le temps, parfaite pour une journée dédiée à l’observation de la faune.
Le lac Kariba, avec ses 5580 km², est l’un des plus grands lacs artificiels au monde. Bien qu’il ne soit que le cinquième en superficie, il est le premier en volume, avec 180 milliards de m³ d’eau retenus par le barrage construit entre 1955 et 1959. Cette impressionnante structure, conçue par l’ingénieur français René Coyne, a profondément marqué la région. Lors de sa construction, les plaines fertiles bordées de forêts de mopanes furent englouties, et aujourd’hui, les arbres morts émergent encore des eaux comme les fantômes d’un passé révolu.
Cette montée des eaux entraîna également le déplacement forcé de 57 000 Tongas, un peuple d’éleveurs. Contraints d’abandonner leurs terres fertiles, ils durent s’installer plus en amont, dans des zones stériles, et nombre d’entre eux se reconvertirent en pêcheurs, profitant des 40 espèces de poissons qui peuplent le lac.
La faune, elle aussi, fut touchée par la montée des eaux. De nombreux animaux se retrouvèrent piégés, incapables de nager ou isolés sur des îles sans nourriture. C’est alors qu’une opération de sauvetage d’envergure, baptisée « Opération Noé », fut lancée par Rupert Fothergill et son équipe. Ils sauvèrent près de 6000 animaux, les réinstallant sur les berges et dans le parc de Matusadona. En hommage à cet acte héroïque, une île porte aujourd’hui le nom de Fothergill, et une plaque commémorative est érigée dans les montagnes de Matusadona.
Notre journée commence avec un safari nautique à travers les eaux calmes du lac, où les troncs d’arbres morts servent de perchoirs à une multitude d’oiseaux. Parmi eux, l’aigle pêcheur, dont le vol majestueux et les nids massifs de 150 kg nous impressionnent. Plus discret, le balbuzard pêcheur se dresse en haut des arbres, scrutant l’eau à la recherche de sa proie.
Les berges regorgent également de vie : des oies d’Égypte, des ibis pourprés, des échasses et des hérons Goliath cohabitent avec les buffles, alors que des impalas paissent tranquillement plus en retrait. Les babouins chacma ajoutent une touche de chaos en chahutant sur les rives.
Au loin, nous apercevons des radeaux d’hippopotames, leur souffle lourd brisant le silence de ce matin tranquille. Leur regard intense nous rappelle qu’il vaut mieux garder ses distances, car ces géants peuvent se montrer agressifs si l’on empiète sur leur territoire. Les éléphants mâles, plus solitaires, nous laissent approcher tandis qu’ils traversent paisiblement les eaux ou se nourrissent d’herbes.
La chaleur devient intense, dépassant déjà les 30°C avant même la fin de matinée. Nous rentrons à bord de l’African Dream pour une pause rafraîchissante avant de repartir en fin d’après-midi pour un second safari.
Le soleil descend lentement, et alors que le ciel se teinte d’or, nous observons des éléphants et des varans déambuler sur les rives. Plus loin, des crocodiles profitent des derniers rayons pour se réchauffer, tout en guettant les œufs de becs-en-ciseaux sur la plage.
En fin de journée, certains d’entre nous tentent leur chance à la pêche et capturent plusieurs poissons-chats, qui seront relâchés dans les eaux. Le coucher du soleil, avec ses teintes violettes et pastelles, clôture cette journée sur une note féerique.
De retour à bord, nous savourons un délicieux dîner, échangeant nos impressions sur cette incroyable journée. Chacun regagne sa cabine, l’esprit déjà tourné vers les découvertes qui nous attendent demain.
La fraîcheur matinale est encore présente sur le lac Kariba, alors que nous nous préparons pour notre première expédition terrestre au Zimbabwe, dans le parc de Matusadona. Situé au Sud-Est du lac, ce parc, initialement zone interdite de chasse en 1958, a acquis le statut de réserve naturelle en 1963, puis de parc national en 1975. Avec ses 1470 km², il est certes plus petit que son cousin Hwangé, mais il n’en reste pas moins un lieu important, surtout depuis l’opération Noé, qui a vu de nombreuses espèces, dont les rhinocéros noirs, trouver refuge ici.
