Sans nul doute, les éclipses de Soleil font partie des spectacles les plus beaux, les plus insolites et les plus inoubliables que la nature puisse nous offrir. Mais comment ces phénomènes célestes sont-ils possibles ? Parlons tout d’abord des trois protagonistes : notre Soleil d’un diamètre de 1 392 000 km situé à 150 millions de km du deuxième protagoniste, notre Terre d’un diamètre de 12 750 km et enfin, le dernier compère, notre Lune distante de 384 000 km en moyenne de notre planète, pour un diamètre de 3 476 km. Ainsi, le hasard a voulu que la Lune soit 400 fois plus petite que le Soleil et en même temps 400 fois plus proche de nous. La Lune a donc le même diamètre apparent que le Soleil. De ce fait, la Lune peut visuellement masquer tout ou partie du Soleil, elle peut l’éclipser.

Shema Eclipse

Mécanique d’une éclipse solaire © Sergey Sizkov

Le mot « éclipse » nous vient du grec « ekleipsis » signifiant « abandon » ou « défaillance ». Heureusement cette défaillance n’est que temporaire, et ce, pour un observateur donné. L’éclipse peut être totale ou annulaire en fonction du diamètre apparent des astres et de leurs trajectoires. Lorsque la Lune est à son apogée (au plus loin de la Terre), son diamètre apparent est inférieur à celui du Soleil, son disque ne pourra pas masquer entièrement ce dernier et l’éclipse sera annulaire. De plus, une éclipse sera partielle en fonction de la position de l’observateur sur Terre. Le disque lunaire parcourra la surface du Soleil sans jamais l’occulter entièrement. C’est une éclipse solaire partielle qui nous a gratifiés d’une visite surprise lors de notre week-end staff Grands Espaces à Beaune le 29 mars dernier. Si une éclipse totale surclasse en beauté et en émotion les éclipses annulaires et partielles, ces dernières n’en restent pas moins intéressantes. Rappelons que ces deux types d’éclipses ne sont observables qu’à travers des filtres spéciaux contrairement à la phase totale d’une « totale ». Je garde un souvenir surnaturel d’une éclipse annulaire, la seule que je n’ai jamais vue. Il semblait que le Soleil avait été traversé de part en part par un obus de canon géant.

Eclipse annulaire © Fabrice Capber, Espagne 2005

Eclipse partielle ©Fabrice Capber, France 2022

La mécanique des éclipses fait que l’on pourrait théoriquement admirer 2 éclipses solaires (et 2 éclipses lunaires, mais c’est un autre sujet) par an en deux endroits différents de la Terre. Pour ce faire, il faut que la ligne des nœuds (intersection des plans orbitaux terrestre et lunaire) soit dirigée vers le Soleil. Par exemple, nous gardons tous le souvenir de l’éclipse totale en France le 11 août 1999. Et bien, la même année une éclipse annulaire moins médiatisée car non visible en France avait eu lieu le 16 février. En restant au même endroit de la Terre, on pourrait voir une éclipse solaire totale tous les 370 ans. Mais ce n’est qu’une moyenne. Par exemple, il n’y a eu que 2 éclipses totales à Paris en 1 400 ans. Le secret pour voir une éclipse totale est donc la mobilité afin de se situer dans ce que l’on appelle le « cône d’ombre » de la Lune. Cette zone est balayée par l’ombre de la Lune à la vitesse de 1 800 km/h sur une largeur de 270 km en moyenne. Si l’horizon est dégagé, on peut voir arriver de loin cette ombre lunaire qui bientôt nous englobe entièrement. J’ai eu la chance de vivre cela lors d’une éclipse en Lybie. Aucun autre spectacle naturel n’est comparable à ces instants indescriptibles. Si l’on se situe hors du cône d’ombre, l’éclipse n’est que partielle. De plus, dans cette zone, il est préférable de se positionner sur une ligne dénommée « ligne de centralité » afin de profiter de la durée maximum du phénomène. Aux marges du cône d’ombre, la durée de la phase totale sera moindre. Le record absolu et théorique d’une phase totale est de 7 min 30 s. Dans ce cas, les conditions suivantes doivent être réunies : une distance Terre-Soleil la plus grande, une distance Terre-Lune la plus petite (Lune à son périgée), et un observateur au plus près de la Lune, c’est-à-dire que notre satellite doit se situer au zénith. La prochaine éclipse solaire d’une durée aussi exceptionnelle se produira le 16 juillet 2186 (7 min 29 s), donc seuls nos descendants pourront en profiter pleinement. Mais les astronomes amateurs pourront déjà s’en approcher grâce à l’éclipse totale du 2 août 2027 d’une durée de 6 min 23 s tout de même !

