À bord du Sea Spirit, février 2018

Le guide et chef d’expédition

Sylvain Mahuzier

Oiseaux et Mammifères

Journal de bord

Jour 1

Du 12 au 18 Février 2018

Grands Espaces - Antarctique

Lundi 12 Février

Presque quatorze heures passées dans l’avion, ce n’est pas rien… Mais nous voilà arrivés à l’aéroport international Ezeiza, puis après un transfert de 45 mn dans cette belle ville de Buenos Aires. Après un bref passage à notre hôtel dans le quartier de Recoleta, nous allons déjeuner dans le quartier de Madera, quasiment au bord du canal. Nous admirons de superbes voiliers trois-mâts, dont l’âge honorable contraste avec les immeubles ultra-modernes qui leur sert de toile de fond. Le repas est excellent et pantagruélique, et l’inévitable steak de bœuf de plus de 300 g est bien sûr arrosé d’un vin rouge argentin Malbeck. Un tour de ville panoramique de Buenos Aires nous est ensuite offert durant l’après-midi, avec plusieurs arrêts dont le quartier pittoresque de La Boca et le cimetière de Recoleta. La soirée sera culturelle, avec un dîner dans le plus ancien théâtre de la ville (1920) suivi d’un spectacle de tango (musique et danse) de haut niveau, qui ravit chacun d’entre nous.

Mardi 13 Février

Lever matinal, direction l’aéroport à nouveau, mais cette fois nous nous envolons pour Ushuaia, où nous atterrissons en milieu de journée par un temps assez doux, 16°C. La ville du bout du monde brille dans son écrin de montagnes, mais le temps change très vite ici, nous le savons, et la pluie nous accompagnera tout au long de nos visites à Ushuaia. Certains vont visiter l’ancienne prison transformée en musée, d’autres enfin iront faire quelques emplettes dans la rue San Martin, très commerçante. Dîner et nuit à l’hôtel Arakur, qui domine la ville de belle manière.

Mercredi 14 Février

Ce matin nous partons vers le Parc National de la Terre de Feu, où nous passons 3 belles heures de balades au fond de la baie de Lapataia, dans le canal de Beagle. La rivière Lapataia qui se jette dans la baie du même nom s’élargit en vastes méandres qui ressemblent à de véritables lacs. Nous découvrons tourbières, ruisseaux et petits boisements de Nothofagus, des arbres très proches des hêtres – on les appelle d’ailleurs souvent « faux-hêtres » aux petites feuilles dentelées. Le paysage est varié, la lumière est belle et le vent omniprésent sur les parties non abritées : les arbres tordus ou penchés dans la même direction sont l’une des signatures de la Patagonie et de la Terre de Feu. En outre, nous avons la chance de faire des « rencontres » : quelques familles d’Ouettes de Magellan, petites oies locales peu farouches, broutent sur les chemins bordant la rivière et les lacs. On distingue aisément les mâles au plumage blanc et aux lignes sombres et les femelles brunes aux pattes jaunes. Un couple de brassemers – anciennement appelés « canards-vapeur », cancane au milieu d’un plan d’eau. Une petite troupe de bruants chingolo, qui ressemblent à des moineaux un peu plus colorés que les nôtres, vole activement de buisson en buisson. Retour à l’hôtel Arakur, où une navette nous attend pour nous conduire au port d’Ushuaia. L’accueil sur le « Sea Spirit » par l’équipe de Poséidon est chaleureux. Après avoir intégré nos cabines, nous nous familiarisons avec ce navire de taille raisonnable – environ 100 passagers -, confortable, convivial et à l’aménagement intérieur assez esthétique. Nous sommes invités à assister à l’appareillage sur les ponts extérieurs, et quittons Ushuaia, joliment éclairé par la lumière d’après-midi. Vient ensuite l’exercice obligatoire de sécurité et d’abandon du navire, puis notre chef d’expédition Jonathan, un Français qui a déjà accompli de nombreuses expéditions et croisières en Antarctique, nous souhaite la bienvenue et nous explique les règles de base à suivre sur le navire. Premier dîner –de qualité– puis une nuit réparatrice après cette longue et belle journée.