Cependant, ces rhinocéros ont malheureusement tous disparu, victimes du braconnage, le dernier ayant été tué en 2016. Un projet de réintroduction est toutefois en cours, soutenu par l’ONG African Parks, avec l’arrivée de nouveaux individus prévue pour 2025. Nous espérons leur réussite dans cette terre splendide bordant le lac.
Ce qui frappe ici, ce sont les contrastes : le rouge des sables, les herbes jaunies, et quelques auréoles de gazon vert tendre où se délectent des groupes d’impalas. Nous observons tout d’abord des mâles aux longues cornes, légèrement incurvées, qui, l’œil vigilant, profitent d’un moment entre célibataires. Leur comportement espiègle les amène à bondir avec une agilité impressionnante, leurs sauts atteignant parfois dix mètres.
Non loin, des éléphants arrachent des touffes d’herbe, secouant leur prise pour enlever le sable avant de l’ingérer. Ces géants prennent grand soin de leurs dents, dont la durée de vie est essentielle à leur survie. Renouvelées jusqu’à six fois, leurs dents déterminent leur longévité, parfois jusqu’à 60 ans si elles sont suffisamment préservées.
En slalomant à travers les mopanes, nous sommes émus de voir ces arbres toujours verts, en contraste avec leurs semblables submergés et dénudés dans les eaux du lac. Le mopane, arbre essentiel pour les communautés locales, est utilisé dans la construction, la médecine traditionnelle et bien d’autres domaines, soulignant la richesse incroyable de cette flore.
Le long de notre trajet, les zèbres se tiennent à distance tandis que les éléphants profitent de mares de boue pour se rafraîchir. Le spectacle des jeunes éléphants se roulant dans la boue, jouant entre eux, est à la fois attendrissant et fascinant. Plus haut dans le ciel, des aigles pêcheurs planent avec élégance, accompagnés de jeunes aiglons, tandis qu’au bord de l’eau, ibis et cigognes se nourrissent avec sérénité.
Après cette magnifique sortie, nous revenons à bord de l’African Dream pour un déjeuner bien mérité. L’après-midi est dédiée à une présentation fascinante sur l’histoire du Zimbabwe, suivie d’un film retraçant la construction de notre navire, un projet impressionnant à la fois sur le plan technologique et humain.
En fin de journée, nous partons pour un safari nautique autour de la ville de Kariba. Des pêcheurs locaux se préparent à une nuit de travail, leurs filets visant principalement le kapenta, un petit poisson qui sera séché dès le lendemain. Au large, une multitude d’oiseaux s’agite sur les plages : pélicans gris, ibis, oies et cormorans se mélangent dans un ballet aérien éblouissant. Sur un îlot voisin, quelques crocodiles profitent des derniers rayons de soleil avant de disparaître rapidement dans l’eau.
Notre journée se termine avec un coucher de soleil spectaculaire, teinté de nuances violettes et roses. Les grognements des hippopotames résonnent comme un salut final. Pour nous, ce dernier soir à bord est une occasion précieuse de partage avec l’équipage. Demain, nous mettrons le cap à l’Ouest du Zimbabwe, impatients de découvrir la prochaine étape de notre aventure.
Nous nous réveillons encore sous l’obscurité, alors que l’African Dream démarre ses moteurs pour quitter l’anse tranquille où nous avons passé la nuit près d’Antelope Island. Notre prochaine destination est le port de Kariba. Alors que nous profitons de ces derniers moments à bord, une pointe de nostalgie nous envahit en remerciant chaleureusement l’équipage qui a su rendre ce séjour inoubliable. Chaque instant passé sur ces eaux restera gravé dans nos mémoires, comme toutes les expériences vécues depuis notre départ d’Europe.
