
Marianne Duruel
Coordination et Photographie
10 septembre
18 septembre 2014
À bord de l'Amazon Dream, septembre 2014
Marianne Duruel
Coordination et Photographie
Journal de bord
L’arrivée à Santarem plonge de suite dans la chaude ambiance brésilienne. Ici, la décontraction est de mise et la musique omniprésente… Nous quittons rapidement l’animation de la ville, située à mi-chemin entre Manaus et Bélem, vers des lieux beaucoup plus calmes…
Notre première navigation à bord de notre charmant petit bateau nous amène au point de rencontre entre les eaux claires du fleuve Tapajos, qui baignent le port de Santarem, et les eaux limoneuses de l’Amazone. Tout comme, au Nord de Manaus, les eaux du Solimoes et du Rio Negro mettent des kilomètres à se mélanger, le phénomène se répète là. Les eaux de températures, d’acidité, de densités différentes, s’écoulant à des vitesses différentes, forment des volutes, s’enroulent, s’écoulent par « strates » avant de se mêler et de ne plus faire qu’un : l’Amazone reprend ses droits.
Sur le bateau, armés de jumelles, nous scrutons, pour les uns, les eaux à la recherche des dauphins qui font régulièrement des apparitions. Pour d’autres, le nez en l’air, ce sont les cormorans et sternes d’Amazonie qui font le spectacle en pêchant. Un caracara à tête blanche passe tout près de l’Amazon Dream, un poisson dans ses puissantes serres.
Puis nous quittons la grande artère de l’Amazone pour une navigation plus confidentielle dans le canal d’Ituqui, entre une rive débordante d’activité et l’île d’Ituqui. Les maisons sur pilotis des cabocles, métis d’Indiens et de Portugais, nous offrent une première approche du mode de vie amazonien… Les hamacs accrochés à l’ombre, les petites embarcations de pêche qui vont et viennent, le linge coloré qui sèche, les arbres fruitiers à l’ombre desquels est souvent construite la modeste petite maison sur pilotis pour échapper aux caprices de l’Amazone…
De tout ceci se dégage une extraordinaire douceur de vivre que nous avons perdu depuis bien longtemps dans nos contrées européennes où l’art de prendre le temps est devenu un luxe… Finalement, c’est l’arrivée dans un secteur de « varzea », ces secteurs périodiquement inondés en période de hautes eaux, où le bateau jette l’ancre pour la nuit. Une nuit aux multiples chants…
Ce matin, c’est avant le lever du soleil que nous embarquons sur les petits bateaux pour une croisière d’observation des oiseaux et ils sont fort nombreux… Jumelles, appareils photos et caméras s’activent devant le lever des ibis mandore, dendrocygnes à ventre noir, martin-pêcheurs, rapaces divers et variés… Soudain, de superbes hoazins sont repérés dans des buissons. Nous faisons une approche minutieuse pour pouvoir observer et photographier à loisir ces, selon certains, plus proches descendants du célèbre Archéoptérix, ancêtre de nos oiseaux actuels. Ces superbes volatiles au plumage à dominante fauve soutenu, arborent un huppe du plus bel effet, des yeux rouges sur fond bleu… Présent uniquement en Amérique du Sud, leurs groupes familiaux se rencontrent sur des fourrés denses. En effet, l’hoazin présente une quasi inaptitude au vol, à la marche et à la nage… Aussi les jeunes hoazins possèdent-ils 2 griffes au poignet de chaque aile qui leurs permettent, en cas de danger, de se laisser tomber à l’eau et d’en remonter grâce à ces accessoires vitaux. De plus, leur nourriture exclusivement constituée de feuilles, quelques fleurs et fruits, donc très riche en fibres végétales, est digérée grâce à une poche musculeuse dans laquelle elle est stockée et à un système de fermentation bactérienne proche de celui de la vache…
Après un copieux petit-déjeuner, nous repartons sur les annexes. Une surprise nous attend : partie de pêche aux piranhas, histoire de démystifier un peu leur mauvaise réputation… Les gourmands pris sont vite relâchés après observation et photos. Ils ne demandent pas leur reste. Nous croisons encore de nombreux oiseaux et les célèbres nénuphars Victoria avant d’arriver au village de Pacoval. Les 1300 habitants, descendants du métissage d’esclaves noirs et de Portugais y vivent de la pêche, de la réparation des bateaux montés à terre en hautes eaux et d’une agriculture vivrière qui leur fournit l’essentiel de leur alimentation. Nous sommes à 140 km de Santarem et l’école reçoit tous les enfants des environs…
Après cette sympathique balade, c’est le retour à bord pour un excellent déjeuner. Nous reprenons notre route vers Monte Alegre où nous arrivons pour profiter de la belle lumière rasante du soir. L’animation est partout et des bateaux aux tailles diverses et variées ne cessent d’aller et venir. Indiscutablement, ici tout transport passe par l’eau…
Aujourd’hui, notre journée est liée à l’histoire de la région. Nous partons en véhicules tout terrain vers les montagnes « Serra de la Lune » et « Serra Ireré » sculptées par le vent pour y découvrir les grottes abritant des peintures rupestres datant de 9000 à 12 000 ans. C’est Anna Roosvelt qui a travaillé sur ces sites et fait des fouilles dans cette région dans les années 90. La route de Monte Alegre vers le site permet de découvrir tout le paysage de « Terra firma » derrière la ville.