Jeudi 15 Février

Afin de ne pas nous exposer à une fin de dépression qui nous aurait quelque peu secoués, le Commandant du Sea Spirit a eu la délicatesse de naviguer au ralenti dans le Canal de Beagle, que nous ne quittons qu’au matin. Ainsi la journée dans le Passage de Drake se poursuit-elle dans le calme, avec une houle très raisonnable de 5 mètres, qui dans l’après-midi se réduira à 3 mètres. La journée démarre par une conférence de Jonathan, une introduction à l’Antarctique des points de vue géographique, géologique et climatique enrichie de schémas et d’animations de grande qualité. En fin de matinée, John, le photographe du bord, nous parle de composition, de cadrage et de lumière. L’après-midi commence par un exposé de Sylvain à la bibliothèque, sur les oiseaux que nous avons vus hier en Terre de Feu, mais aussi et surtout sur ceux du Beagle, du Drake et quelques-uns que nous verrons en péninsule antarctique. Vie et mœurs des manchots nous seront racontés demain. Coïncidence formidable, au moment de démarrer la conférence nous assistons depuis la bibliothèque à un ballet d’albatros derrière le bateau. Le Grand Albatros neigeux, champion avec plus de 3 mètres d’envergure, et l’Albatros à tête grise évoluent avec grâce et efficacité dans les turbulences aériennes générées par le Sea Spirit. Plus tard, la 1ère partie d’un grand film sur Shackleton est projetée, la 2ème le sera après le dîner. En fin de journée, Jonathan nous explique en anglais le programme de demain, traduit par Sylvain à travers un système d’oreillettes.

En fin de dîner, le chef cuistot vient parle avec nous : Francis est français, et a travaillé 7 ans à Lyon avec Bocuse !

Vendredi 16 Février

Avec l’objectif d’observer des manchots dès ce soir si notre vitesse le permet, ou demain matin, dès le petit déjeuner avalé nous démarrons notre journée avec une petite conférence de Sylvain sur ces oiseaux nageurs aux adaptations hors du commun. Suit une réunion kayak destinée à ceux qui utiliseront ces embarcations à chaque fois que le lieu et la météo le permettront. Après le déjeuner, notre chef d’expédition Jonathan nous convie à deux « briefings » obligatoires : sur les règles IAATO (International Association of Antarctic Tour Operators) à propos de la manière de se comporter en Antarctique, en matière d’environnement et de sécurité, et sur les débarquements en Zodiac. Puis nous effectuons les procédures de biosécurité, c’est-à-dire que nous aspirons les vêtements que nous porterons à terre ainsi que nos sacs, afin d’être sûr d’en ôter terre, graines ou quelque autre matériau organique qui pourrait nuire à l’équilibre floristique et faunistique des lieux. Bonne surprise, la météo favorable nous a permis de naviguer à bonne vitesse, et nous arrivons aux Shetland du Sud vers 17h00, ce qui nous permet de débarquer sur l’île de Barrientos, dans l’archipel d’Aitcho. Premiers manchots – papou et à jugulaire, premières otaries à fourrure qui nous font un show, premiers éléphants de mer paressant, premières émotions…

