
Nathanaël Vetter
Arctique et Antarctique
5 juillet
13 juillet 2018
À bord du Grand Large, juillet 2018
Nathanaël Vetter
Arctique et Antarctique
Rémi Favre
Polaire et Animaux Marins
Journal de bord
Paris CDG – Longyearbyen (78°14’E – 015°27’E)
Après un départ de (très) bonne heure de Paris CDG, nous terminons notre vol par une superbe vue aérienne de la calotte de la côte Est du Spitzberg. Nous passons sous le traditionnel couvercle nuageux pour atterrir en terre polaire. Nous voici à Longyearbyen, par plus de 78°N, dans l’archipel du Svalbard.
Nous découvrons la ville grâce à un tour en bus mené par Bruno, Alain et Adrien, guides qui partiront sur l’Ortelius.
Notre petit groupe de 12 se retrouve à 17h00 pour embarquer à bord du Sjøveien (Grand Large). Nos guides, Nathanaël et Rémi, nous exposent les points de sécurité qu’il nous faudra suivre dans cet environnement isolé. Nous appareillons : cap au Nord vers le Prins Karl Forland, l’Avant-Terre du Prince Charles.
Nous dinons dans l’Isfjord, quand soudain, Michèle aperçoit des taches blanches qui apparaissent et disparaissent régulièrement en surface : confirmation, ce sont bien des bélugas, qui nous sont servis par Dame Nature juste avant le dessert ! Ils sont plus de 100, par petits groupes d’une douzaine, à 360° tout autour du navire à nous offrir ce spectacle exceptionnel !
Morses à Sarstangen (78°43.4’N – 011°25.5’E) – Lilliehöökbreen (79°20.5’N – 011°39.2’E)
Après une nuit de sommeil bien méritée, nous nous réveillons au mouillage au nord de Sarstangen, une avancée de graviers qui barre presque le détroit du Forlandsundet, pour effectuer notre première sortie zodiac : nous projetons l’approche d’une colonie de morses…
Les nuages se dispersent, le soleil nous réchauffe, la mer est calme et d’un beau bleu, nous avançons vent de face : tout est réuni pour une belle observation ! Si l’abord maritime de la colonie est prudent à cause de (gros) morses dans l’eau, nous débarquons à bonne distance pour une approche à terre. Par étapes, nous avançons : pas de réaction, les bêtes dorment paisiblement en un disque compact de corps enchevêtrés tels un tétris horizontal, défenses vers le haut. 100 m, 50 m, 30 m, rien ne semble les perturber, pas même nos appareils photo qui crépitent sans retenue. Il est pourtant noté sur le livre qu’ils sont « plus actifs le matin »… Si c’est le cas, nous n’osons pas imaginer leur activité de l’après-midi… !
Sternes arctiques, bécasseaux violets, un plongeon catmarin en vol, guillemots de Brünnich et guillemots à miroir, fulmars et même un phoque marbré sont de sortie également. Nous rejoignons ensuite le Grand Large pour le déjeuner. Route vers le Glacier de Lilliehöök ! Pendant ce temps de navigation, nous sortons même les chaises longues pour bronzer !
Cet après-midi, nous longeons l’entrée de la Baie du Roi, surplombée par les Trois Couronnes, Svea, Dana et Nora, culminant à 1225m. Pas un nuage dans le ciel, la mer est belle : le cadre est majestueux. Nous entrons ensuite en Baie de la Croix en direction du grand front glaciaire de Lilliehöök, qui s’étend sur 7 km.
Nous sortons les zodiacs pour une sortie « Glace » : glace bleue, glace blanche, glace grise, glace translucide, bédières, brash, bourguignons, cupules, icebergs : le front glaciaire en forme de cirque nous offre déjà un bel exemple de l’univers polaire. Nous avons la chance d’observer quelques vêlages, accompagnés de leur coup de canon typique.
Dans le brash, nous avons la chance d’approcher 3 phoques barbus qui se prélassent sur la glace. D’autres sont aperçus de loin. Nous observons aussi de nombreux fulmars, mouettes tridactyles, sternes et goélands bourgmestres qui pêchent dans les eaux limoneuses près des icebergs.
De retour au bateau, nous dinons en sortant du fjord dans ce cadre idyllique. Suis une présentation par Nathanaël du trajet effectué sur logiciel de cartographie. Nous observons les preuves du recul du glacier : le tracé de notre sortie zodiac à Lilliehöök est en plein glacier sur le fond de carte de 1990…
Monacobreen (79°32’N – 012°39’E) – Villa Oxford – Reinsdyrflya
7h15 ce matin, notre chef d’expédition Nathanaël frappe à la porte : il a observé des baleines de Minke qui se nourrissent à l’entrée du Woodfjord. Nous sortons encore tout endormi pour assister au spectacle matinal de ces « petites » baleines qui chassent sous nos yeux. Nous les observons une bonne demi-heure, un record pour cette espèce qui a un comportement souvent assez aléatoire et difficile à anticiper.
Le fjord est calme, les reflets sont superbes et avec le bateau à l’arrêt, la température est franchement douce !
Nous continuons bientôt notre route vers le glacier de Monaco, tout en prenant un petit-déjeuner bien mérité.
La navigation dans le Liefdefjord (Fjord de l’Amour) en direction du glacier est très agréable et nous voyons petit à petit le géant se rapprocher… bientôt le fjord est couvert de débris de glace plus ou moins gros.
