Rayann Elzein
Guide polaire
29 octobre
9 novembre 2025
Rayann Elzein
Guide polaire
Élodie Marcheteau
Géologie
Frédéric Bouvet
Croisières Polaires au Spitzberg
Sophie Tuchscherer
Guide
Rémi Suchowierch
Guide naturaliste
Dr Laurent Balp
Médecin d'expédition
Sarah Galtier
Conseillère croisières
Arrivés de Paris, Genève, nous rencontrons notre équipe d’expédition à Paris. Après un vol de quelques 13 heures et demi. La nuit à Buenos Aires a été courte pour l’ensemble de nos futurs aventuriers polaires, à peine le temps de dormir quelques heures après un dîner argentin typique composé d’une délicieuse pièce de bœuf et de son dessert au dulce di leche avant de reprendre la route vers l’aéroport domestique.
L’hôtel était agréablement situé, ressourçant au bord d’un lac entouré d’eucalyptus et habité des vanneaux du Chili, de caracaras du Chimango et de grands kiskadees et de conures veuves mais l’excitation du voyage nous empêchait vraiment de nous reposer…
Au petit matin, nous prenons la direction de l’aéroport pour le grand saut vers le Sud du pays, le bout du Monde : Ushuaia.
Depuis l’avion, le paysage changeait vite : les plaines infinies laissaient place à des montagnes, puis à la mer. À l’arrivée, le soleil brillait de tous ses rayons et le vent froid nous rappelait qu’on était bel et bien au bout du monde. Notre atterrissage était grandiose, spectaculaire avec la Cordillère des Andes de part et d’autres qui nous laissa sans voix avec des couleurs mystiques pour débuter notre croisière d’expédition.
Ushuaia nous a tout de suite charmés : entre les sommets enneigés et le canal Beagle, la ville semblait minuscule mais pleine d’énergie, comme en ébullition et en effervescence.
Nos passagers ont profité du beau temps pour se promener un peu et goûter quelques spécialités locales : des empanadas croustillantes, des bières locales parfumées…
Avant de rejoindre le port d’Ushuaia pour découvrir notre nouvelle maison : le bateau Ocean Nova. Posé sur l’eau, prêt à partir, il nous a semblé à la fois impressionnant et accueillant suivi d’un exercice de sécurité et la présentation de chaque membre de l’équipe d’expédition.
Sous un ciel d’un bleu limpide, avec les montagnes en toile de fond, nous prenons la mer accompagnés de petrels géants, fulmars, annonciateurs d’observations ornithologiques à venir.
Dans la nuit vers 2 heures, l’Ocean Nova a quitté le Canal Beagle pour émerger dans le passage de Drake, cette étendue d’océan d’environ 1000 km, qui sépare la pointe sud des Amériques de l’extrémité nord de la péninsule Antarctique ; c’est la distance la plus courte entre cette grande terre englacée blanche et un autre continent mais notre navire va quand même mettre deux jours pour le faire franchir. Ce passage du Drake jouit d’une terrible réputation, nous sommes dans les “50e hurlants” mais pas aujourd’hui, le vent modéré nous vient de l’arrière et une houle longue commence à doucement bercer les passagers endormis.
Lorsque le jour commence à poindre, nous sommes déjà bien au large et les côtes de la Terre de Feu ne sont plus visibles. Mais les observateurs d’oiseaux les plus passionnés sont eux, déjà sur le pont à 5h pour s’émerveiller devant le ballet des grands albatros qui tournent autour du bateau. Pour plusieurs d’entre eux, c’est leur première observation de ces oiseaux mythiques dont l’envergure peut dépasser 3,50m , plus grande envergure de tous les oiseaux du monde. Il y a là, des Albatros à sourcils noirs, des albatros royaux et le plus grand de tous : l’Albatros hurleur. Il y a là aussi une multitude d’autres oiseaux plus petits : les Damiers du Cap, les Pétrels bleus, plus discrets et plus rapide et enfin les tout petits Océanites de Wilson, touts noirs avec le croupion blanc, qui semblent marcher sur l’eau. Il ne faut pas oublier bien sûr les Pétrels géants, très nombreux mais qui eux, nous accompagnent depuis le port d’Ushuaïa. Tous ces oiseaux appartiennent à la même grande famille des Procellariiformes, les oiseaux marins par excellence. Les 145 espèces de cette famille sont toutes pélagiques, c’est-à-dire qu’elles passent leur vie entière en haute mer souvent à des milliers de kilomètres des côtes. Elles ne reviennent à terre que pour nicher, la plupart du temps sur des îles océaniques et elles ont de nombreuses adaptations particulières pour cette vie au milieu des océans.

Après le petit déjeuner, nous nous rassemblons tous, passagers et guides, au salon panoramique pour une réunion non seulement très importante mais obligatoire : c’est le briefing IAATO (Association Internationale des Opérateurs de Tourisme en Arctique). Rayann, notre chef d’expédition, nous expose en détail toutes les mesures auxquelles nous allons devoir nous soumettre afin de préserver l’environnement du grand continent blanc, qui reste le moins touché par l’homme. En plus cette année, nous avons une observatrice de l’IAATO à bord pour nous accompagner dans le respect des protocoles.
Après ce passage obligatoire, nous sommes très nombreux à nous rendre sur le pont numéro quatre pour se régaler du spectacle de tous ces oiseaux qui planent si gracieusement autour de l’Ocean Nova avec une maîtrise des vents éblouissante. À chaque instant il y a plus d’une dizaine d’espèces, tous de la même famille, sous nos yeux et les guides sont là pour aider chacun à mettre un nom du plus petit, à peine plus grand qu’une hirondelle qui marcherait sur l’eau, au plus grand, le géant de la gent ailée, qui plane des heures durant sans un coup d’aile, sans effort apparent. Les conditions sont tellement agréables, le vent et l’Ocean Nova suivent la même direction ce qui n’entraîne qu’une légère brise sur les ponts extérieurs, que presque tout le monde admire cette ronde merveilleuse jusqu’au déjeuner.