Avant de prendre la direction de l’aéroport pour notre prochaine aventure, nous nous arrêtons à un point de vue sur le barrage de Kariba. D’ici, l’immensité de cette structure de béton impressionne. Ce barrage voûte, haut de 128 mètres, semble défier le temps et la nature. Sa construction, débutée en 1955, prit quatre années, régulièrement perturbée par des inondations, et coûta la vie à de nombreux ouvriers. Pour le peuple Tonga, ces crues seraient la colère de « Nyami Nyami », la divinité du Zambèze, un serpent à tête de poisson qui, séparé de sa déesse par le barrage, provoqua ces désastres. La légende de Nyami Nyami reste bien vivante dans la culture locale, chaque année des cérémonies sont organisées en son honneur, implorant la pluie si attendue.
Le barrage de Kariba n’est pas seulement une prouesse technique, il est aussi le poumon énergétique de la région. Deux centrales hydroélectriques installées sur chaque rive du Zambèze produisent plus de 10 000 GW d’électricité par an, rendant la Zambie et le Zimbabwe autosuffisants en énergie, avec même des exportations vers l’Afrique du Sud. Cependant, l’érosion causée par la force de l’eau a formé un trou de 80 mètres de profondeur au fil des années, nécessitant des travaux de renforcement récents. Aujourd’hui, la structure est de nouveau solide, prête à affronter l’avenir.
Après cette impressionnante visite, il est temps de prendre l’avion qui nous amènera à Victoria Falls, à l’extrémité nord-ouest du Zimbabwe. Le vol nous offre un dernier regard sur le lac Kariba, ses eaux sombres parsemées de bateaux de pêche rentrant au port, slalomant entre les troncs pétrifiés des mopanes. Rapidement, la savane arborée réapparaît à mesure que nous approchons de notre destination.
Victoria Falls est un site historique et naturel d’une importance majeure. Les vestiges archéologiques retrouvés autour des chutes témoignent d’une présence humaine vieille de plusieurs millénaires. C’est en 1855 que David Livingstone, missionnaire écossais, découvrit ces chutes aux côtés de la tribu des Makololo, et les baptisa en l’honneur de la reine Victoria. Ces chutes, appelées localement « Mosi-oa-Tunya » ou « la fumée qui gronde », sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1989. Elles dévalent une falaise de 108 mètres dans un grondement incessant, créant une brume rafraîchissante qui accompagne notre exploration du site.
Les chutes Victoria sont non seulement un joyau de la nature, mais aussi un témoignage des forces géologiques qui ont façonné le Zambèze au fil des millénaires. Le fleuve a sculpté des gorges volcaniques, suivant des failles créées par des mouvements tectoniques il y a des millions d’années. Le spectacle est grandiose, l’eau semblant danser dans les airs alors qu’elle plonge dans le canyon.
L’une des membres du groupe a eu la chance de survoler les chutes en hélicoptère, offrant une perspective encore plus impressionnante de cette merveille naturelle, des piscines naturelles en Zambie aux animaux venant s’abreuver près du Zambèze.
Après cette matinée d’émotions, nous partons déjeuner non loin des gorges avant de flâner dans les marchés d’art locaux. Victoria Falls regorge de souvenirs artisanaux, et il est difficile de résister à l’envie de rapporter une pièce de cet endroit magique.
La journée s’achève en douceur, sous la chaleur de l’après-midi que nous fuyons à l’hôtel, avant de savourer un dernier dîner en bordure du Zambèze, clôturant notre séjour au Zimbabwe en beauté. Fatigués par tant de merveilles et sous la chaleur écrasante de la journée, nous nous retirons pour une nuit de repos bien méritée, prêts à découvrir le Botswana dès demain.
Ce matin, nous nous réveillons dans un véritable écrin de verdure, à quelques centaines de mètres seulement du majestueux Zambèze. Notre hôtel, l’Elephant Hill Resort, est niché au cœur de vastes espaces verts, où un parcours de golf 18 trous dessiné par le célèbre golfeur sud-africain Gary Player s’étend. Un parcours pas tout à fait ordinaire, car ici, une partie peut être interrompue par le passage d’impalas ou de singes verts, une vision unique de ce coin du monde !
