Rémi Suchowierch
Guide naturaliste
22 septembre
29 septembre 2025
Rémi Suchowierch
Guide naturaliste
Certaines photos photos d’illustrations ont été prises lors de précédentes croisières au Groenland. Le manque de connexion internet nous empêche de recevoir les photos en temps réel.
L’aventure commence véritablement pour ce séjour d’exception. À l’aéroport domestique de Reykjavik, nous retrouvons Rémi, notre chef d’expédition. Figure familière pour certains, nouvelle rencontre pour d’autres, il incarne notre repère pour les jours à venir. Le ton est donné : sourires, enthousiasme et impatience se mêlent à l’excitation du départ. Nous embarquons à bord d’un petit avion à hélices, que nous rejoignons à pied sur le tarmac, renforçant déjà cette impression d’expédition hors norme. Deux heures plus tard, changement radical de décor : l’avion se pose sur une piste de terre battue, au cœur d’un paysage brut et désertique. Bienvenue au Groenland, à l’aéroport reculé de Constable Point. Hervé, notre second guide, nous attend, fusil en bandoulière — une précaution indispensable dans cette région où l’ours polaire est chez lui. À peine arrivés, l’immersion est totale. Un renard polaire, vêtu de son pelage hivernal, traverse le paysage à quelques dizaines de mètres seulement, comme pour nous souhaiter la bienvenue. Nous embarquons à bord du Nanook, notre base flottante pour les jours à venir. Il est temps de découvrir nos quartiers, de partager un premier déjeuner à bord, avant de plonger dans les opérations de l’après-midi. L’aventure est lancée.

L’après-midi, nous partons à la découverte d’Ittoqqortoormiit, village le plus isolé de la côte est du Groenland, niché à l’entrée du Scoresby Sund. Avec ses quelque 350 habitants, il incarne un mode de vie arctique profondément enraciné dans les traditions inuites. Le soleil, éclatant dans un ciel limpide, baigne les maisons colorées de lumière dorée, rendant l’atmosphère presque irréelle. Guidés par Rémi et Hervé, nous arpentons les ruelles tranquilles du village, faisant halte devant des statues commémoratives rendant hommage aux grands explorateurs de l’Arctique, tels que Jean Baptiste Charcot ou Ejnar Mikkelsen, figures majeures de l’histoire groenlandaise. Au fil de nos pas, les rencontres avec les habitants apportent une touche d’authenticité rare, faite de sourires discrets et de partages simples.

Nous avons également le bonheur d’observer plusieurs lièvres arctiques se gavant d’herbe grasse en prévision du rude hiver quemi les attend. Après ces instants suspendus dans l’un des derniers avant-postes de l’humanité face à la nature brute, nous regagnons le Nanook. L’ambiance à bord est paisible ; chacun profite de cette première soirée, bercé par les couleurs flamboyantes de l’automne polaire et le silence saisissant des terres du Nord.
Au réveil, le Nanook est au mouillage après une nuit de navigation. Le ciel est uniformément gris, la lumière douce, presque ouatée. L’air est frais mais étonnamment clément pour la saison.
Après le petit déjeuner, nous embarquons en zodiac pour nous perdre dans le labyrinthe minéral des BjørneØer, les îles aux Ours. Autour de nous, des blocs rocheux se dressent comme des bastions oubliés, tandis qu’à l’horizon défile une procession d’icebergs. À bâbord, on devine déjà leur masse imposante : une véritable autoroute de glace qui s’égrène vers le large.
Nous progressons lentement entre les îles. Tout autour, des montagnes acérées cernent le fjord. Leurs crêtes, poudrées de neige fraîche, annoncent déjà les premiers frissons de l’hiver. Puis les icebergs se rapprochent. Nous dérivons parmi eux, minuscules face à ces cathédrales mouvantes. Chaque bloc est une sculpture : des formes effilées, là une cavité turquoise. Nous nous attardons sur les détails, fascinés par les veines bleutées, les stries profondes, les bulles d’air millénaires qui s’échappent en silence, comme si la glace respirait encore. Les appareils photo crépitent, mais chacun garde un respect instinctif pour la magie du lieu.