Au loin, un grand panache de fumée est synonyme de déforestation et elle a bien fait rage ici… Toute cette région est dédiée à l’élevage extensif et le bétail paît sur de vastes surfaces où il reste bien peu à manger. Il faut dire que cette année, le niveau de l’Amazone est monté très haut. Les terres basses régulièrement inondées de « varzea » ont donc mis plus longtemps à se découvrir et permettre de redescendre les animaux vers des terres plus propices à leur alimentation, d’où leur maigreur…
Les fazendas sont traditionnelles, partout des hamacs à l’ombre des manguiers, la vie suit sont cours : des femmes puisent de l’eau dans des puits, des « cow-boys » locaux réparent des clôtures, des enfants, des chiens courent de-ci de-là… Puis, plus nous nous approchons du site et plus le paysage devient sauvage. Les hauteurs volcaniques présentent une apparence torturée, l’érosion a fait son œuvre…
Le contraste est saisissant entre ces roches sombres et les fines particules noires du sol périphérique, dans un milieu de sable doré et de roches sédimentaires formées sous la mer de Pebas… Nous pénétrons dans des grottes spacieuses ornées par endroits d’étranges représentations ocre foncé ou jaune orangé réalisées à partir de la roche broyée et donc de pigments minéraux mélangés à… de l’urine. De toute évidence, ça résiste très bien au temps. Du point culminant du site, il y a une vue imprenable sur le lac de Monte Alegre et toute la région. Notre dernière étape nous révèle les panneaux de peintures rupestres les plus abouties, bien étranges toutes ces représentations…
Après cette approche historique, nous reprenons notre navigation, vers Santarem, cette fois-ci. L’Amazon Dream stoppe près d’une île et nous en explorons le tour. Heureuse initiative : un premier paresseux à 3 doigts dort dans un arbre. Des nuées d’oiseaux convergent vers leurs dortoirs sur l’île. Un second paresseux est en train de se nourrir un peu plus loin. À l’autre extrémité de l’île, un troupeau mixte de bovins, buffles et chevaux mange ou boit… Ils sont manifestement fraichement débarqués…
Et pour finir cette croisière du coucher du soleil en beauté : toute une famille de botosnous offrent un beau ballet aquatique de leurs dos roses…
Nous partons ce matin en exploration au Sud du lac de Monte Alegre. Nous laissons l’Amazon Dream sur le fleuve Amazone pour nous enfiler dans un premier canal. Nous sommes là dans un secteur de varzea où vivent des caboclos ou cabocles (métis d’Amérindiens et de Portugais) qui y pratiquent surtout l’élevage. Le bétail est omniprésent sur les berges et de petites habitations sur pilotis apparaissent régulièrement au fil des méandres.