Après avoir profité de ce cadre enchanteur, l’heure est venue de faire nos valises. Ces moments passés à Victoria Falls, haut lieu historique du Zimbabwe, touchent à leur fin. Nous jetons un dernier regard sur les célèbres chutes avant de prendre la route vers la frontière. Sur le chemin, nous traversons plusieurs villages et apercevons des écoles, mais bientôt, la civilisation s’efface pour laisser place à l’immensité de la savane. Des mopanes et des acacias bordent la route, et sous leur ombre, nous apercevons les premières hardes d’éléphants et de grands koudous de la journée, rassemblés sous les arbres, déjà accablés par la chaleur écrasante de cette fin de matinée, avec 35°C au thermomètre. Les indices de leur présence sont partout : des arbres fraîchement écorcés, des crottins épars sur la route… La savane semble être leur royaume.
Bientôt, nous arrivons au poste frontière zimbabwéen, marquant la fin de notre séjour au Zimbabwe. Quelques tampons dans nos passeports et nous voilà de retour au Botswana, à Kasane, là où notre périple en Afrique australe a commencé. À notre arrivée, nous remarquons les tenues colorées des employés : des robes de fête bleues et éclatantes remplacent les uniformes habituels. Nous sommes en plein dans les célébrations de la fête de l’indépendance du Botswana, proclamée le 30 septembre 1966 ! Les drapeaux flottent fièrement tout le long de la route qui nous mène à l’aéroport, et ce ne sera pas la dernière fois que nous les croiserons, car notre prochaine destination nous amène au cœur du célèbre delta de l’Okavango.
Le delta de l’Okavango, une véritable oasis verdoyante au milieu du désert du Kalahari, sera l’ultime étape de notre voyage. Un lieu unique au monde, car, avec le delta du Niger, il s’agit de l’un des rares deltas intérieurs, c’est-à-dire un delta qui s’étend sur la terre ferme sans se jeter dans l’océan. Cette singularité est due à des failles géologiques toujours actives. Le delta se forme grâce à l’eau des rivières en provenance des hauts plateaux d’Angola et varie en taille selon les saisons, passant de 6000 km² en saison sèche à 15 000 km² lors des pluies abondantes.
À bord de notre avion-taxi, nous survolons ce paysage fascinant, alternant entre étendues verdoyantes et zones désertiques, et apercevons déjà des bras d’eau qui serpentent à travers ce désert de sable. Cette diversité de milieux est à l’origine de la richesse faunistique du delta, et nous sommes impatients de découvrir tout cela de plus près.
L’atterrissage sur la piste poussiéreuse du Kalahari est un moment inoubliable. En descendant de l’avion, nous avons presque l’impression d’être les premiers à poser le pied sur cette terre, bien que nos guides nous attendent pour nous conduire vers notre lodge. Nous montons à bord de 4×4 et, en route, croisons nos premiers habitants du delta : des éléphants cherchant écorces et branches, des girafes profitant des acacias bien feuillus, et des impalas et zèbres qui broutent paisiblement.
Mais l’accueil le plus mémorable vient de nos hôtes au lodge. En plein milieu de la savane, ils nous reçoivent en chantant et dansant, vêtus de magnifiques habits bleus et blancs, les couleurs du Botswana. Leur chaleur et leur joie de partager cette journée spéciale de la fête de l’indépendance avec nous sont émouvantes.
Après nous être installés dans nos superbes tentes sur pilotis, nous partons pour notre premier safari. À peine le temps de nous poser que deux lionnes sont repérées à quelques centaines de mètres du lodge. Nous les approchons en voiture : elles se reposent à l’ombre, sereines, indifférentes à notre présence. Ici, les animaux ne craignent pas les humains, car la chasse y est interdite depuis des décennies. Ces lionnes appartiennent à un groupe de sept, et l’une d’elles est la mère de quatre lionceaux que nous espérons apercevoir durant notre séjour.