Après une pause bien méritée après deux jours d’un si long voyage depuis Paris, les activités reprennent à 15h avec une conférence sur les différentes familles d’oiseaux marins avec une évocation des adaptations qui leur permettent ce mode de vie en mer si particulier et si étranger au nôtre. À 17h une deuxième conférence retrace pour nous la grande histoire de la dérive des continents, avec un focus particulier sur ce continent Antarctique vers lequel nous nous dirigeons.
À 18h30 le chef d’expédition nous présente le programme et la météo de demain et à 19h, c’est l’apéritif de bienvenue avec le Commandant Alcibiades Barrios qui va présider notre petit univers, notre refuge chaleureux au milieu des glaces, pendant ces prochains dix jours, et qui veille à ce que notre provision de souvenirs inoubliables se remplisse le plus et le mieux possible.
Voilà comment se termine une journée au milieu du Drake, une journée au cours de laquelle Éole aura été très bienveillant.
Nouveau réveil en pleine mer tandis que nous poursuivons notre traversée du passage de Drake. Pour l’heure, il nous traite avec une certaine clémence, loin de la fureur dont il est capable envers les voyageurs qui osent s’y aventurer. Cette accalmie nous promet une belle journée d’activités à bord.
Lors du petit-déjeuner, Sarah, notre directrice de croisière, nous régale avec un poème de Jean Michel Maulpoix, « Le bleu ne fait pas de bruit… ». Ces vers résonnent parfaitement avec le spectacle qui s’offre à nous par les fenêtres : une vaste étendue bleue, d’un mouvement lent et impassible, qui se fond dans la brume à l’horizon.
À 10 heures, Elodie nous présente les îles qui marqueront notre première rencontre avec le continent blanc : les Shetland du Sud. Elle nous révèle que ce chapelet d’îles, onze grandes et une myriade d’îlots, doit son nom aux chasseurs de phoques britanniques qui, au début du XIXe siècle, les ont baptisées en hommage à leurs lointaines cousines écossaises. Nous apprenons que leur origine est volcanique, nées de la rencontre de plaques tectoniques, ce qui a sculpté un paysage spectaculaire de pics déchiquetés couronnés de glaciers et de baies profondes, un chaos de roches noires constamment remodelé par la glace. Même en plein été austral, elles demeurent envoûtantes, prisonnières à 80 % sous un manteau de neige et de glace.
Après cette passionnante conférence, nous sommes convoqués par petits groupes pour une session cruciale de bio-sécurité. L’Antarctique est un sanctuaire fragile qu’il faut protéger de toute contamination biologique involontaire. Avec un soin méticuleux, nos guides nettoient et désinfectent nos bottes, et passent nos vêtements et sacs à l’aspirateur pour s’assurer qu’aucune graine clandestine ne se cache au fond d’une poche.
L’après-midi, à 15h30, Rayann, photographe professionnel vivant en Laponie finlandaise, partage avec nous les secrets de la photo polaire. Il nous enseigne comment protéger son matériel contre la condensation, comment apprivoiser une lumière si changeante, et quel cadrage adopter en restant inventif. Ses conseils précieux s’adressent autant aux initiés qu’aux amateurs. Sa recommandation ultime ? Cultiver la patience et l’observation, car chaque instant recèle une beauté fugace pour qui sait regarder.
Pour clore ce cycle de conférences, à 17h, Sophie nous entraîne dans l’univers fascinant de la glace. Sous son apparente simplicité – de l’eau à l’état solide – se cache une incroyable diversité : du frasil à la banquise, de l’inlandsis à l’iceberg. Nous découvrons son impact vital sur notre planète : elle sculpte les fjords, régule le climat et constitue un écosystème unique. Elle nous raconte aussi comment l’homme a apprivoisé cette immensité, de l’audacieux navire FRAM, conçu pour se laisser emprisonner par les glaces, à l’analyse des carottes de glace, ces archives polaires qui nous livrent les secrets du climat passé.
À 19h, Rayann nous dévoile enfin le programme tant attendu : demain, nous poserons le pied pour la première fois sur les mythiques îles Shetland du Sud ! Après ces longues journées en mer, nos cœurs battent d’impatience à l’idée de fouler cette terre légendaire et de rencontrer les animaux qui l’habitent.
Puis, c’est au tour de Vincent, ornithologue passionné et compagnon de voyage comme nous, de partager son émerveillement. Bien que novice en Antarctique – comme beaucoup à bord –, il nous présente avec précision les albatros croisés dans le passage de Drake. Photos à l’appui, il nous apprend à distinguer leurs espèces, rendant soudain ces oiseaux iconiques un peu plus familiers.
Nous allons maintenant dîner puis regagner nos cabines, le cœur et l’esprit remplis des promesses de la journée à venir.
Ce matin marque le moment tant attendu de notre premier débarquement à terre sur l’île de Half Moon, sous un ciel bleu azur qui illumine la baie d’une lumière polaire éblouissante. Après la sécurisation et le balisage de la zone par notre équipe d’expédition, nous embarquons à bord des zodiacs pour un court transfert jusqu’à la terre ferme. Nous foulons une plage de galets sombres, accueillis par un groupe de manchots papous sortant de l’eau, curieux et gracieux, à seulement quelques mètres de nous. C’est notre première rencontre avec la faune mythique de l’Antarctique, un instant suspendu qui nous émerveille.

En progressant sur l’île, deux itinéraires s’offrent à nous : à droite, une marche le long de la baie dévoile les glaciers majestueux de l’île Livingston, tandis qu’à gauche, une colonie de manchots à jugulaire, forte de plusieurs centaines d’individus, s’anime. En ce début de printemps antarctique, la saison de la reproduction commence : les couples se forment, les femelles vont pondre deux œufs, et les poussins, couvés et protégés, rejoindront bientôt des crèches grouillantes de vie avant de plonger dans l’océan Austral, au bout de 8 semaines environ.