Alors que nous mettons cap vers le navire, le hasard nous offre un cadeau : sur une plaque de glace à la dérive, un phoque barbu somnole, imperturbable. Ses longues moustaches retombent en éventail et son regard placide suit notre approche. Nous restons de longues minutes à l’observer, suspendus dans le temps, avant qu’il ne replonge dans son indolence polaire.
Nous reprenons la route du Nanook. Autour de nous, d’autres icebergs colossaux dérivent lentement, silhouettes mouvantes dans un ciel gris. La matinée s’achève, et déjà chacun garde en mémoire l’impression d’avoir navigué dans un monde irréel, fait de silence, de glace et de lumière.
L’après-midi, nous débarquons à terre pour nous dégourdir les jambes sur ces îles sauvages. Sous nos pas, la toundra alterne avec des roches brutes, témoins d’un univers minéral indompté. Le décor est toujours aussi saisissant : montagnes enneigées, pics et crêtes acérés dépassant les 1500 mètres, fjords aux profondeurs vertigineuses de plusieurs centaines de mètres. Notre marche s’interrompt soudain, happée par un moment suspendu : deux plongeons huards entonnent leur chant mélodieux. Dans cette immensité silencieuse, leurs appels résonnent comme une musique pure du Grand Nord, un contraste saisissant avec le calme absolu qui nous enveloppe.
Après cette parenthèse, nous regagnons les zodiacs. La fin de journée se déroule dans une ambiance plus chaleureuse : sauna pour certains, puis cocktail de bienvenue avec le capitaine. L’équipage est présenté, sous une belle ovation : notre chef mécanicien et notre chef cuisinier, ainsi que toute l’équipe, reçoivent un hommage bien mérité.
Après le dîner, Rémi nous entraîne dans une superbe présentation consacrée aux oiseaux de l’Arctique. Fulmars, sternes et labbes défilent dans les récits, prolongeant l’émerveillement du jour. La soirée est avancée quand chacun regagne sa cabine. La fatigue se fait sentir, mais elle se teinte d’un sentiment profond : celui d’avoir vécu une journée polaire inoubliable, riche en glace, en rencontres et en émotions.
Ce matin, le soleil illumine le Rypefjord, cadre spectaculaire de notre journée d’exploration. Nous entamons nos activités par une croisière en zodiac à proximité du glacier d’Eielson. Rapidement, nous approchons un premier iceberg remarquable : une arche de glace imposante se détache fièrement au-dessus des autres fragments, flottant dans une mer d’un bleu azur éclatant. Puis, à distance sécuritaire, nous nous approchons du glacier lui-même, immense masse glacée, notre première rencontre avec un front glaciaire dans le Scoresby Sund.

Alimenté directement par la calotte glaciaire du Groenland située à une cinquantaine de kilomètres, ce glacier dévoile un front large de 5 kilomètres et haut d’environ 40 mètres. Autour de nos embarcations, des phoques annelés surgissent furtivement, curieux mais discrets, observant notre présence avant de disparaître dans les eaux froides. Sur les pentes de toundra, encore teintées de rouge par l’automne, nous avons la chance d’apercevoir nos premiers bœufs musqués. Ces chèvres préhistoriques, créatures majestueuses se déplacent paisiblement sur les versants ensoleillés du fjord, complétant magnifiquement ce tableau arctique.

L’après-midi, une marche inoubliable sur la toundra de Terrassepynten nous attend. Le paysage est flamboyant : la végétation rase, composée de bouleaux nains et de saules polaires, s’est parée de teintes rougeoyantes annonçant l’automne. Autour de nous, les montagnes aux pentes tout aussi rouges sont délicatement saupoudrées de neige, créant un contraste saisissant entre feu et glace. Très vite, notre regard est attiré par la silhouette massive d’un bœuf musqué, solitaire, à quelques centaines de mètres. Grâce à une approche discrète, nous parvenons à nous rapprocher un peu plus, le cœur battant, les objectifs en alerte : nos cartes mémoire se remplissent de clichés uniques. Nous gagnons ensuite une crête rocheuse, usée et polie par les anciens glaciers. Là, un second bœuf musqué se repose, paisible. Mais la surprise est encore au rendez-vous : juste en contrebas, une femelle et son petit surgissent, aussi étonnés que nous. Ils galopent sur quelques mètres avant de s’immobiliser et de nous observer, figés dans un rare instant de cohabitation silencieuse entre l’homme et l’animal. Non loin, un lièvre arctique nous surveille du haut d’un promontoire, éclatant de blancheur dans ce décor de feu.