Le soleil commence à descendre, et nous continuons notre exploration alors que le ciel se teinte de rouge et que les arbres se reflètent dans les rivières rosées. Plus tard, éclairés par les phares du véhicule, nous tombons sur cinq jeunes lions mâles, leurs crinières naissantes nous indiquant qu’ils ont entre un an et dix-huit mois. Ils boivent tranquillement à la rivière, indifférents à notre présence. Les observer dans cette lumière tamisée, leurs silhouettes imposantes se détachant à peine des ombres, est un moment magique.
De retour au lodge, nos hôtes nous réservent encore d’autres surprises pour célébrer l’indépendance. La soirée est joyeuse, et chacun partage ses impressions de cette première journée inoubliable dans le delta.
Nous regagnons nos tentes, des souvenirs déjà plein la tête. Demain, une autre grande journée nous attend, mais une chose est certaine : ce 30 septembre, jour de fête nationale au Botswana, restera gravé dans nos mémoires comme celui de rencontres magnifiques au cœur de l’Okavango.
Le jour n’est pas encore levé lorsque nos guides nous réveillent pour une nouvelle aventure dans le delta de l’Okavango. Le **Mma Dinare Lodge**, niché en bordure de l’un des bras du fleuve, semble faire corps avec la nature. Ici, ce sont les animaux qui dominent, libres de circuler. Nos tentes sur pilotis témoignent de cette harmonie : des passages sont aménagés pour laisser place aux majestueux éléphants, qui traversent souvent ce territoire. Cette nuit, les grognements lointains de lions et de hyènes nous ont rappelé que nous sommes en plein cœur de la vie sauvage.
Le petit-déjeuner se prend sur la terrasse commune, face à un paysage où des impalas commencent déjà à se rassembler près des marais. Le ciel, d’abord teinté de violet, vire progressivement au bleu éclatant qui illuminera notre journée. Les discussions s’animent : qu’allons-nous voir aujourd’hui ? Retrouverons-nous les lions observés hier soir ? Les félins qui font rêver certains croiseront-ils de nouveau notre chemin ? Le mystère demeure, mais nous faisons confiance à nos guides et à la nature pour nous offrir un spectacle mémorable.
Ce matin, un vent frais souffle encore, vestige des rafales nocturnes. Nous accueillons avec plaisir les couvertures distribuées dans nos véhicules, car la brise amplifie la sensation de fraîcheur dans les zones dégagées. Nos guides annoncent l’objectif du matin : partir à la recherche des guépards. La concession abrite onze individus, et bien que les chances de les apercevoir soient faibles, nos pisteurs sont déterminés. En traversant une plaine aride où les arbres sont visiblement marqués par le passage des éléphants, un bruit retient soudain notre attention : des cris lointains que nos guides identifient immédiatement — ce sont des lycaons ! Les véhicules filent dans la direction des appels qui se font de plus en plus distincts.
Rapidement, nous les repérons : quatre jeunes lycaons, âgés de seulement deux à trois mois, courent ensemble, s’arrêtant de temps en temps pour appeler le reste de la meute. Le lycaon, aussi appelé « loup peint », est un canidé qui vit en groupe, dirigé par une femelle et un mâle alphas. Cependant, aujourd’hui, ces jeunes semblent isolés. Peut-être que des guépards ont dispersé leur meute, les laissant momentanément seuls. Nous espérons qu’ils retrouveront leurs parents, car leur survie dépend de la nourriture et de la protection du groupe.
Notre quête des guépards reprend. Chaque empreinte est examinée, chaque piste étudiée. Et enfin, nos efforts sont récompensés : quatre guépards, quatre frères adultes, se camouflent derrière un bosquet. Ils sont à l’affût, fixant un grand koudou isolé. Soudain, ils se lancent à une vitesse fulgurante, mais la proie leur échappe. Les guépards, visiblement affaiblis par la faim, échouent cette fois, mais leur chasse continue. Nous les suivons un moment, fascinés par leurs mouvements et par la coordination avec laquelle ils marquent ensemble leur territoire en urinant sur les troncs d’arbres. Ils poursuivront probablement leur quête de nourriture avant la tombée de la nuit, car ces félins sont diurnes et préfèrent chasser en évitant la concurrence des lions et des hyènes nocturnes.