Ces oiseaux, peu effarouchés par l’homme, exigent cependant une distance de respect de dix mètres, pour préserver leur tranquillité. Certains individus audacieux viennent à notre rencontre, et nous les observons, fascinés, dans un silence admiratif. Avant de regagner nos zodiacs, quelques manchots papous refont leur apparition sur la plage, profitant du calme des lieux bien qu’ils ne nichent pas ici. Autour d’eux, la vie antarctique s’anime : goélands dominicains et labbes bruns attendent avec impatience les œufs et les poussins dont ils se nourriront, parents manchots vous êtes prévenus ! Tandis que les chionis blancs assurent leur rôle de nettoyeurs naturels en se nourrissant de la fiente des manchots et des déjections d’autres mammifères marins. Deux cormorans antarctiques complètent ce tableau d’une richesse exceptionnelle. Cette première matinée sur la péninsule antarctique restera gravée dans nos mémoires comme un moment de pure magie, entre émerveillement, respect et communion avec un monde sauvage et immaculé.
En ce début d’après-midi, l’Ocean Nova met le cap vers le sud-est en traversant le détroit de Bransfield, en direction de la péninsule Antarctique, théâtre de nos prochaines explorations. La mer, d’abord calme, se forme peu à peu, rendant la navigation plus animée à mesure que la journée avance. Pendant ces heures à bord, nos guides d’expédition nous proposent un programme de conférences passionnantes pour approfondir nos connaissances sur le monde polaire.
C’est d’abord Frédérique qui capte notre attention avec une présentation sur les différences fondamentales entre les oiseaux et les mammifères. Il nous explique que les oiseaux sont des vertébrés ovipares, recouverts de plumes, dotés d’un bec sans dents et d’un système respiratoire très efficace adapté au vol. Les mammifères, eux, sont vivipares, recouverts de poils, possèdent des glandes mammaires pour nourrir leurs petits et une température corporelle régulée par un métabolisme interne élevé. Ces différences illustrent deux stratégies évolutives distinctes, mais toutes deux remarquablement adaptées aux conditions extrêmes de l’Antarctique grâce à des stratégies d’adaptation physiologiques et sociales incroyables.
En seconde partie d’après-midi, Élodie, notre géologue, prend le relais avec une conférence captivante sur les ressources minières de l’Antarctique. Elle nous explique que le continent renfermerait d’importantes richesses potentielles — charbon, fer, cuivre, pétrole et gaz naturel — mais que leur exploitation est strictement interdite par le Protocole de Madrid (1991), qui protège l’Antarctique comme réserve naturelle dédiée à la paix et à la science. Ce cadre juridique unique garantit la préservation de ce territoire encore vierge de toute activité minière, un choix essentiel pour l’équilibre environnemental mondial.
Une après-midi instructive, entre savoirs scientifiques et respect du continent blanc, qui nous plonge encore un peu plus dans la compréhension de ce monde polaire fascinant.
En soirée, la lumière déclinante enveloppe l’océan d’une teinte bleutée presque irréelle, lorsque surgissent nos premiers grands icebergs. Silencieux et majestueux, ils avancent tels des fantômes vers le navire, sculptures éphémères nées du froid et du temps. Sur l’un d’eux, quelques manchots immobiles semblent contempler notre passage, comme suspendus dans une scène hors du monde.

Alors que la nuit s’installe, un dernier spectacle vient couronner cette journée : deux baleines à bosse apparaissent à quelques mètres de l’Ocean Nova, plongeant et se nourrissant avec une grâce puissante. Le navire ralentit, s’efface presque pour ne pas troubler ce moment de pure nature. Dans le silence de l’océan Austral, nous savourons la magie de cette rencontre — une journée inoubliable aux portes du continent blanc.

Après avoir navigué plein de sud cette nuit pour éviter une grosse dépression, c’est plus doucement que nous nous approchons des côtes de la péninsule où les plus matinaux (mais aussi les plus noctambules hier) ont eu la chance de voir quelques baleines à bosse se nourrir près du bateau. Leur technique incroyable de coopération en groupe pour emprisonner leurs proies nous épate et nous voyons leurs longues nageoires sortir régulièrement de l’eau – elles méritent bien leur appellation de mégaptère (les grandes ailes), tant elles semblent voler dans l’océan.

Nous quittons le bateau sous un ciel nimbé qui se dégage très vite, montrant le sublime paysage de Cierva Cove, une large anse protégée où glaciers et pics montagneux s’élèvent vertigineusement. Que de glace! La mer aussi est couverte d’icebergs et de brash, cet étrange mélange de débris gelés dont le crépitement nous accompagne. Très vite, nous avons de la chance avec nos observations animalières : de nombreux oiseaux virevoltent autour de nos zodiacs et nous frôlent presque pour les plus curieux : pétrels géants, damiers du cap, fulmars antarctiques, pétrels des neiges et même quelques sternes couronnées.

Puis, un groupe de manchots papous fonce vers nous en plongeant et surfant au ras des flots en petits bonds vifs. Ils sont aussi puissants et rapides qu’attendrissants et déjà nous les immortalisons sur la pellicule photo, sans même avoir besoin de zoomer tant ils sont proches!
À peine avons nous commencé l’excursion qu’un autre mammifère repéré par nos guides est signalé : un phoque de Weddel se repose sur un morceau de glace à quelques centaines de mètres plus loin. Tout en respectant les normes d’approche (et le bon sens), nous nous organisons en rotations pour aller l’observer à bonne distance, charmés par ce représentant typique de l’Antarctique. Nous avons beaucoup de chance et une mer d’huile qui permettent de prendre de beaux clichés. C’est un gros spécimen qui se dore au soleil maintenant radieux de ces latitudes. Son pelage épais, ses vibrisses et sa bonne bouille (il faut le dire) se distinguent nettement dans la lumière. Il lève à peine la tête et ne semble pas étonné de notre présence, tout à sa sieste. Cet animal est un vrai champion des profondeurs : il peut descendre à 600m pour des sorties d’une heure dans ces mers glacées ! Son corps isolé par une bonne fourrure et une épaisse couche de gras le protègent des températures extrêmes. Mieux encore : pour rester si longtemps sous l’eau, il peut abreuver sa rate en oxygène et réduire son rythme cardiaque !! La nature fait vraiment bien les choses par ici.

Nous nous décidons à le laisser tranquille quand une autre surprise (de taille, et quelle taille!) nous attend : une baleine à bosse ! Celle-ci est observée à quelques mètres seulement du phoque indifférent et nos exclamations de surprise ponctuent le silence antarctique : le beau cétacé respire et souffle près de nos zodiacs en nageant paisiblement entre les blocs de glace à la recherche de nourriture. Soudain, une deuxième baleine émerge juste à côté et les deux compères poursuivent leur repas. Nous sommes subjugués et plus encore quand elles s’approchent et passent de part et d’autre de nos zodiacs : une à droite, une à gauche, cadeau de la nature, contemplation suprême de ces géantes des mers.

