Les expéditions ratées de Salomon August Andrée : 1896 – 1897

L’exploration polaire est un défi pour un grand nombre d’explorateurs. En effet, les conditions climatiques sont extrêmes sur ces territoires du nord.

À la conquête du pôle Nord

Dans les années 1890, le pôle Nord est encore une terre inconnue. Les nombreuses tentatives pour atteindre cette terre du bout du monde sont nombreuses et se soldent souvent par des échecs. On observe une course vers le pôle Nord et une certaine compétition entre les pays pour atteindre ce territoire. En 1895, une expédition norvégienne atteint un record de latitude nord sur ces territoires encore peu explorés. La Suède ne compte pas rester en retrait dans cette quête du pôle Nord.

1896, le ballon à gaz pour conquérir le pôle Nord

Salomon August Andrée, ingénieur suédois, propose, lors d’une conférence à l’Académie royale des sciences de Suède, d’atteindre le pôle Nord en utilisant le ballon à gaz, moyen de transport encore jamais utilisé pour l’exploration des pôles. Inventé en 1783, le ballon à gaz est aussi appelé charlière. Il est non motorisé et gonflé d’un gaz plus léger que l’air. Andrée était passionné de montgolfières et possédait d’ailleurs la sienne. Les calculs de Salomon Andrée estiment à une semaine la durée du trajet depuis l’archipel du Svalbard jusqu’au pôle Nord.

L’ingénieur prévoit de prendre des mesures régulières pendant le trajet, grâce notamment au soleil de minuit. Il est ensuite prévu que l’expédition se poursuive au Canada ou en Sibérie en fonction des vents. L’expédition sera courte, mobilisera peu d’hommes. Avant cette date, environ mille hommes se sont aventurés sur les terres du grand Nord au XIXe siècle, seuls 250 en sont revenus vivants. L’Histoire retient souvent l’expédition de Sir John Franklin, partie avec 128 hommes à la recherche d’un passage dans les contrées sauvages nordiques, aucun n’est revenu. Andrée propose que seules trois personnes participent à son expédition.

Des fonds sont collectés pour participer à cette aventure et un ballon de plus de vingt mètres de diamètre est commandé pour cette mission. Le départ de l’expédition est prévu en juillet 1896. Le ballon sera dirigé par des lourdes cordes trainant sur le sol, elles ralentiront la vitesse du ballon et pourront être lâchées en cas de besoin. Des voiles fixées à côté du ballon permettront de le diriger et rendront son comportement, en théorie, proche de celui d’un voilier.

1896, Première tentative d’expédition ratée

Andrée forme un équipage avec le météorologue Ekholm et le physicien et chimiste Strindberg. L’objectif principal est de cartographier la zone polaire. Lors de l’été 1896, Ekholm décide de se retirer, l’expédition lui semble trop risquée. Il faut dire que les conditions météorologiques ne sont pas très favorables au bon vol du ballon. L’appareil est également troué en plusieurs endroits au niveau des coutures. À leur retour de cette expédition loupée, les médias réclament des résultats probants. Andrée est accusé d’avoir été incapable de prédire la direction des vents et de s’être trompé en commandant le ballon.

Salomon Andree et ses collaborateurs

1897, une expédition désastreuse

Suite à l’échec de la première mission, les candidats sont moins nombreux pour cette deuxième tentative. André choisit cette fois Fraenkel, ingénieur et athlète, pour remplacer Ekholm. Le 11 juillet 1897, le ballon décolle à nouveau. Dès les premières minutes du voyage, les explorateurs sont contraints de lâcher plus de lest que prévu pour permettre au ballon de bien s’envoler. L’aérostat devient donc bien moins manoeuvrable et ressemble davantage à une simple montgolfière, soumise aux caprices du vent. Le journal d’Andrée décrit un ballon mal équilibré pendant l’expédition, qui navigue trop haut et perd trop d’hydrogène. Il est trempé par les pluies et alourdi. Toutes les charges utiles ainsi que le sable ont dû être jetés pour que le ballon puisse se stabiliser.

Après un vol plutôt réussi d’une durée de 10h29, l’expédition subit un voyage chaotique de plus de 41h pendant lequel le ballon touche fréquemment le sol avant son atterrissage final, … à 750 km du pôle Nord ! Pendant les deux jours de vol, aucun des trois explorateurs n’a pu dormir. L’équipement et les instruments techniques sont en état de marche. L’équipage n’a cependant pas cru bon de tenir compte des méthodes utilisées par les habitants de régions similaires pour s’adapter aux conditions de vie extrêmes de cette région. Les traineaux sont lourds à tirer, surchargés de provisions et vivres peu adaptés à ce type de déplacement, leurs tenues ne sont pas aussi chaudes que les fourrures des Inuits, … Les traîneaux finissent pas se briser. Les hommes sont contraints à chasser pour se nourrir : phoques, morses et ours polaires deviennent les cibles des hommes. Les glaces font dériver les explorateurs, les bloquant dans leur expédition tandis que les vents les gênent dans leur progression. Au fur et à mesure de leur avancée, le journal d’Andrée devient plus incohérent et finit par se taire. Les dernières pages laissent penser que les trois explorateurs décèdent, coincés sur un désert au Svalbard.

La mort des explorateurs

Pendant les trente-trois années suivant la disparition des explorateurs, le destin de l’expédition devient une légende en Suède. Les squelettes d’Andrée et Strindberg ne seront retrouvés qu’en 1930 ! Le corps de Strindberg est retrouvé dans une crevasse, recouvert de glace et de roches. Andrée est mort sur le rocher situé au-dessus de leur tente. Matériels et équipements sont aussi retrouvés par l’équipage. On retrouvera le corps de Fraenkel un mois plus tard dans les débris de la tente. Leurs photos sont aussi retrouvées et permettent de retracer la tragique histoire de l’expédition loupée. Si l’origine de leur mort reste incertaine, on pense que les trois explorateurs sont morts d’une intoxication à la botulique. Les trois hommes semblent en effet avoir été surpris par la mort. Les toxines botuliques sont fréquentes en Arctique, elle est présente dans la peau des mammifères et entraîne la mort dans les 24 à 36h suivant l’ingestion de la viande sans prise de traitement adapté. Cette toxine est l’une des plus puissantes dans la nature.

On sait aujourd’hui que l’expédition d’Andrée n’aurait pas pu réussir, même avec un ballon en parfait état. Les conditions météo étaient trop défavorables. En 1897, Andrée ne disposait cependant pas de toutes les informations pour le savoir et mener à bien son expédition. Le ballon est un moyen de transport très dépendant des conditions météo et difficile à diriger. Le pôle Nord géographique sera survolé pour la première fois en 1926 à bord d’un dirigeable et il faudra attendre mai 2000 pour que le premier ballon atteigne le pôle Nord !

Et si cette aventure vous intéresse, vous pouvez lire le roman à succès de Per Olof ‘Le voyage de l’ingénieur Andrée’, publié en 1967, roman ensuite adapté en film en 1982 par Jan Troell sous le nom ‘Le Vol de l’Aigle’.

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