De retour au lodge, la chaleur du jour commence à s’installer. Mais le spectacle ne s’arrête jamais ici : près de deux cents buffles émergent des bois pour venir s’abreuver devant nous. Bien que le buffle soit un animal grégaire, il est rare d’en voir une si grande concentration. Les bêtes se plongent dans la rivière, profitant de l’eau pour se rafraîchir. Imitant leur exemple, nous restons à l’ombre jusqu’à notre prochain safari.
Dans l’après-midi, alors que nous explorons une autre partie de la concession, nous apercevons des girafes qui semblent vouloir se cacher derrière les arbres, et des phacochères qui détalent à notre approche, leur queue dressée comme un étendard. Soudain, notre guide reçoit un message radio : un léopard a été repéré ! En un éclair, nous nous dirigeons vers lui. Perché sur une branche, il déguste un impala qu’il a habilement hissé à trois mètres de hauteur pour échapper aux autres prédateurs. Le léopard, majestueux dans son isolement, finit par descendre pour s’allonger sur une autre branche, nous offrant le privilège de croiser son regard fascinant. Sa robe, illuminée par les derniers rayons du soleil, semble presque irréelle.
Alors que la nuit tombe, une dernière surprise nous attend : un lion solitaire apparaît, sa crinière ondulant à chacun de ses pas. Il marche tranquillement le long de la rivière, indifférent à notre présence. Le silence de la nuit est soudain brisé par son rugissement, un écho de puissance dans l’obscurité. Le roi de la savane se repose finalement à nos pieds, clôturant cette journée par une scène inoubliable.
Sur le chemin du retour, nous croisons un lièvre sauteur et des renards à oreilles de chauve-souris, derniers témoins d’une nature généreuse qui ne cesse de nous surprendre. Une soirée de partages et de récits nous attend au lodge, avant notre ultime aventure le lendemain matin, une manière parfaite de conclure notre séjour dans ce paradis sauvage.
La nuit fut paisible, le vent étant tombé la veille durant la soirée. Les rugissements des lions furent nos berceuses dans le confort de nos tentes. Escortés par nos guides comme tous les matins, nous découvrons notre dernier lever de soleil aux couleurs pastel dans cette atmosphère bucolique. Nous nous délectons de ces images extraordinaires sur la terrasse du lodge.
Ce matin, pour la première fois, notre groupe se divise en deux, les choix d’activité étant différents : pour certains ce sera balade en mokoro sur un bras de rivière, pour d’autres un ultime safari dans la savane.
Les deux groupes démarrent toutefois par une route similaire, slalomant entre les arbres où se camouflent plusieurs girafes. Nous dominant de ses cinq mètres de hauteur, la girafe est la sentinelle de la savane, car elle est celle qui voit avant les autres l’arrivée des prédateurs. Leur déplacement rapide, bien qu’il paraisse maladroit en raison de leurs grandes jambes, donne l’alerte pour les herbivores alentour, qui s’empressent de se disperser. Nous ne savons pas si c’est notre présence ou celle des fauves que nous allons rencontrer tout proche qui les fait fuir. À quelques centaines de mètres de là, étendus dans le sable, se trouve un groupe de quatre jeunes lions et une femelle, très certainement leur mère. Collés les uns aux autres, ils se tiennent chaud en ce frais début de journée. Les câlins et signes de tendresse qu’ils se donnent par la suite témoignent de la force de leurs liens familiaux. Soudain, les têtes auréolées d’une crinière naissante et tachée de sang se dressent : de l’autre côté de la rivière, des zèbres imprudents viennent s’abreuver. Le comportement change, les muscles se tendent, les regards ne quittent plus ce zèbre qui est maintenant avec les pattes dans l’eau. Nous retenons notre souffle sur la suite qui se prépare. Mais les zèbres ont vu ce groupe, ils s’éloignent vite, protégés par le bras de rivière qui les sépare des lions, qui à n’en pas douter auraient apprécié ce repas matinal. Leur proie partie, ils reprennent une activité de détente, ponctuée de caresses et de frottements de museaux. Nous les observons encore un bon moment, puis nos groupes se séparent.