Eclipse solaire, phase totale © Fabrice Capber, Chili 2019

Lors d’une éclipse totale, l’astronome amateur attentif peut observer un certain nombre de phénomènes particuliers, voire étranges. Il y a par exemple les « ombres volantes » qui apparaissent environ 5 minutes avant la totalité. Il s’agit de vagues d’ombres se déplaçant rapidement au sol autour de l’observateur. Elles sont produites par l’arc solaire juste avant l’éclipse totale, arc qui est affectée par les turbulences de l’atmosphère. Cela correspond au scintillement des étoiles. Une éclipse totale nous permet donc de voir scintiller notre étoile qu’est le Soleil. Puis, il y a les « grains de Baily » décrits par Francis Baily en 1836. Ils correspondent aux reliefs lunaires laissant passer la lumière et apparaître un chapelet de points et tirets sur le limbe solaire. Ce phénomène se produit juste avant la totalité de l’éclipse. Au même moment apparaît le « diamant ». Il s’agit d’un spectaculaire éclat apparaissant soudainement, un phénomène visuel magnifique. Le Soleil est alors entouré d’un anneau lumineux, le tout rappelant une bague géante sertie d’un diamant éclatant, voire aveuglant, à couper le souffle. Lors de la totalité, on peut observer la chromosphère (basse atmosphère du Soleil) sous la forme d’un cercle rose-rouge vif autour de notre astre. Puis des « protubérances » se laissent admirer çà et là autour du Soleil et offrent un spectacle dantesque. Il s’agit de panaches ou boucles de matière solaire (plasma) émanant de la surface du Soleil et coïncidant avec les fameuses tâches solaires. Enfin, la « couronne solaire » entoure l’ensemble du phénomène sur une large bande sous la forme de fins rayons légèrement courbés par les champs magnétiques de l’astre semblables à des plumes dont l’éclat dépend du cycle solaire. Notons que le « diamant » se produit une seconde fois à la fin de la phase totale.

Diamant et protubérances © Fabrice Capber, Lybie 2006

Couronne ©Fabrice Capber, Chine 2009

Quant au ciel, il s’assombrit et des étoiles et planètes présentes sont visibles sur une vaste zone autour du Soleil noir. On se croirait alors en pleine nuit au-dessus de nos têtes alors que l’horizon à 360° offre les lumières d’un Soleil couchant. Outre le visuel, au cours d’une éclipse totale on peut ressentir la baisse de température rapide de plusieurs degrés et l’arrêt du chant des oiseaux. Certains mammifères sauvages et domestiques cherchent un endroit pour se reposer croyant certainement le crépuscule arrivé. J’ai pu être témoin d’un tel phénomène alors que je me trouvais dans un champ avec des vaches dans les Ardennes lors de l’éclipse de 1999. Mais les humains ne sont pas en reste. En 2019, au Chili, nous observions l’éclipse totale avec un groupe de la Société Astronomique de France sur les coteaux d’une vallée aride, et au moment de la totalité, une clameur a parcouru toute la vallée envahie par des milliers d’observateurs. Ce fut un moment d’une émotion unique.