C’est avec un respect mêlé d’humilité que nous observons ces superbes créatures lorsqu’à nouveau nos guides se partagent une info aux radios : une otarie à fourrure est repérée un peu plus loin. Prenant toutes précautions nécessaires à une approche réglementée et respectueuse, nous allons vers l’iceberg où l’animal se repose. La superbe lumière illumine la scène : sur son bloc, le gros pinnipède telle une sentinelle des glaces, museau au vent, se détache sur le blanc des neiges fraîchement tombées. Nous voyons sa fourrure fournie et sa silhouette particulière. Il veille puis se déplace à peine pour s’accommoder sur son bout de glace et poursuivre sa sieste, sur le dos cette fois. Nous le laissons à son sommeil et continuons notre exploration de la baie au milieu des icebergs, bourguignons et sarrasins de blancs et bleus.
Le paysage des pics et calottes recouverts de poudreuse s’accordent parfaitement avec la lumière. Quel décor de rêve! Il est bientôt temps de rentrer au navire qui mettra cap plus au sud alors que nous déjeunerons. Des baleines à bosse semblent avoir attendu le moment parfait de la fin du repas et du café pour nous faire quelques démonstrations d’agilité à l’avant du bateau avant de s’éloigner à mesure que l’Ocean Nova continue sa route. Notre prochaine excursion nous amène à Portal Point, une baie protégée où Rayann, notre chef d’expédition prévoit de nous faire débarquer. Si le soleil est resplendissant, les conditions pour accoster sont elles bien plus délicates : une épaisse couverture givrée recouvre toute la côte et les seuls accès autorisés sont cachés sous une banquette de glace de plusieurs mètres qui semble inaccessible. Notre équipe essaye de débarquer mais face à la hauteur de l’obstacle, ils tentent un accès à l’opposé du site, sans succès. Qu’à cela ne tienne, enthousiastes et résolus, notre chef d’expédition et nos guides cherchent le « Shackleton qui sommeillent en eux » et remontent à l’assaut des glaces : à force de coups de pelle et d’endurance, ils nous creusent des marches dans la neige pour nous permettre de mettre pour la première fois le pied sur le mythique, le convoité, l’absolu : le continent Antarctique!!
Tous ces efforts valent largement l’engagement de notre équipe qui de plus a balisé le trajet de la balade panoramique : la vue imprenable embrase toute la baie parsemée d’icebergs et ses chaînes de montagnes enneigées. Nous nous sentons définitivement seuls au monde et sommes bien peu de choses face à cette immensité. Nous ne pouvons que contempler en silence les splendeurs de dame nature.

Cette dernière nous comble de cadeaux car la faune est au rendez-vous : cormorans dominicains et manchots papous se prélassent sur des blocs de glaces, des phoques crabiers sont aperçus sur un iceberg et l’un d’eux nous fait un véritable show : il se gratte, se contorsionne et se retourne en se frottant le dos pour notre plus grand amusement. Showtime, acte II : les clowns entrent en scène sous forme d’un groupe de manchots papous qui surgissent des flots en bondissant à quelques mètres de nous seulement et se dispersent sur la neige. Leur démarche et posture nous sont vraiment sympathiques et se prêtent facilement au jeu des photographes. Cerise sur le gâteau avant le retour : un léopard des mers est repéré sur un îlot de glace et nous faisons un arrêt photo devant cet étrange créature avant de rentrer au navire, heureux et reconnaissants de cette folle journée.

Pourtant, ce n’est pas fini et le spectacle continue avec plusieurs baleines à bosse (encore elles!!) qui ne cessent de tourner autour du navire lors du récap du jour et aussi lors du dîner. L’une d’elle exécute une mystérieuse chorégraphie : elle frappe incessamment l’eau de sa queue et se jette sur les flancs, mystérieuse action que nous ne comprendrons peut-être jamais… Faut-il remercier le soir d’enfin tomber sur un ciel ensorcelant amenant la nuit et nous permettre enfin de baisser la garde et nous reposer? L’Antarctique nous a comblés comme des gamins à Noël et nous ne pouvons imaginer de journée mieux remplie et de souvenirs plus intenses et inoubliables en allant rejoindre nos cabines…
L’Ocean Nova a poursuivi toute la nuit sa descente vers le Sud dans les eaux profondes du détroit de Gerlache. Les premières lueurs du jour caressent les pics acérés des montagnes enneigées, gardiens silencieux de la terre de Graham. Alors que le soleil débute à peine son ascension, tout le monde est sur le pont: droit devant nous se dessine l’étroit passage par lequel il nous faudra passer pour continuer notre route: le chenal Lemaire. Voie maritime spectaculaire située entre l’île Booth et la Terre de Graham, il fut découvert en 1898 par l’Expédition antarctique belge dirigée par Adrien de Gerlache à bord de la Belgica. Gerlache le nomma en l’honneur de son compatriote Charles Lemaire, qui bien que n’ayant jamais visité l’Antarctique mena plusieurs missions d’exploration dans les bassins du Congo et du Kasaï.

Nous sommes bien loin de l’Afrique ici, et c’est dans le brash plus ou moins serré que le navire avance lentement vers ce couloir d’environ 1 600 mètres dans sa largeur maximale, très souvent encombré par d’immenses et nombreux icebergs. Pourtant ce matin, la chance qui nous accompagne depuis notre arrivée dans les latitudes antarctiques est encore de notre côté : le passage est occupé par quelques icebergs géants mais suffisamment ouvert pour nous permettre de passer en toute sécurité. Et quel spectacle grandiose que cette avancée entre ces falaises déchiquetées qui nous dominent de leur 1000 mètres de hauteur, se reflétant à la perfection dans l’eau bleue aussi calme qu’un lac.
Le vent s’engouffre dans ce corridor mais la magie du moment réchauffe les mains occupées à immortaliser l’instant. Bientôt, alors que le soleil est plus haut dans le ciel bleu azur, nous arrivons au point de notre première activité de la journée, à Port Charcot. C’est en l’honneur de son père que Jean-Baptiste Charcot nomma ce site peuplé aujourd’hui par des colonies de manchots Papou et Adélie lors de son hivernage entre 1903 et 1905. A bord de la goélette Le Français, Charcot mena cette première expédition en Antarctique afin de cartographier la côte Nord-ouest de la Terre de Graham et de réaliser diverses observations scientifiques, notamment en météorologie, zoologie et hydrographie. Ses travaux ainsi que ceux menés lors de sa seconde expédition entre 1908 et 1910 apportèrent des informations majeures sur la géographie de cette partie de l’Antarctique, avec notamment la découverte de nombreuses îles.
Alors que nous devions débarquer sur le site de Port Charcot, notre équipe d’expédition partie en reconnaissance nous informe que la présence de nombreux manchots sur le site de débarquement ne permet pas de réaliser l’opération. Qu’à cela ne tienne, la météo est somptueuse et c’est une croisière zodiac que nous débutons dans la baie de la Salpêtrière. Depuis nos embarcations, nous contemplons avec tendresse et parfois amusement les comportements des manchots Papou qui marsouinent dans l’eau en radeau de plusieurs dizaines d’individus avant de se propulser sur la côte rocheuse par un saut dont la réception est parfois hasardeuse.

