Sarah Galtier est conseillère voyages au sein de l’équipe Grands Espaces, mais c’est aussi une dévoreuse de livres et une amoureuse des belles lettres. C’est avec une véritable poésie que Sarah vous conseillera chaque mois, son coup de coeur lecture ou cinéma, afin de vous faire voyager à travers les mots ou de belles images. Découvrez la sélection de Sarah, et comme elle, débutez le voyage à travers les livres !

DE PIERRE ET DOS, DE BÉRANGÈRE COURNUT

À propos de l’auteure

Sans que cela soit un critère de sélection, voici un nouveau livre écrit cette fois encore par la plume d’une femme Française. Bérengère COURNUT a grandi en région parisienne où elle passe ensuite dix-huit années à étudier, écrire des livres et contribuer, participer à l’aventure du Nouvel Attila : toute jeune maison d’édition.

Elle devient également la secrétaire du traducteur Pierre Leyris (on estime qu’il a signé la traduction d’une centaine d’ouvrages comme ceux de William Blake, Emily Brontë,…) dont elle aide à publier les œuvres posthumes chez José Corti.

Ses premiers livres appartiennent à un univers imaginaire et féerique. Sa rencontre avec des cultures amérindiennes, lors de ses séjours dans l’Ouest américain a provoqué un tournant dans la forme de son écriture, avec un roman sur les Hopis d’Arizona, à la fois contemplatif et documenté : Née contente à Oraibi, publié par Le Tripode, en 2017. Avant la création de ce roman à découvir plus bas “De Pierre et d’os” sorti en 2020.

 

L’histoire

Une nuit, la banquise se brise et Uqsuralik, jeune Inuit, se retrouve séparée de sa famille, seule dans la blancheur. La fracture du sol glacé en plusieurs morceaux l’éloigne de l’igloo dans laquelle elle se reposait aux côtés des siens quelques minutes plus tôt.  Prise dans une faille, accompagnée de ses chiens dont les moins fidèles pensent déjà à la dévorer. L’adolescente va devoir apprendre à chasser seule mais devra surtout trouver refuge dans un groupe, trouver une famille dans laquelle elle pourra s’intégrer pour survivre au froid et à la dureté des éléments.

Mais il n’y a pas que le décor environnant que l’on découvre composé de glaces ; Les habitants de ces lieux immaculés sont aussi froids, parfois même hostiles. Son cocon familial ne sera plus qu’un mirage quand Uqsuralik devra tantôt faire preuve de résistance, tantôt faire preuve de résilience pour continuer d’avancer et ne pas se laisser mourir ou submerger.

C’est une immersion complète dans la vie Inuit, de la chasse à l’éducation des enfants, la formation d’un couple ou la refonte d’un couple, la rudesse et la répartition des tâches ménagères selon l’âge et le sexe.

“Être un poids pour la banquise, c’est une chose ; être un poids pour soi-même et le groupe, c’en est une autre – qui n’est pas souhaitable.

L’AVIS DE SARAH

Cette lecture est extrêmement originale, elle débute avec une magnifique couverture illustrant bien l’aspect conte, que va revêtir ponctuellement ce roman. Un voile de rêve, délicatement posé sur une couche enneigée, levé sur les secrets et coutumes d’une population bien trop souvent oubliée ou communément méconnue.

“Nous découvrons ensemble, avec la même joie, le même émerveillement, le tout nouveau manteau de neige. Désormais, le jour naît de la terre. La faible clarté du ciel est généreusement reflétée par une infinité de cristaux. La neige tombée durant la nuit est si légère qu’elle semble respirer comme un énorme ours blanc.”

Un roman où se mêlent banquise, icebergs, roches, ours polaire, l’esquisse d’une aurore boréale et une silhouette Inuit. Les rideaux s’ouvrent sur des images préparant l’enchantement à venir ponctué de phoques, bélugas et autres images marines ou célestes.

On y parle de phénomènes naturels, avec des mots qui sonnent comme des poèmes. L’évocation de leurs traditions se marie au fantastique, d’une aurore boréale naît une apparition mystique. Un rêve éveillé dont on ne sait plus très bien s’il s’agit de vérité ou de songe.

On y explore la vie spirituelle des Inuit qui croient en plusieurs mondes enfouis, nichés dans le ciel et sous l’eau. Découvrant ainsi le rôle principal du chaman (angakkuq) dont la vocation étant de conseiller chaque individu du groupe, veiller et rappeler à tous l’obéissance aux rituels et aux tabous afin d’apaiser les esprits que seul un chaman peut voir et contacter. C’est le pilier de chaque population.

Ce livre m’a profondément touchée par sa composition quasi artistique, l’ultra documentation fournie par l’auteure pour s’approcher au plus près de ce qu’est la vie englacée. On y retrouve des poèmes et chants Inuit, loin des poèmes tout en rimes et réguliers si chers à notre culture.

“Au-delà de la baie, au pied des icebergs qui passent au large. Ces géants de glace sont comme des montagnes posées sur l’eau. Aux heures où le soleil monte dans le ciel, ils sont éblouissants, on ne peut pas les regarder sans se blesser les yeux. Ils parlent une langue étrange — de succion, d’écoulements et de craquements. Ils sont plus imprévisibles encore que la banquise.”

Sarah Galtier, conseillère voyages chez Grands Espaces, et dévoreuse de livre.

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