Ceux ayant choisi le mokoro rejoignent une zone où les attend leur guide responsable de la sécurité, équipé d’un fusil. Les mokoros étant des embarcations basses et légères, la vigilance est de mise pour éviter toute rencontre avec un hippopotame qui aurait facilité à les renverser, ou avec un félin curieux. La zone étant sécurisée, notre groupe s’installe dans ces pirogues de six mètres de long, traditionnellement faites du bois de l’arbre à saucisse, suffisamment grand pour y creuser le mokoro d’une seule pièce. Aujourd’hui, pour préserver ces arbres, les mokoros sont réalisés en fibre de verre, ayant également l’avantage d’être plus légers et plus résistants dans le temps. Bien installé à fleur d’eau, chacun se laisse porter sur les eaux calmes de la rivière peuplées de nénuphars. Les mouvements sont doux, animés seulement par le barreur, le « pula », debout à l’arrière, équipé d’une longue perche en bois qu’il plante dans le fond entre un et deux mètres de profondeur, poussant pour faire avancer l’embarcation. Le sentiment de paix prédomine ici, alors que la vue sur les animaux habitant les rives est tout à fait différente de celle à bord des voitures : nous sommes presque à leur hauteur, donnant la sensation d’une proximité avec eux. L’observation des cobes lechwe que nous découvrons pour la première fois est magnifique, le reflet de leurs grandes cornes dans l’eau en faisant une vraie aquarelle. Nous profitons de ce moment de calme au fil de l’eau, dans un cadre splendide.
Pendant ce temps, l’autre groupe s’aventure lui aussi dans des zones de marais permanents où nous croisons des groupes d’impalas, mêlés à des cobes lechwe rouges vivant dans ces zones aquatiques dont ils se nourrissent de plantes d’eau et graminées, alors que des oies de Gambie, des ibis sacrés et des grandes aigrettes trouvent leur bonheur gustatif dans les eaux foncées. Plus loin, un groupe de zèbres patauge également, avant de passer sur une petite île. Alors que nous nous éloignons de ce paysage verdoyant pour pénétrer dans une zone aride, notre guide arrête subitement le véhicule et pointe un arbre sur la droite : la chance va-t-elle nous sourire encore une fois après la magnifique observation d’hier ? La réponse est oui, et doublement : car ce n’est pas un léopard que nous voyons dans cet arbre mais deux ! Une mère et son petit d’environ quatre mois, installés sur deux branches différentes. Alors que nous les observons, le petit saute et commence à descendre vers le sol, se cachant dans des herbes hautes proches. La mère maintient sa position, mais après une dizaine de minutes commence à appeler son petit par des sons rauques répétés. Le petit prend son temps pour remonter, cherchant la tendresse de sa mère sur la branche où elle se trouve. Bientôt ils commencent leur descente, marchant lentement vers de hautes herbes. Plusieurs fois, nous pensons les perdre de vue et les voilà qui réapparaissent : sont-ils intrigués par notre présence autant que nous sommes fascinés par la leur ? Nous ne saurons jamais. Une chose est certaine : cette ultime observation sonne comme l’apothéose de ce voyage grandiose, les léopards étant rares et discrets, d’autant plus une femelle avec un petit.
De retour au camp, les valises sont prêtes et c’est avec émotion que nous disons au revoir à nos hôtes si attentionnés et attachants.
C’est le début du retour vers l’Europe, commençant par les transferts à Maun puis Johannesburg. C’est sur cette dernière étape que notre groupe se sépare, certains rentrant en France alors que d’autres rejoignent la Suisse.
Ce voyage fut extraordinaire de par les observations fabuleuses d’animaux que nous avons pu vivre ensemble, des paysages qui nous ont émerveillés par leurs couleurs et leurs contrastes, les lodges splendides qui nous ont accueillis, mais aussi par les rencontres humaines qui ont marqué chaque étape de notre voyage. C’est sûr, cette découverte de l’Afrique australe a laissé une empreinte qui restera longtemps gravée dans notre mémoire.
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
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