Le défilé des manchots s’acheminant vers les hauteurs à la recherche d’un socle rocheux pour leur nid est fascinant. Nous pourrions rester des heures devant ce spectacle mais bien d’autres merveilles nous attendent dans la baie: des icebergs aux formes inimaginables se dressent, majestueuses constructions de glace dont les bleus subjuguent le regard. Sur certains, des sternes couronnées siègent silencieusement, leur calotte noire tournée vers nos zodiacs, alors que des pétrels des neige nous survolent avec la grâce de leur blancheur immaculée. Pour compléter ce tableau fabuleux, des sons rauques retentissent entre ces murs de glace : des baleines à bosse montrent leur dos caractéristique, leur souffle propulsé à plusieurs mètres de hauteur.

Nous retenons le nôtre à chaque expiration de ce grand mammifère marin tant leur puissance est palpable malgré que nous ne voyons qu’une infime partie de ce cétacé pouvant atteindre 18 mètres. C’est à contrecoeur que nous revenons au navire mais la matinée est déjà bien avancée et une autre activité nous attend à quelques distances de là, dans la baie de la Circoncision. Les conditions sont toujours aussi exceptionnelles, le navire nous dépose dans une eau aussi lisse qu’un miroir. Slalomant entre les icebergs, notre équipe d’expédition organise le débarquement sur l’île de Petermann, gardée par plusieurs groupes de manchots Papou pour certains déjà installés sur des nids confectionnés de petits cailloux.
Plus loin, nous avons la chance d’observer la troisième espèce de manchots présent sur la Péninsule Antarctique, le manchot Adélie, seule espèce inféodée au continent Antarctique avec le manchot Empereur. Cohabitant avec le manchot Papou, nous assistons néanmoins à quelques querelles de cailloux utilisés par chaque espèce pour la nidification. Alors que cela peut nous apparaître comme un jeu futile, la mise en place de cette plateforme granuleuse est pourtant essentielle à la protection des oeufs et à leur couvaison, donc à la bonne longévité de l’espèce. Les parades amoureuses commencent timidement, la saison des amours se poursuivra pendant encore plusieurs semaines avec l’arrivée de bien d’autres individus sur les colonies. Alors que l’heure approche pour retourner au navire, notre équipe d’expédition est embêtée : un phoque de Weddell a entre-temps pris ses aises à proximité du lieu de débarquement. Avec sa masse pouvant atteindre 400 kilos, le phoque a la peau marbrée se dandine difficilement jusqu’à s’éloigner, nous laissant le champ libre pour retrouver nos places à bord des zodiacs et retrouver le confort du navire.

Après l’annonce du programme du lendemain par Rayann, notre chef d’expédition, une surprise nous attend sur le pont supérieur : un barbecue polaire nous attend, alors que la vue sur la baie à l’entrée du chenal Lemaire est à couper le souffle. La température est plus qu’agréable, le soleil est généreux en cette fin de journée, et quelques baleines nous offrent encore un spectacle magnifique. Nous avons atteint le point le plus au Sud de notre séjour, avec des conditions incroyables qui nous ont déjà permis de créer des souvenirs inoubliables. Alors que le soleil commence à décliner sur l’horizon, l’Ocean Nova reprend sa route vers le Nord à travers le chenal Lemaire. Quand cette magie va-t-elle s’achever ? Jamais nous le souhaitons, mais qui sait ce que demain nous réserve encore …
Sous un ciel d’un bleu éclatant, Neko Harbour nous a accueillis dans toute sa splendeur antarctique. Le soleil jouait avec les reflets des glaciers, et nos guides, déjà à pied d’œuvre, avaient soigneusement balisé le terrain pour que nous puissions approcher plusieurs manchoteries de papous sans les déranger. Leurs cris résonnaient dans l’air pur, mêlés au craquement lointain des glaces.
Sur la plage, un phoque de Weddell paressait, indifférent à notre présence, tandis qu’au loin, les montagnes dressaient leurs sommets enneigés comme des gardiennes silencieuses. Puis, soudain, le clapotis calme de la baie fut rompu par un souffle puissant : une baleine à bosse venait de surgir dans la baie en contrebas, offrant un spectacle d’une majesté absolue.

Le déjeuner à bord fut un véritable festin – réconfortant et délicieux – qui nous permit de reprendre des forces avant de repartir pour Foyn Harbour l’après-midi.
Là-bas, les vestiges du Gouvernøren, l’épave historique du baleinier norvégien, semblaient raconter les récits d’un autre temps, figés dans la glace et la mémoire des flots. Autour de nous, la vie continuait : des sternes antarctiques plongeaient en piqué pour pêcher, un empereur juvénile nous fit une apparition fugace.
Non loin, des manchots Adélie, dans une scène à la fois comique et touchante, ont perdu l’équilibre et se sont retrouvés à plonger tête la première dans l’eau glaciale, comme si la mer elle-même les appelait. Nous finîmes notre sortie par l’observation de deux phoques de Weddell se reposant paisiblement sur un iceberg non perturbés par notre passage vers le retour sur l’Ocean Nova.