Sur le chemin du retour en zodiac, la magie opère encore : d’immenses icebergs dérivent sous une lumière de fin de journée aux teintes dorées et rosées. Une dernière surprise nous attend après la fin du dîner, les aurores boréales dansent dans le ciel arctique, accompagnées de leur myriade d’étoiles, tout le monde est sur le pont pour admirer ce spectacle. Une journée exceptionnelle, gravée à jamais dans les mémoires, au cœur sauvage et grandiose de l’Arctique.
Ce matin, le Harefjord s’offre à nous sous son plus beau visage : ciel bleu, pas un souffle de vent, et une mer lisse comme un miroir, parsemée de nouvelles glaces qui craquent doucement sous la coque. Le silence est total. Nous débarquons pour une marche jusqu’à la moraine : de là-haut, la vue embrasse toute la vallée et le glacier qui descend majestueusement sur notre droite. Nous savourons ce moment suspendu face à la grandeur glacée, seuls au cœur de ces paysages immenses, avant rentrer nous faisons une balade le long du front de glace. Retour au Nanook sous un soleil radieux.
L’après-midi, changement de décor : nous embarquons en zodiac à la sortie du fjord, là où défilent des centaines d’icebergs colossaux aux formes extravagantes. Le ciel reste limpide, mais au loin des bandes de brouillard se dessinent. En quelques minutes à peine, nous passons d’un soleil éclatant à une visibilité réduite, engloutis dans une brume épaisse. Au milieu de ce théâtre glacé, un arc en brume se forme, délicat et irréel. Puis, soudain, le soleil revient et illumine de nouveau ce jardin de glace exceptionnel, en arrière plan des montagnes rouge ocre et la toundra.

L’un des temps forts reste la découverte d’une arche gigantesque, à la hauteur et aux couleurs incroyables. La lumière du soleil, combinée à la brume, crée une fine irisation à son sommet : un tableau magique qui ravit les photographes. Sur le retour, Rémi choisit l’option de longer la côte à la recherche de bœufs musqués, tandis qu’Hervé poursuit la balade au cœur du champ d’icebergs, un régal pour les yeux.
À trois kilomètres du navire, le brouillard retombe brutalement. La Nanook nous attend, immobile au mouillage. Grâce aux positions prises avant notre départ, nous retrouvons le navire sans encombres, dans une ambiance mystique et surréaliste, comme si le fjord avait voulu refermer son rideau sur cette journée hors du temps.
La soirée se poursuit à bord avec un moment d’échange après le dîner: Rémi nous présente la formation de la banquise, ses étapes discrètes mais fascinantes, de la glace frasil aux plaques solides qui referment peu à peu les fjords. Et comme si le spectacle de la journée n’avait pas suffi, la nuit tombe sur une ultime surprise : de splendides aurores boréales embrasent le ciel. Des voiles verts dansent au-dessus des icebergs, se déplaçant en ondulations fluides. Tout le monde reste dehors, transis mais émerveillé….

Ce matin, le Nanook a jeté l’ancre dans le Rødefjord, le fjord rouge, véritable joyau du ScoresbySund. Les flancs abrupts qui bordent le fjord évoquent les paysages d’un western, sculptés par le temps et dominés par des formations de grès rouge datant du Carbonifère, vieux de 300 millions d’années. Le contraste entre ces parois ocres et les eaux limpides et glacées du fjord est saisissant. Nous débarquons sur une toundra figée par l’hiver, recouverte d’un léger givre qui scintille sous la lumière rasante. Les rivières sont gelées, le silence profond. En progressant doucement à travers ce paysage gelé, nous apercevons plusieurs troupeaux de bœufs musqués, silhouettes massives et tranquilles, gardant leurs distances.