Des éclipses dites « mémorables » ont été observées et décrites au cours de l’Histoire de l’humanité. Les Chinois tout d’abord pensaient qu’un dragon invisible dévorait le Soleil. On pensait la même chose en Inde. Les gens faisaient alors du bruit pour chasser ce dragon avant qu’il n’avale définitivement notre vitale étoile. Les Mayas quant à eux croyaient qu’il s’agissait d’un jaguar géant qui s’en prenait à notre astre du jour. Les Incas connaissaient le phénomène sans trop le craindre, contrairement au scénario de la bande dessinée bien connue de tous les tintinophiles, Le Temple du Soleil, dans laquelle l’effroi d’une éclipse totale sauva le jeune reporter du bûcher. En Amérique du Nord, les Indiens tiraient des flèches enflammées pour rallumer le Soleil si soudainement éteint. Certains peuples moins craintifs (Peuples de l’Arctique, Aborigènes, Tahitiens) pensaient poétiquement que Soleil et Lune éteignaient la lumière lorsqu’ils s’étreignaient, tels des amants célestes. J’ai également pu observer un autre comportement très étrange lors d’une éclipse totale à Madagascar. Les Malgaches autour de nous avaient terriblement peur de perdre la vue. Ils se cachaient sous des couvertures et certaines personnes se sont même intégralement enterrées sous le sable de la plage que nous occupions. Inutile de préciser qu’elles ont raté ce beau spectacle. Plus loin de nous, Thalès (625-547 avant J.-C.) recherchait des explications rationnelles et non plus mythiques aux éclipses totales. Il serait le premier à avoir prédit une éclipse, le 28 mai -585, même si cela est remis en question par les historiens actuellement. Le 24 novembre 29 en Palestine, une éclipse totale eut lieu, était-elle l’éclipse de la crucifixion ? Elle fut de surcroît accompagnée d’un tremblement de Terre. Une éclipse totale aurait salué la naissance de Mahomet en 570. Le roi Henri I d’Angleterre mourut peu de temps après l’éclipse totale du 2 août 1133, tel un mauvais présage ? Le 29 février 1504, Christophe Colomb utilisa une éclipse totale pour affirmer son pouvoir sur les Indiens de la Jamaïque. Le 22 mai 1724, Louis XV alors âgé de 14 ans eut la chance d’admirer une éclipse totale à Paris. Le 29 mai 1919 l’éclipse totale qui parcourut la planète du Brésil à l’Afrique permit la confirmation de la théorie de la relativité d’Albert Einstein par la déviation des rayons par un champ magnétique. La gravitation de Newton était dépassée, il existe bien une courbure de l’espace-temps. Rappelons bien entendu l’éclipse totale qui a traversé le nord de la France 11 août 1999 et qui aura beaucoup marqué nos esprits. Ce fut ma première émotion de la sorte, un souvenir saisissant.

Eclipse totale © Fabrice Capber, Chili 2019

Deux éclipses solaires auront lieu en 2026, l’une sera annulaire le 17 février et l’autre totale le 12 août. Nous nous trouverons dans la même situation qu’en 1999 avec deux éclipses du même type aux mêmes moments de l’année mais en des points différents de la Terre. La « totale » sera observable en Arctique depuis la Péninsule du Taïmyr en Russie, en passant par l’Est du Groenland, puis l’Ouest de l’Islande pour enfin traverser l’Espagne d’Ouest en Est, d’Ovideo aux Baléares. Grands Espace sera de la partie bien sûr, et ce, à l’endroit le plus favorable de la planète pour l’observer, c’est-à-dire à l’endroit où sa durée sera maximale le long de sa bande de centralité : en effet, c’est durant 2 min et 18 s que la Lune passera totalement devant le Soleil vers 16h36 dans le plus grand fjord du monde, le Scoresby Sund, sur la côte Est du Groenland. Vous l’aurez compris, observer une éclipse totale est déjà en soi une expérience unique dans une vie, mais observer un tel spectacle dans un environnement aussi grandiose que l’Est du Groenland et ce fjord fantastique constituera à n’en pas douter un souvenir indescriptible, ce sera Notre éclipse « mémorable » !

Trajet de l’éclipse totale du 12 août 2026 dans le monde et dans à l’Est du Groenland

Attention, l’observation d’éclipses est dangereuse. Au début du XVIème siècle, des éclipses sont décrites dans l’œuvre de Petrus Apianus L’Astronomie des Césars (Astronomicum Caesareum), dédiée à Charles Quint. Ce chef d’œuvre de l’astronomie permettait de calculer le mouvement des disques et mentionnait pour la première fois l’utilisation de verres fumés pour protéger les observateurs. Une éclipse totale se déroule en plusieurs phases pendant 2 heures en moyenne, seule la phase de totalités (quelques minutes seulement) est visible sans protection. Avant la totalité, les phases sont partielles et impossibles à observer à l’œil nu. Le Soleil est certes déjà partiellement masqué par la Lune, mais l’éblouissement demeure intense et il ne faut jamais regarder le Soleil fixement plus de quelques secondes. Afin d’observer l’ensemble du phénomène en toute sécurité sans risquer des lésions irréversibles de la rétine, il faut absolument utiliser des filtres spéciaux : verres de soudeurs indice 12-14, lunettes spéciales éclipse (neuves !), filtres astronomiques en mylar ou en verre spécialement traité. La technique la plus sûre permettant d’observer les phases partielles est le sténopé : de simple trous homogènes percés sur un support rigide peuvent projeter l’image du Soleil sur n’importe quelle surface. Il y aura autant d’images du croissant de Soleil que de trous.

Sténopé © Fabrice Capber, Chili 2019

Fabrice Capber, guide Grands Espaces et passioné d’Eclipses.

 

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