En fin de journée, notre chef d’expédition, Rayann, nous a présenté le programme du lendemain et notre retour anticipé pour éviter les tourments du mythique Passage de Drake, tandis que le bateau reprenait lentement sa route. Le soir est tombé doucement sur la baie, et, avant que la nuit polaire ne s’installe, une dernière baleine a surgi à la surface, comme un salut majestueux à cette journée inoubliable. Bercés par les flots, le cœur encore rempli d’émerveillement, nous avons laissé la magie de l’Antarctique nous envelopper une fois de plus pour rejoindre nos cabines avec une houle annoncée dans la fin de soirée.
La météo de ces quatre derniers jours a été tellement exceptionnelle que nous avions perdu l’habitude d’un navire qui tangue et qui roule mais dans la nuit nous avons franchi le détroit de Bransfield, le bras de mer large d’une centaine de kilomètres qui sépare la péninsule Antarctique des Îles Shetland du Sud, et le bercement léger a repris pendant notre sommeil, pour le plus grand bonheur de certains.
Notre objectif ce matin est l’Île de la Déception, la caldera émergée d’un vaste volcan sous-marin. Les bateaux peuvent entrer dans cette caldera inondée par un goulet étroit dénommé les “Forges de Neptune » en raison des impressionnantes falaises de basalte déchiqueté de chaque côté. C’est à 7h que l’Ocean Nova, avec tous ces passagers en observation, franchit ce passage mythique de seulement 230 m de large, pour pénétrer dans l’un les ports les plus sûrs de l’océan austral : la Baie de Foster.
Les géographes francophones ont fait l’erreur de traduire le mot anglais « deception » par déception, car il signifie en anglais “tromperie”. Les premiers explorateurs anglo-saxons n’avaient pas vu l’étroit passage qui permet d’entrer dans la caldera inondée ; ils ont été “trompés” par l’île qu’ils pensaient simplement circulaire, alors qu’il s’agit d’un anneau de terre entourant une caldera inondée.

Notre intention première était de débarquer dans la première baie à tribord en entrant : la Baie des Baleiniers, où l’on trouve encore de vastes vestiges d’installations baleinière construites au début du XXe siècle par les chiliens d’abord, puis les norvégiens. Abandonné en 1931, le lieu fut réinvesti à partir de 1944 par les Anglais. Cet endroit plein d’Histoire offre des visites et des petites randonnées très intéressantes, malheureusement le vent a forci, avec des rafales dépassant les 80 km/h, rendant le débarquement périlleux. Même l’Ocean Nova, qui a mouillé son ancre, n’a pu stopper son moteur car elle glisse sur le fond avec ce vent fort. Port Foster est donc un très bon abri naturel contre la houle et les vagues de tempête mais ne protège pas du vent. Décision est prise de faire le tour de la caldera avec le navire. Pendant cette petite croisière d’une heure et demie, nous observons les quelques tout premiers Éléphants de mer de la saison échoués sur les plages de sable noir et des centaines de Damiers du Cap qui tourbillonnent dans le vent. Nous passons devant les bases Argentine et Espagnole, qui ne sont occupées que pendant l’été, avant de franchir à nouveau les Forges de Neptune. Cap sur l’Île Greenwich en longeant les falaises de la Déception jusqu’au fins piliers de basalte qui qui émergent de la mer déchaînée que l’on nomme les “Aiguilles de la Machine à Coudre”.
Pendant la traversée, Élodie retrace pour nous l’Histoire de ce volcan actif qu’est l’Île de la Déception, dont les éruptions les plus récentes entre 1967 et 1970, ont sinon détruit, au moins sérieusement endommagé, les stations chiliennes et britannique, entraînant leur abandon. Ce volcanisme avec la chaleur qu’il dégage, créé les conditions propices à la flore la plus riche de l’Antarctique. Alors il ne s’agit pas de plantes à fleurs, avec seulement deux espèces présentes, mais de mousses, de lichens, d’hépatiques (des plantes proches des mousses) et d’algues, marines et d’eau douce. Il y a aussi une faune benthique riche sur certains fonds chaud de la caldera. Toute cette biodiversité floristique, avec plusieurs espèces endémiques (qu’on trouve nulle part ailleurs), font que l’île de la déception fait l’objet d’un plan de gestion spécial antarctique et qu’il y a plusieurs zones de protection spéciale (ASPA) interdites d’accès. Sans oublier non plus la faune, c’est-à-dire surtout les oiseaux, avec une très grande colonie de Manchots à jugulaire d’environ 100 000 couples.
La riche histoire, la biodiversité et la topographie spectaculaire de cette île, en font un des sites le les plus visités de l’Antarctique avec plus de 15000 visiteurs par an.
Vers 15h30, nous arrivons en face de “Yankee Harbour” sur la côte ouest de l’Île Greenwich, une baie protégée par une longue langue de galets, un peu comme une jetée. Cette baie fut utilisée par les phoquiers britanniques et américains dès les 1820 ; elle est au bord du détroit qui sépare l’Île Greenwich de l’Île Livingston et de ce fait, nous espérions que le site soit un peu protégé mais le vent souffle encore assez fort. L’équipe d’expédition décide de se rendre au site de débarquement sur le côté protégé de la langue de galets pour tester un peu les conditions : elles nous semblent acceptables et les deux zodiacs retourne au navire chercher les passagers mais au moment du premier embarquement, le vent forci soudainement et les vagues se creusent un peu plus : avec le capitaine, nous décidons d’attendre une demi-heure pour voir comment la météo évolue. Heureusement, elle évolue bien et enfin les passagers peuvent débarquer pour la dernière fois en Antarctique pour admirer les nombreuses manchotieres de Manchots papous décimées un peu partout sur le site. Le paysage aussi est magnifique, dramatisé par le vent, les vagues qui déferlent et les bancs de nuages qui défilent à toute vitesse à la surface de l’eau puis sur le glacier non loin. Là-haut dans un ciel majoritairement bleu, de grands nuages lenticulaires souples ondulent immobiles ; eux magnifient le paysage. Tout le monde est heureux de se dégourdir les jambes et de vivre une dernière fois un Antarctique un peu moins calme que celui de ces derniers jours, plus proche de ce qu’il est habituellement et ce, malgré un retour plein de secousses et d’embruns, vers notre refuge chaud et confortable.
Première journée de traversée de retour vers la Terre de Feu. Le bateau gîte au rythme des vagues du redoutable passage de Drake. La mer est encore clémente, mais nous sentons bien avoir quitté la protection des terres pour nous livrer aux éléments.
Ce réveil mouvementé s’adoucit grâce à la lecture offerte par Sarah : un extrait de « Je m’en vais » de Jean Echenoz dépeignant sa rencontre avec les premiers icebergs. Ses mots sur leurs couleurs, formes et dimensions impressionnantes font écho à nos propres souvenirs de ces cathédrales de glace en perpétuelle métamorphose.
Après le petit-déjeuner, à 10 heures, nous nous installons au salon panoramique pour assister à la conférence de Rémi sur la course au pôle Sud. Il commence par évoquer l’âge héroïque des explorations polaires, cette époque où des hommes intrépides défiaient les conditions extrêmes et une nature sauvage pour cartographier et comprendre les recoins les plus inhospitaliers de la planète. Il nous présente les figures emblématiques de cette épopée : Fridtjof Nansen, Adrien de Gerlache, Jean-Baptiste Charcot, Ernest Shackleton et surtout, Robert Falcon Scott. Cet officier de la Royal Navy organisa une extraordinaire expédition en Antarctique avec l’espoir d’atteindre le pôle Sud et de rapporter de précieuses données scientifiques.
Hélas, les plans de Scott seront bouleversés par Roald Amundsen. Cet explorateur norvégien, déjà célèbre pour avoir été le premier à franchir le passage du Nord-Ouest, prévoyait initialement de conquérir le pôle Nord. Mais lorsqu’il apprend les annonces concurrentes de Robert Peary et Frederick Cook — annonces dont la véracité sera plus tard contestée —, il décide de rediriger ses efforts vers le pôle Sud. C’est le début d’une course effrénée avec Scott, dont l’histoire fera l’objet d’une seconde conférence, le sujet étant trop passionnant pour être résumé en une seule séance.
Avant le déjeuner, Frédéric poursuit son récapitulatif sur les manchots, nourri par ses observations sur le terrain dont nous avons nous-mêmes eu la chance d’être témoins. Puis Elodie prend le relais pour nous conter l’origine de ces oiseaux : leurs ancêtres, des oiseaux marins volants apparus il y a des dizaines de millions d’années, peu après l’extinction des dinosaures, à une époque où les eaux étaient bien plus chaudes. Elle explique comment ils se sont progressivement adaptés à des environnements bien plus froids, devenant les animaux emblématiques que nous connaissons aujourd’hui.