Le sol est parsemé de blocs erratiques, vestiges des glaciations passées, dont certains sont fendus par l’action du gel. La montée nous mène à un point de vue spectaculaire sur le fjord, dominé par une multitude d’icebergs aux formes colossales. Un large delta s’épanouit à la sortie d’un canyon vertigineux, dessinant une scène irréelle, presque hors du temps. Après plusieurs heures d’exploration sur les pentes escarpées, nous regagnons le Nanook, le cœur encore rempli de ces images grandioses, juste à temps pour le déjeuner.
Cet après-midi, les zodiacs sont mis à l’eau dans le Snesund, un étroit détroit sinueux contournant l’île de StorØ pour rejoindre l’Øfjord. Des icebergs aux reflets d’un bleu éclatant flottent paisiblement entre les falaises, composant un paysage d’une beauté saisissante. Au fil de notre navigation, plusieurs bœufs musqués apparaissent à flanc de falaise, dont un particulièrement proche, à quelques mètres seulement, nous offrant un moment rare et privilégié. Pendant ce temps, le Nanook progresse lentement à travers le détroit pour venir nous récupérer plus loin, à plusieurs milles nautiques de là. Les falaises monumentales de StorØ se dressent autour de nous, sculptées par le temps et l’eau, leurs canyons vertigineux contrastant avec les langues glaciaires de la rive opposée. Le plafond nuageux descend soudain, enveloppant le paysage d’une ambiance mystique et d’un silence feutré, presque irréel. Une fine neige commence à tomber, ajoutant à l’atmosphère mystique du lieu. Nous atteignons finalement un glacier alpin spectaculaire, chaotique et massif, dont les glaces épaisses plongent directement dans les eaux sombres du Snesund. Au loin, le Nanook réapparaît sous les flocons désormais denses, comme sorti d’un conte polaire. L’ambiance hivernale, renforcée par la neige tombante, donne à cette exploration une dimension profondément immersive, fidèle à l’esprit des croisières-expéditions de Grands Espaces. De retour à bord, un chocolat chaud et un passage au sauna viennent parfaire cette journée arctique hors du commun.
Au réveil, surprise totale : après une navigation nocturne rythmée par notre première tempête de neige de la saison, c’est un grand ciel bleu qui nous attend au mouillage de Sydkap. Les montagnes alentour sont saupoudrées de blanc, offrant un décor saisissant, presque irréel.
Nous embarquons en zodiac pour explorer un véritable dédale d’icebergs. Des centaines de géants de glace se dressent autour de nous, aux formes toujours plus extravagantes. Certains abritent d’immenses cavernes, hautes de plusieurs dizaines de mètres, d’autres dessinent des silhouettes étranges, comme des visages sculptés par le vent et l’eau. La lumière rasante du soleil illumine les arêtes et fait ressortir des veines bleutées aux nuances infinies, du turquoise au bleu profond, jusqu’à des reflets verts translucides. Le spectacle est majestueux, et l’émerveillement se lit sur tous les visages.
Alors que nous entamons le chemin du retour, la faune s’invite à notre matinée : sur une petite île, un renard arctique en tenue hivernale, immaculé, se laisse observer. Quelques minutes plus tard, c’est un lièvre arctique tout aussi blanc qui se montre à son tour. Des apparitions furtives, mais qui marquent encore plus cette matinée déjà surréaliste.

L’après-midi, nous débarquons à Sydkap. À peine arrivés, un lièvre arctique nous accueille, trottinant nonchalamment dans la toundra. Puis nous découvrons les cabanes de chasseurs locaux : l’une, en bois, aujourd’hui abandonnée, raconte la dureté de la vie des chasseurs venus passer ici de longs hivers ; l’autre, bâtie en dur, servait d’abri plus solide pour les expéditions et reste un témoin tangible de cette époque. Ces vestiges contrastent avec l’immensité minérale du lieu, dominée par les roches métamorphiques anciennes (gneiss, micaschistes et amphibolites), polies par des millénaires de glaciation.