Samedi 17 Février

Après une petite « zodiac cruise » dans la baie Charlotte, où nous naviguons atour des icebergs et apercevons un phoque de Weddell, nous effectuons notre premier débarquement sur le Continent Antarctique ! Il s’agit de «Portal Point », où les Britanniques construisirent une hutte en 1956 afin d’effectuer des recherches géologiques. Comme il est excitant de se dire qu’en mettant le cap plein sud, (et en marchant pendant des mois…), nous atteindrions le pôle Sud ! Les occupants les plus nombreux sont ici les otaries à fourrure, tantôt actives tantôt assoupies. Depuis les buttes enneigées sur lesquelles nous grimpons, le panorama sur la baie est magnifique. Les kayakistes nous donnent en outre une échelle de taille en évoluant autour des icebergs. De retour, nous mettons le cap sur la baie de Wilhelmina toute proche, et à peine installés pour le déjeuner, Jonathan nous annonce qu’il est impératif d’interrompre notre repas, car 5 baleines à bosse prennent le leur à quelques dizaines de mètres devant le Sea Spirit ! Le spectacle est saisissant, les filets de bulles que les cétacés émettent pour piéger le krill sont bien visibles et précèdent de peu le jaillissement des géants, qui après avoir repris leur souffle « sondent » en montrant majestueusement leur belle nageoire caudale…

Compte-tenu qu’il nous reste une belle partie de l’après-midi, l’équipe d’expédition décide de nous faire débarquer sur l’île de Cuverville. Nous marchons parmi les manchots papous, assistant à plusieurs scènes de leur vie quotidienne : poussins tapotant le bec des adultes pour provoquer le réflexe de régurgitation, ou courant après les parents pour les solliciter, adultes en mue qui se sont mis à l’abri du vent… Au retour, notre pilote de zodiac Luis nous offre un beau cadeau : le tour de l’île parmi les icebergs ! Paysage magnifique, et formidables observations des phoques qui se reposent sur les glaçons : léopards de mer, phoques crabiers… et comme nous avions observé le phoque de Weddell à terre, la moisson de phoques est complète !

Vers 21h30, deux d’entre nous, Danièle et Ghislaine, partent avec quelques dizaines d’autres passagers pour rejoindre la plage de Leith Cove, et y passer courageusement la nuit à la belle étoile, dans des duvets spécialement prévus pour les températures froides, et abritées dans un trou dans la neige creusées par leurs soins !

Dimanche 18 Février

En arrivant à l’entrée du Canal Lemaire ce matin, nous sommes surpris par le brouillard, et le Commandant et le Chef d’expédition préfèrent que nous retentions notre chance plus tard, d’autant qu’il y a de la glace. Nous partons donc vers Damoy Point et visitons une base anglaise qui date de plus de 40 ans, abandonnée mais complètement en l’état. C’est assez émouvant, on a l’impression que le temps s’est arrêté. Puis nous grimpons au sommet de l’île pour la vue, peine perdue : la brume ne se lève pas. Cependant, elle apporte une touche de mystère qui a un certain charme. Non loin de la cabane plusieurs couples de labbes antarctiques (skuas) nichent, on aperçoit les poussins de temps à autre, camouflés derrière des roches. 2e tentative pour le Canal Lemaire plus tard : ce sera la bonne, le brouillard s’est levé. Ce défilé large de quelques centaines de mètres seulement à certains endroits est tout à fait spectaculaire, et en plus le soleil brille. La traversée est incroyable, les falaises escarpées et les glaciers de l’île Booth font face à ceux de la Péninsule Antarctique. Le canal fut découvert par l’Expédition Allemande de 1873-74, mais ne fut pas traversé avant décembre 1898, par le navire Belgica de l’Expédition Antarctique Belge. En après-midi, nous faisons cap vers l’île Petermann, chère au coeur des Français car le Commandant Jean-Baptiste Charcot et son équipage y hivernèrent durant l’hiver 1909-1910 avec le Pourquoi Pas ? Quelques manchots Adélie, des cormorans antarctiques et la colonie la plus septentrionale de manchots papous du monde sont les principales attractions. Et le paysage est somptueux de tous les côtés, laissant imaginer au sud la ligne du cercle polaire antarctique, pas si éloigné. Au retour, surprise : barbecue sur le pont 5, face aux montagnes qui rosissent déjà, et le coucher de soleil sera mémorable.

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