À 15 heures, Laurent nous entretient sur le thème de l’homme et le froid. Nous apprenons que l’être humain, être homéotherme nécessitant une température interne stable, a développé des mécanismes pour survivre au froid, notamment pour protéger son « noyau » vital. Si les vêtements ont grandement aidé l’humanité à affronter les basses températures, les animaux, eux, ont développé leurs propres stratégies, qu’il s’agisse de l’épaisse couche de graisse isolante des phoques ou de la dense fourrure du renard polaire. Médecin de formation, Laurent nous décrit également les stades de l’hypothermie et les stratégies pour y remédier.
C’est à 16h30 que Sophie reprend avec une conférences sur les baleines à bosse, ces géantes des océans célèbres pour leurs chants complexes et leurs migrations annuelles de milliers de kilomètres entre les zones d’alimentation polaires et les eaux tropicales où elles se reproduisent. Bien qu’intensément chassées par les baleiniers aux XIXᵉ et XXᵉ siècles, leurs populations se reconstituent peu à peu, même si elles n’ont pas encore retrouvé leurs effectifs d’antan. Nous sommes ravis d’en apprendre davantage sur ces magnifiques créatures, qui ont été — à notre grande surprise — nos compagnes de voyage tout au long de notre périple en péninsule Antarctique.
Et pour clore cette journée riche en récits, Sophie reprend la parole à 19h pour nous délecter de savoureuses anecdotes sur Lindstrom, le cuisinier du Fram. Puis sur une note plus sérieuse, Rayann nous annonce que les conditions dans le passage de Drake devraient se dégrader au cours de la nuit.
Mais tels des explorateurs aguerris, personne ne s’en alarme. Les plus hardis gagnent la salle à manger, bien décidés à profiter d’un bon dîner avant d’affronter les caprices de l’océan.
Ce matin, les mouvements du navire se font ressentir dès les premières heures. Notre traversée du Drake est bien entamée, et celui-ci s’avère plus intense que la veille. Chacun s’adapte à son rythme, profitant des espaces intérieurs du navire, dans le respect des consignes de sécurité indispensables lorsqu’on navigue au cœur d’un océan formé.
La journée débute avec Sophie, qui nous plonge dans l’extraordinaire aventure d’Ernest Shackleton et de son navire Endurance. En 1914, Shackleton partait pour tenter la première traversée du continent antarctique, mais son bateau fut broyé par la glace de la mer de Weddell. Commence alors une épopée humaine sans égal : pendant près de deux ans, Shackleton et ses hommes luttèrent pour leur survie sur la banquise, jusqu’à ce que leur chef accomplisse un exploit héroïque en rejoignant l’île de la Géorgie du Sud en canot pour sauver tout son équipage. Un récit de courage, de leadership et de solidarité qui continue d’inspirer les générations d’explorateurs.
Avant le déjeuner, Sarah, notre directrice de croisière, nous captive par une lecture poétique tirée d’Antarctica Blues de Jennifer Lesieur. Ce livre mêle récit de voyage, méditation personnelle et hommage à la beauté sauvage du continent blanc. L’autrice y explore la fascination que l’Antarctique exerce sur ceux qui l’approchent : un lieu de silence, de démesure et de vérité, où l’homme se confronte à la fois à la nature et à lui-même. Sa plume sensible et imagée rend magnifiquement compte de cette émotion glacée, à la fois mélancolique et lumineuse, que tout voyageur ressent en découvrant les confins du monde.
Le navire continue de rouler, les vagues frappent la coque, et ceux qui bravent les ponts extérieurs observent, fascinés, cet océan hypnotique qui rappelle les conditions vécues par les grands explorateurs d’autrefois.
L’après-midi, Laurent, notre guide et médecin, nous tient en haleine avec un portrait passionnant du Docteur Jean-Baptiste Charcot, ce pionnier français de l’exploration polaire. Apprendre que cet homme visionnaire a hiverné sur certains sites que nous avons nous-mêmes foulés au cours de cette croisière remplit chacun d’émotion et de fierté.
En seconde partie d’après-midi, Élodie, notre géologue, nous éclaire sur la géomorphologie de l’Antarctique, expliquant comment les forces du vent, de la glace et du temps ont sculpté ce continent unique. Montagnes, fjords, calottes glaciaires et plateformes de glace forment un paysage en perpétuelle évolution, témoignage vivant des puissances naturelles à l’œuvre.
Le terrible passage du Drake est maintenant derrière nous et nous abordons avec plus de sérénité l’entrée du canal de Beagle où tôt ce matin certains d’entre nous ont aperçu un albatros lointain entre les pétrels géants dont l’un d’eux voltige tout près du navire. Une femelle otarie à fourrure nage et bondit près du bateau avec des cabrioles et des coups d’oeil curieux. Après le petit déjeuner, nous attendons un instant dans la baie à l’entrée du canal le pilote qui conduira l’Ocean Nova à bon port vers la civilisation, l’ultime port de notre voyage : Ushuaia.