Puis, c’est la traversée de l’extrémité Sud du lac de Monte Alegre, un peu « rock’n roll » car le vent s’est levé. Arrivés de l’autre côté, nous pénétrons dans, véritablement, un autre monde. Nos petites embarcations se faufilent bientôt dans un univers tout de verdure. De grands arbres se reflètent dans l’eau. Par endroits, la végétation inondée prend des apparences de bayous de Louisiane. Un peu plus loin, des jacinthes d’eau bordent les rives. Nous scrutons tous dans la dense végétation quelques mouvements synonymes de présence… Et très vite, nous voyons nos premiers singes : tout un groupe de saïmiris qui sautent d’arbres en arbres en se jetant dans le vide et s’accrochant à poignées dans les feuilles d’un peu plus bas. Par-ci par-là un oiseau décolle : héron strié, ani à bec lisse… Puis les arbres s’agitent à nouveau, d’autres singes s’élancent de branches en branches. Il n’est pas aisé de les immortaliser…
Un peu plus loin, les barrières qui ont fait barrage à la végétation emportée par le courant sont couvertes de plantes diverses et variées. Sur les premiers bancs sortis de l’eau se pressent des quantités de dendrocygnes à ventre noir, de jacanas à dos noir… Il se dégage une atmosphère très paisible dans ce milieu qui, même s’il ne l’est pas, a tout d’un milieu lacustre… Quelques spécimens originaux font leur apparition : grand ibijau au mimétisme presque parfait avec le tronc et les branches de l’arbre sur lequel il est posé… Nous croisons quelques bateaux de transport de bétail passant des pâturages de « terra firma » (terre ferme jamais inondée) aux pâturages sortant des eaux. Un beau moment de vie rurale et de nature !
L’Amazon Dream reprend sa navigation vers Santarem. Après une petite escale, nous continuons vers le canal de Jari. Le bateau se cale sur une berge pour la nuit. Ce soir, sortie de nuit pour observer le monde nocturne… Départ sous un véritable festival d’étoiles et, très vite, il faut y rajouter les étoiles des yeux rouges des petits caïmans et de bien d’autres habitants.
Ce matin, nous explorons le canal de Jari sous toutes ses coutures. Ce lieu est, à cette saison, le paradis pour les amateurs d’ornithologie et de vie quotidienne. En effet, nous sommes en pleine « transhumance » locale. Les bateaux convergent vers les terres où le bétail va établir ses quartiers de saison sèche. Les familles de la communauté d’Arapixuana arrivent avec les pintades, les poules, les chiens, les plantes décoratives… pour reprendre possession de leur maisonnette sur pilotis. Certains arrivés un peu plus tôt ont déjà tout mis en place tandis que d’autres ont manifestement un peu… de travail pour remettre en état une installation quelque peu endommagée par les pluies et la montée des eaux. D’autant que l’Amazone est, cette année, particulièrement haut et les terres sortent lentement des eaux alors qu’elles devraient l’être bien plus largement et toute la communauté déjà là, ce qui est loin d’être le cas… Les premiers troupeaux arrivés pressent leurs silhouettes efflanquées vers la végétation tendre et se baignent avec délectation. Des pêcheurs s’activent. Les coups de marteau résonnent par endroits. Bref, l’activité bat son plein. Cette situation fait que sur les bancs fraîchement sortis de l’eau, les oiseaux se pressent. Les orioles à ventre jaune et sturnelles militaires côtoient les plus discrets grands et petits chevaliers, vanneaux de Tero, canards amazonettes… De très beaux ibis mandores s’envolent par endroits. Un héron strié nous fait une belle démonstration de pêche. Des iguanes prennent leur bain de soleil dans les arbres ou sur les berges. Certains « prennent leurs jambes à leur cou », d’autres se laissent tomber dans l’eau tandis que d’autres restent impassibles ou tentent de nous impressionner en balançant la tête de haut en bas. Le cadre est superbe et caméras et appareils photo s’activent…
Nous quittons à regret le canal de Jari mais d’autres belles escales nous attendent. Nous naviguons d’abord sur le fleuve Tapajos dont les eaux bleues et claires nous changent bien des eaux limoneuses de l’Amazone. Après un arrêt bain, nous arrivons bientôt au mouillage dans l’anse d’Urucurea, un cadre volcanique de hauteurs coiffées d’une forêt dense et sauvage. Nous partons explorer les criques au coucher du soleil. Et là, les singes hurleurs nous offrent un beau spectacle. Trois familles différentes sont observées au cours de la balade. Des familles avec des jeunes, ils passent d’arbre en arbre en s’aidant de leur longue queue noire. Le grand mâle reste en dernier à nous surveiller. Avec des jumelles, on le voit bien nous observer. Qui observe qui ? Enfin, cerise sur le gâteau, un couple de rapaces nous permet d’assister à une belle parade nuptiale : accrochés l’un à l’autre serres à serres, le couple se laisse tomber en tournoyant. Superbe !
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