Nous poursuivons par une marche jusqu’au sommet d’un petit mont. Là-haut, un point de vue d’une rare beauté s’ouvre devant nous : à perte de vue, des centaines d’icebergs forment une mer de glace figée, semblable à des cathédrales flottantes. Après un long silence admiratif, Rémi nous lit un racontar arctique de Jon Riel, écrivain danois qui a vécu seize ans au Groenland. Ses récits, mélange d’absurde, d’humour et de tendresse, résonnent parfaitement dans ce décor.
Avant de regagner les zodiacs, ultime clin d’œil de la nature : un lemming surgit à nos pieds, espiègle et pressé, avant de disparaître dans la végétation. Une dernière apparition qui ponctue à merveille cette journée déjà exceptionnelle.
La soirée se poursuivra par une présentation de notre guide Hervé sur le bœuf musqué., après le dîner notre soirée est placé sous le signe de la convivialité et de l’ amusement avec une grande partie de “Skyjo”.
« À Sydkap, chaque iceberg est un poème, chaque silence une histoire, et chaque rencontre un cadeau du Grand Nord. »
Au réveil, le soleil rayonne au-dessus du Nanook, baignant le fjord d’une lumière dorée. Après le petit déjeuner, les zodiacs sont mis à l’eau pour une excursion dans la baie des Vikings. Dès les premières minutes, le paysage capte notre attention : les orgues basaltiques se dressent fièrement sur les côtes, témoins impressionnants de l’activité volcanique intense qui a modelé cette région il y a environ 60 millions d’années, au début du Paléocène. Ces colonnes de basalte, nées du lent refroidissement de la lave, bordent les falaises de cette partie du Scoresby Sund. Tandis que nous glissons sur l’eau, nous assistons également à la formation progressive de la banquise : une fine couche de glace en disques flottants, la fameuse pancake ice, typique de ces fjords polaires où la houle reste présente malgré le froid. Notre progression se fait dans ce labyrinthe gelé, quand soudain Rémi lance l’alerte : un ours polaire est repéré, marchant majestueusement sur une plaque de glace avant de disparaître dans les eaux sombres. Le cœur battant, les sens en éveil, nous scrutons longuement les environs, espérant un second aperçu. Mais le seigneur de l’Arctique restera caché. Même fugace, cette rencontre ravive en nous l’émotion profonde d’évoluer dans un territoire encore dominé par la nature sauvage, où chaque instant semble habité par une présence silencieuse, puissante et insaisissable.
En après-midi, nous restons à bord du Nanook pour une croisière scénique exceptionnelle, cap sur le majestueux glacier de Vikingebugt. Alors que nous longeons la rive ouest, l’ambiance est soudain électrisée par l’alerte lancée par Hervé : un ours polaire vient d’être repéré, haut perché sur une falaise de basalte. Étendu de tout son long, le seigneur de l’Arctique semble paisible, presque indifférent à notre présence lointaine. Grâce aux jumelles, chacun peut admirer la silhouette massive du plantigrade, qui se contente de lever la tête, comme pour marquer sa souveraineté silencieuse sur ce territoire brut. L’émotion est palpable. Nous poursuivons ensuite notre navigation dans cette baie spectaculaire, où la banquise, déjà bien formée, se mêle aux icebergs du glacier, le tout baigné par une lumière arctique saisissante sous un soleil éclatant. En fin d’après-midi, Rémi nous captive avec une passionnante conférence consacrée à l’ours polaire, ce héros discret de la journée. La soirée s’achève dans la douceur d’un dîner joyeux, au rythme apaisant d’une journée arctique gravée dans nos mémoires.
Ce matin, nous nous éveillons pour notre dernier jour dans le Scoresby Sund, le cœur encore rempli des merveilles accumulées ces derniers jours : faune, icebergs, paysages grandioses… Le Nanook est à l’ancre dans le fjord de Vikingbugt. Les couleurs du matin sont douces, le ciel dégagé illumine les reliefs enneigés et sublime les icebergs immobiles autour de nous. Nous prenons le petit-déjeuner pendant une courte navigation vers Terrasvig, un petit bras de fjord encaissé et mystérieux.