Pendant le trajet, Rémi termine la 2e partie de sa palpitante conférence sur la course au pôle sud, incroyable épopée de ces temps de conquêtes héroïques des mondes polaires dont Scott et Amundsen sont les personnages importants. Nous sommes une fois de plus impressionnés par ce que la volonté humaine est capable d’entreprendre dans de telles circonstances mais aussi par le destin funeste de certains des acteurs de ces expéditions d’autrefois.
Lors du déjeuner, Sarah notre directrice de croisière et notre équipe de guide rendent un hommage particulier et chaleureux à tout l’équipage pour toutes ces années passées à naviguer ensemble. C’est en effet la toute dernière croisière de l’Ocean Nova avec Grand Espaces et, après vingt ans, une page se tourne définitivement dans cette formidable histoire humaine. L’émotion est palpable d’un côté comme de l’autre et sous les applaudissements et les les hourras, notre équipe félicite et serre dans ses bras Paola, notre cheffe hôtellerie et chacun des membres de ce formidable équipage qui aura été une vraie famille au cours de ces nombreux embarquements en eaux polaires.
Après le repas, nous prenons un café en suivant des yeux les eaux presque paisibles qui nous entourent et certains profitent du paysage, d’autre d’une petite sieste avant d’aller au grand salon assister aux conférences que nos guides nous ont préparées : Élodie nous parle du léopard des mers, cet incroyable phoque que nous avons eu la chance de bien observer il y a quelques jours. Sa mâchoire impressionnante lui a valu son nom et son régime alimentaires et sa vie sociale n’ont désormais plus de secret pour nous. Rémi aborde l’otarie à fourrure, ses moeurs et caractéristiques et Fred, intarissable passionné des oiseaux, nous parle de la brève observation de manchot empereur que nous avons eu et nous montre la différence de morphologie et de comportement par rapport aux autres manchots.
Après un temps de navigation dont certains profitent pour faire la valise (eh oui, toutes les bonnes choses ont une fin); nous assistons au cocktail d’au revoir où un verre de champagne nous est servi en compagnie du Commandant Alcibiado Barrios, enthousiaste et heureux d’avoir pu nous offrir une croisière de ce calibre. Le capitaine mentionne là encore tout particulièrement les membres d’équipage, ceux qui font avance le bateau depuis les machines et les ponts, ceux qui s’occupent de la bonne marche de l’Ocean Nova, de son entretient et tous les matelots, mécaniciens et personnel chargé des nombreuses tâches qu’implique la vie à bord. Tous sont remerciés, personne n’est oublié, pas même le beau temps qui fut un facteur déterminant dans la réussite de cette entreprise. Il faut bien dire que nous avons été particulièrement chanceux : tant par le soleil que par les observations animales…et les clichés du concours photos qui nous sont montrés ne nous contredirons pas : de superbes images nous rappellent que notre périple en ces terres australes, ponctué d’une météo sublime et de paysages à couper le souffle a été d’une qualité rare et exceptionnelle. Nous garderons de ce voyage un souvenir impérissable et merveilleux, tant par son originalité que par sa beauté, le tout sous la houlette de Rayann notre extraordinaire chef d’expédition, accompagné de guides d’un grand professionnalisme et de toute l’équipe du bord vraiment hors-pair : l’hôtellerie, les matelots et tous ceux qui, depuis l’ombre et les cales du navire ont contribué à faire de ce voyage une épopée magique et inoubliable !
Arrivés à quai, après le dîner, nombreux sont ceux qui profitent du dernier soir dans l’hémisphère sud pour une petite virée dans les rues de cette ville aux portes de l’Antarctique et s’imprégner une dernière fois de cette énergie du grand sud et de cette atmosphère indélébile de bout du monde.

Enfin, la journée s’achève par le traditionnel briefing du soir, conduit par Rayann, notre chef d’expédition, avant que Sophie ne clôture en beauté cette traversée agitée avec un récapitulatif inspirant et quelques recommandations de littérature polaire, prolongeant le voyage dans l’imaginaire des grands découvreurs du Sud.
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Je te suis sur le site.
Gros bisous et bon voyage
Bon voyage Maguy bisous
On vous suit et on vous souhaite une magnifique croisière!!!
Gros bisous
Bonjour
Pourra t on enregistrer le carnet de voyage sur notre ordi à la fin du voyage ou sommes nous obligés d aller sur grands espaces
Merci
Marie lesaffre
Agréable de lire ce récit au jour le jour.
Ça fait rêver !
Bon séjour au maître du monde.
Beau récit accompagné de belles photos qui ne le sont pas moins. Bon séjour à tous et amitiés à la directrice de croisière et à la géologue… entre autres
Courage Maguy
Bisous 😘
Cc Maguy tout va bien ?
Bisous Dd
Elena, à toi et à tous ceux qui se glissent entre les mots de ce carnet de voyage, nous souhaitons une belle itinérance. La richesse du récit de vos pérégrination est sidérante, et on vous imagine… un peu. Un petit salut au vénérable Ocean Nova, qui semble toujours aussi bien habité. Belles longues dernières journées, loin de notre quotidienne frénésie.
ou peut on voir les photos de cette croisière?