L’activité du glacier a dû être intense ces derniers jours, car le fjord est tellement encombré que nous devons nous dérouter et passer proche du Seligerbreen afin de contourner une zone trop dense.
Nous arrivons finalement devant le front de glace… impressionnant ! Nous observons même un fracassant vêlage.
Des milliers de mouettes tridactyles sont en train de se nourrir dans ces eaux riches, plusieurs phoques barbus quant à eux digèrent affalés sur leur bloc de glace… et des bélougas sont aussi dans les parages ! Quel spectacle !
Pendant le (copieux) déjeuner, nous nous dirigeons vers la péninsule des rennes : Reinsdyrflya, d’un plat impressionnant. Nous « beachons » à Villa Oxford, la cabane du trappeur norvégien Himlar Nøis, construite en 1924 à partir des restes de caisses logistiques d’une expédition en avion, laissés là par un scientifique de l’Université d’Oxford. La cabane est fonctionnelle et l’ancien piège à ours que nous trouvons à côté l’est presque aussi.
Nous poursuivons notre marche dans la toundra pour rejoindre un petit étang où nous observons un couple de plongeons catmarin près de leur nid. Après nous être arrêtés prendre une photo par petite fleur, nous observons un combat aérien entre un labbe parasite et une mouette tridactyle, avant de redescendre vers la lagune. Pas de renne à l’horizon… mais de belles traces d’ours ! Les empreintes de griffes sont bien visibles dans la terre à peine séchée : nous sommes bien sur le territoire de la Bête…
Nous concluons notre marche par une récolte de déchets plastiques pour l’opération « Clean up Svalbard » lancée par l’AECO et une superbe observation de deux phalaropes à bec large toutes proches : magnifique !
Après avoir récupéré nos zodiacs, nous terminons cette belle visite de 3h30 par un tour de l’îlot Stasjonsyøane pour observer quelques oiseaux de ce sanctuaire ornithologique (à l’abri de Goupil…) : eiders à duvet ♀/♂, oies à bec court peureuses, deux hareldes boréaux, sternes arctiques au nid.
Suite au repas préparé avec passion par notre Chef Thomas, il est l’heure de se reposer pour certains, de se documenter sur le retrait des glaces pour d’autres (projection du film Chasing Ice)… ou encore de réparer un pantalon de ski avec le scotch toile de Rémi. Quelle journée !
Lomfjord (79°35.8’N – 011°42.7’E) – Alkefjellet – Palenderbukta
Ce matin, nous nous réveillons dans le Lomfjord pour une belle marche de 130 m de dénivelé au-dessus de plages surélevées par isostasie (rebond dû au retrait glaciaire) dans une petite baie abritée : Geerbukta. Nous observons quelques rennes entre névés et pierriers, avant de rejoindre la crête donnant une vue imprenable sur les calottes d’Åsgardfonna et de Valhalfonna, leurs glaciers émissaires et leur immense plaine alluvionnaire. Le sol est couvert de lichens qui dessinent de magnifiques fresques colorées lorsqu’on y regarde de près.
Après un petit temps de navigation, nous mangeons efficacement en rejoignant le détroit d’Hinlopen, avant de rejoindre le splendide site d’Alkefjellet, la falaise aux pingouins : environ 60.000 couples de guillemots de Brünnich nous attentent, la moitié nichant serrée sur les terrasses des orgues de dolérite, l’autre moitié pêchant en mer, dans un ballet de va-et-vient incessant entre les falaises et l’eau.
Nous admirons l’habileté du Capitaine à manœuvrer le navire dans un drifting parfait qui nous permet de dériver le long du site, la proue orientée vers les falaises : la mer est pourtant bien agitée ! Les contre-jours au sommet des orgues sont saisissants. En fin de visite, le vent tombe un peu et nous avons le grand plaisir d’observer un renard polaire dans un névé, à la recherche d’œufs et d’oiseaux morts ou blessés.
Après ce spectacle grandiose – personne ne fut touché par les projectiles de guano – nous traversons le détroit d’Hinlopen malgré une « houle résiduelle » de travers et un vent très fort (parfois des rafales à 50 nœuds…) : une croisière-exploration aurait été bien incomplète sans un vrai mal de mer ! Après 2h de traversée, nous rejoignons Palenderbukta : l’inhospitalière Terre du nord-est, son désert polaire, ses falaises beiges recouvertes de névés et son immense calotte glaciaire se découvrent à nous.
Le ciel est magnifique malgré le vent : quelques nuages orographiques jouent avec le soleil et les reliefs pastel de la côte pour le plus grand bonheur des photographes, pendant que toute l’équipe cherche l’ours à la jumelle. Nous repérons un morse solitaire en pleine prospection côtière : ces bêtes peuvent donc être actives (vs Sarstangen…) !
Nous ancrons devant un front glaciaire déchiqueté par les crevasses. Suit une présentation des mondes polaires et de l’Arctique par Rémi avant le diner… Celui-ci se terminera par un gros-beau-gâteau-d’anniversaire-surprise, réalisé par Thomas pour les 30 ans de notre conférencier ! C’est un régal !
La lumière de cette fin de soirée est magnifique.
Pour une meilleure expérience, nous vous conseillons de tourner votre tablette en paysage