Zodiacs à l’eau, nous glissons vers l’intérieur pour découvrir un front de glace spectaculaire, encadré de deux cascades jaillissant de part et d’autre du fjord. Les orgues basaltiques qui dominent la partie sud du Scoresby Sund ajoutent une touche minérale à la magie du lieu. Nous approchons lentement du front glaciaire : à gauche, l’eau est dégagée ; à droite, le brash et plusieurs icebergs de taille moyenne flottent, leurs textures et leurs couleurs jouant avec la lumière. Du bleu le plus profond au vert transparent, la glace dense et polie scintille comme du cristal. De petits vêlages rythment notre passage, cadeaux discrets de la nature.
Sur l’eau, des eiders femelles glissent entourées de leurs petits. Plus loin, ce sont des hareldes boréales mâles qui viennent animer la scène. Le contraste est saisissant lorsque nous passons devant des plages de sable jonchées de blocs de glace. À la sortie du fjord, les vagues roulent doucement contre les colonnes basaltiques, produisant une mélodie minérale. Nous coupons les moteurs et savourons ce moment suspendu.
De retour à bord du Nanook, nous déjeunons en longeant la côte, les yeux rivés sur les montagnes fraîchement poudrées de neige. Mais la journée n’est pas finie : nous jetons l’ancre dans Borgvig Fjord et repartons pour une dernière sortie en zodiac. Le site est grandiose : cascades, orgues basaltiques, falaises abruptes… L’œil ne sait plus où se poser. Soudain, un craquement retentit : nous nous retournons juste à temps pour voir un premier vêlage se produire, à quelques centaines de mètres. Quelques instants plus tard, un second pan du glacier s’effondre avec fracas. Le spectacle est à la hauteur de nos espérances, puissant et fascinant.
Dans cet amphithéâtre glacé, nous prenons un peu de distance pour célébrer ensemble ce dernier instant. Rémi sort deux bouteilles et des flûtes de son sac : c’est l’heure du zodiac bar ! Les bulles pétillantes accompagnent les sourires, les rires et les regards complices. Tout le monde trinque dans une ambiance chaleureuse et légère.
Mais la nature n’a pas dit son dernier mot. Hervé, toujours attentif, aperçoit au loin un iceberg massif d’un bleu éclatant, en train de se morceler et de se retourner. Dernier clin d’œil de cette nature majestueuse qui nous aura comblés jusqu’à la fin.
En fin d’après midi, nous levons l’ancre. Cap sur l’Islande par le détroit du Danemark, où des conditions musclées nous attendent. Le Scoresby Sund disparaît derrière nous, mais ses images resteront gravées longtemps dans nos mémoires.
Aujourd’hui, notre aventure arctique prend un nouveau tournant en devenant une véritable épopée marine. La mer, formée et agitée, impose prudence et vigilance à bord alors que nous nous approchons lentement des côtes islandaises, en direction d’Isafjordur. Les déplacements deviennent plus délicats, chacun trouvant sa façon de vivre cette journée mouvementée : certains se réfugient à la passerelle, hypnotisés par le spectacle puissant de la houle, tandis que d’autres préfèrent le calme de leur cabine pour se reposer.
Au fil des heures, la mer se calme progressivement et l’ambiance se détend. On se retrouve autour d’une partie de cartes, les discussions vont bon train, les souvenirs affluent déjà. Un film captivant, retraçant une aventure en Antarctique de Laurent Ballesta et Vincent Munier, nous plonge dans une autre immensité glacée. En soirée, Hervé nous fait revivre les moments forts de notre périple grâce à un magnifique diaporama, rendant hommage aux paysages traversés et à l’émotion partagée. Lorsque nous accostons enfin, le dîner se déroule à quai, dans une ambiance chaleureuse teintée d’une douce nostalgie. C’est notre dernière nuit à bord du Nanook, avant que chacun ne reprenne sa route depuis Reykjavik. Mais une chose est certaine : les images, les rencontres et les instants vécus dans cet écrin sauvage de l’Arctique resteront à jamais gravés dans nos mémoires.
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